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Blog - Page 253

  • Comme une balle lancée en l'air

    « La nature de chaque chose vise autant sa fin que son commencement et son cours. C'est comme une balle lancée en l'air. Quel bien y a-t-il pour la balle à monter et quel mal à descendre ou à tomber à terre ? Quel bien pour la goutte d'eau à se former et quel mal à se dissoudre ? Pareil pour la lampe. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VIII, 20)

     

    Je mets cette citation pour renvoyer la balle de la dernière fois. Elle est fort belle, j'aime ces images qui rendent le mouvement de la vie. Mais sur le fond moral du propos, décidément je n'arrive pas à adhérer à la sagesse stoïco-zen qui fait abstraction de l'affect.

    Et pourtant j'aimerais bien, ainsi que le conseillera aussi Schopenhauer, me poser tranquille dans l'abri psychologique de "l'objectité". 

     

    La balle la goutte d'eau la lampe n'ont pas mal. Grand bien vous fasse, chères choses. Pour moi, dotée de la pensée qui est le propre de la pauvre humaine que je suis (oui avec le rire, mais c'est pas tous les jours), je ne vois pas toujours comment m'y prendre, pour positiver par l'objectiver.

     

    « Constamment – et si possible à chaque idée – applique les sciences naturelles, la pathologie et la dialectique. »

    (Pensées pour moi-même VIII, 13)

    Ah oui quand même ... Je me demande si je ferais pas mieux d'apprendre à jongler, finalement.

     

  • Rebondir

    « Futilités du faste, drames de la scène, troupeaux de petit ou gros bétail, coups de lance, os à ronger, boulettes de viviers, peines et chargements de fourmis, courses effrénées de souris, marionnettes ! Il faut être en face de tout cela indulgent, sans ombrage en observant que chacun vaut ce que valent les objectifs de son effort. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VII,3).

     

    Vanitas vanitatum genre … Surtout la fin, non ?

    Chacun vaut ce que valent les objectifs de son effort. Du coup peu nombreux sont ceux qui échapperont à la démonétisation.

    Je ne parle même pas pour moi, qui ne me suis jamais donné du mal que pour des choses inutiles (qui me l'ont bien rendu en termes d'échec et d'inanité) (je sais bien que le lecteur n'a pas besoin etc. mais j'ai besoin etc. cf supra).

    Mais comment ne pas être atterré devant tant d'efforts absurdes, incohérents, totalement improductifs en réalité (même s'ils sont censés produire des gains boursiers) (précisément pour cela en fait).

    Start-up germant un peu partout, sans autre but avéré (sinon avoué) que de vendre, de trouver le truc inutile voire nocif dont on n'avait pas encore songé à faire objet de commerce.

    Métiers (sic) de conseil, de communication, de marketing (bref de spécialistes en mensonge et vente de vent) proliférant au détriment des vrais métiers, ceux de production, de service au vrai sens du terme (genre ces broutilles si démonétisées que sont le soin, l'éducation).

    Et mieux vaut taire les efforts à but clairement ravageurs, voire meurtriers, pour lesquels nombreux sont ceux qui ne ménagent pas leur peine (et surtout celle des autres).

     

    Oui je sais lecteur-trice, me voici en plein scrogneugnisme. Mais vraiment je ne vois pas comment être en face de ce non sens indulgent et sans ombrage.

    L'ennui c'est que voir l'objectif (= cesser toutes les absurdités auto-suicidaires où s'enfoncent les sociétés un peu partout) est une chose, se lancer dans l'effort pour l'atteindre (et en voir les modalités surtout) c'est autre chose (je parle pour moi bien sûr) (oui c'est vrai y a pas que moi) (merci lecteur tu me consoles bien, là).

     

    Allez, je termine sur une note positive. Il y a dans la phrase de Marco quelque chose de Shakespeare, a tale told by an idiot …

    Quoi pas vraiment positif ? Et la beauté de l'écriture ? Mais bon, alors ça peut-être :

    Notre monde n'est formé qu'à l'ostentation, les hommes ne s'enflent que de vent, et se manient à bonds, comme des ballons. (Montaigne Essais III,12 De la physionomie).

    Marrant, non ?

     

  • Et réciproquement

    « Il est ridicule de ne pas vouloir éviter sa propre méchanceté – alors que c'est possible, tout en voulant éviter celle des autres – alors que c'est impossible. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VII, 71)

     

    On se demande toujours avec les stoïciens : provocation, naïveté, méthode Coué ? Je t'explique, Marco.

    Premièrement chacun ne cherche vraiment à éviter que ce qui le gêne, lui. Or rares sont ceux qui ressentent leur propre méchanceté comme une gêne pour eux.

    Elle les amochise moralement ? So what ? Du moment qu'ils trouvent dans leurs actes ce qui leur fait envie : plaisir, pouvoir, argent, ils cherchent pas plus loin. 

    Deuxièmement plus on pense que la méchanceté des autres est inévitable, plus on s'autorise d'user de méchanceté envers eux. Légitime défense en quelque sorte.

     

    Conclusion, si tu me suggères, Marco, de réduire ma méchanceté par pure rationalité, OK je veux bien. Mais alors faut pousser le raisonnement jusqu'au bout.

    Et admettre qu'il peut arriver à l'autre, tout comme à moi, de chercher à éviter sa propre méchanceté, dans une vague lueur de rationalité.

    Mais si on ne l'admet pas, se donner du mal pour être quelqu'un de bien en sachant qu'en retour on ne peut que s'en prendre plein la gueule ? Tu y crois vraiment, Marco ?

     

    Alors mettons que je reformule ta pensée

    «on peut toujours essayer d'éviter sa propre méchanceté, vu qu'il n'est pas totalement improbable que les autres nous évitent la leur».

    Tu valides ?