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Blog - Page 256

  • Ambition

    « Il est honteux que ton âme renonce à la vie avant ton corps. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VI,29)

     

    Avec le mot honteux, Marc-Aurèle, dans cette pensée, fait implicitement du corps la norme morale. Est-ce ou pas inattendu pour un stoïcien ? Dans son cas un peu quand même vu son tropisme platonicien. En un sens ne serions-nous pas ici dans une physiologie à la mode nietzschéenne ?

     

    Que l'âme renonce malgré un corps encore allant, cela arrive parfois dans la vieillesse. Il est des corps encore verts aux âmes* déjà grises. Comme il est des âmes vigoureuses capables de dynamiser des corps faiblards. Et cela est aussi vrai avant même la vieillesse, une fois de plus le temps ne fait pas grand chose à l'affaire.

    De quoi dépend que l'on soit gratifié d'un conatus plus ou moins vaillant ? Grand mystère pour moi.

    Bien sûr les conditions de vie, matérielles et psychiques, particulièrement dans la prime enfance, jouent un rôle. Est-il si déterminant ?

     

    Quoi qu'il en soit, n'oublions pas que Marc-Aurèle s'adresse à lui-même ces pensées. Sans doute ressent-il davantage les lassitudes du vieillissement à l'endroit de son investissement majeur, en son être pensant et soucieux de morale.

    Mais pour y remédier, il ne fait pas appel (pour une fois?) à Super Surmoi, au contraire il s'en remet à la simplicité du corps, à son être-là.

    La volupté est qualité peu ambitieuse, dit Montaigne (Essais III,5 Sur des vers de Virgile).

    Ajoutons : bien vivre est affaire d'humilité (au sens propre du terme, naturellement) (rien à voir avec renonciation ou aplatissement), et la sagesse suprême est sans doute la plus terre à terre.

    Je dis pas que ce soit évident ni facile, surtout quand il s'agit de la préserver, la terre.

     

    *Je reprends le mot de Marco, mais il ne s'agit évidemment pas d'un élément hétérogène au corps.

    Disons plutôt : fonctionnement psychique. 

     

     

  • Libéralité et sociabilité

    « Uses-en avec les êtres dénués de raison et, en général, avec les choses et les objets comme doit le faire un être doué de raison envers ceux qui en sont privés : avec grandeur d'âme et libéralité ; mais avec les hommes qui sont doués de raison, uses-en avec sociabilité. En toute occasion, invoque les dieux et ne te demande pas combien de temps tu agiras ainsi : même trois heures utilisées ainsi peuvent suffire. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VI,21)

     

    Perso ma libéralité envers les objets que je fréquente au quotidien doit beaucoup au syndrome de Stockholm.

    La plupart m'apparaissent comme à la fois secourables et sadiques. Lorsqu'ils buguent (leur compétence majeure) c'est de libéralité envers le réparateur que je suis contrainte d'user, tandis que lui abuse sur le montant de la note (surtout rapporté à l'efficacité).

    Tu dis quoi, lecteur ? Je règle mes comptes ? En fait oui, j'ai pas honte de le dire … Quoi ? «C'est un homme, pas un objet, donc c'est le cas d'en user avec sociabilité, d'après Marco».

    Tu sais quoi lecteur, tu aurais eu affaire à certain chauffagiste (ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, choisi pour le niveau du trauma qu'il m'occasionna) que nous eûmes le malheur de sonner à propos d'une banale panne, tu te prendrais à douter comme moi de son humanité. Pourquoi ? La faiblesse de son coefficient raison sur bourrinitude, qui n'eut d'égale que sa nullité côté sociabilité, ce sale con honni soit-il ...

    Euh … Oui, alors la pensée de Marc-Aurèle j'en étais où ?

     

    En toute occasion invoque les dieux. Perso j'ai un rapport magique avec les objets, j'ai pas honte de le dire (enfin si un peu).

    Pour moi un poêle, un ordinateur, un lave-linge, un volet, prennent, j'ai beau me raisonner, valeur de totems. Des puissances marquant leur territoire dans le réel, revendiquant d'y être honorées de tout un rituel compliqué, incertain. Faute de quoi on se retrouve en butte à leur mauvais œil. Oui de dangereux totems.

    Et qui dit totem dit tabou forcément. Beaucoup d'objets me sont ainsi tabous. Je m'abstiens autant que possible de les toucher, ou ne les touche que dans la crainte et le tremblement, respectant au mieux les Procédures des Modes d'Emploi. Bref me conformant aux décrets divins sur l'hybris.

    Mais l'anankhê étant ce qu'elle est, ce comportement irréprochable ne suffit pas toujours à se prémunir du bug, de la panne, et subséquemment du commerce inéquitable avec le chauffagiste ou autre être prétendu humain présumé doué de raison.

     

    Même trois heures ainsi utilisées peuvent suffire. Peut être, mais lui, en trois visites et je ne sais combien d'heures, il n'est arrivé à rien, ce sale con honni soit-il.

    Moralité : à chauffagiste fumiste, Ariane fumasse.

    Quoi pas stoïcien ?

     

  • Tu peux le faire

    « Si quelque chose t'est difficile, n'en déduis pas que c'est impossible à l'homme mais, en revanche, si quelque chose est possible et familier à l'homme, considère que tu peux le faire toi aussi. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même VI,19)

     

    La deuxième partie de la phrase se veut positive. Cependant remarquons que si elle s'entend pour le meilleur, elle s'entend aussi pour le pire. Que de choses familières à l'homme sont des horreurs, des cruautés, des infamies, ou simplement des petitesses, des vulgarités que nous minimisons d'autant plus qu'autrui ne les verra pas.

    Les premières, les horreurs, mettons qu'un être humain né dans un contexte à peu près normal et civilisé arrive à les éviter (du moins en leur forme paroxystique).

    Mais les secondes, les petitesses, il faut avouer qu'elles nous tentent tous un jour ou l'autre. « Bah, tant d'autres le font, je peux bien le faire aussi. »

     

    N'en déduis pas que c'est impossible à l'homme, voilà qui évoque le mot magnifique de Mark Twain « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ».

    Là on peut affirmer avec une quasi-certitude que ce que nous trouvons difficile sera plutôt du côté du bien.

    « Notre zèle fait merveilles, quand il va secondant notre pente vers la haine, la cruauté, l'ambition, l'avarice, la trahison, la rébellion. À contrepoil, vers la bonté, la bénignité, la modération, il ne va ni de pied ni d'aile. »

    (Montaigne Essais II,12 Apologie de R.Sebon)*

    Ni de pied ni d'aile, soit. Mais bon, à la nage, à la rame, on peut toujours essayer ...

     

    *cf 17-04 Ukase et Karénine. (Phrase tellement vraie et si bien écrite que je ne m'en lasse pas).