Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 260

  • Servi

    « Adopte à l'essai la vie de l'homme de bien qui apprécie son lot et se contente, quant à lui, d'agir justement et d'être bienveillant. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IV,25)

     

    J'aime bien cette formulation raisonnable et raisonnée. Marc-Aurèle semble dire : être quelqu'un de bien, ça se tente. Mais à l'essai, faut donner à son moteur éthique un temps de rodage, voir comment ça répond.

    Euh je crains que cette métaphore ne fasse un peu vintage. Aujourd'hui les bagnoles n'ont plus besoin de rodage paraît-il.

     

    Alors essayons une autre métaphore. Marco dévoile son caractère de joueur avisé. Il décide de suivre la mise, assez confiant pour cela dans ses cartes (appréciant son lot).

    Si on bluffe en face ? Tant pis, c'est un risque qu'il prend quant à lui. Un risque calculé, car il compte que sa détermination tranquille finisse par faire douter l'adversaire (qui serait l'injuste malveillant, si on suit le fil de ma métaphore) de la valeur de son propre jeu.

    Stratégie conseillée aussi par Spinoza. Qui d'ailleurs aimait jouer aux cartes le soir avec ses logeurs.

     

    Tiens, je m'avise que j'ai de particulières affinités avec des penseurs qui aimaient le jeu, le jeu de cartes en particulier : Freud, Spinoza, Montaigne. (Comme quoi la lecture de Marc-Aurèle est source de prises de conscience essentielles)

    (oui pour moi, d'accord) (vous savez ce que dit Rousseau : je sais bien que le lecteur n'a pas besoin de savoir tout cela mais j'ai besoin moi de le lui dire).

     

    Autre penseur-joueur, Pascal bien sûr, qui aima le jeu à la folie jusqu'au moment où il décida d'y renoncer genre le divertissement ça va un moment.

    (Mais non sans en avoir tiré ses travaux sur les probabilités) (pas n'importe qui encore celui-là).

    Son pari si c'est pas un truc de flambeur, de bluffeur radical, hein ? Faire tapis d'emblée, faut y aller quand même ...

    L'embêtant c'est que la partie est vite finie, du coup.

     

  • Culte

    « De nombreux grains d'encens jetés sur le même autel, l'un est tombé le premier, un autre tombera le dernier et cela n'a pas d'importance. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IV,15)

     

    Pour le culte de qui, ces grains d'encens ? De la vie elle-même, bien sûr. Chaque vivant est l'un de ces grains.

    Quelle que soit son existence, d'un point de vue subjectif comme objectif, facile ou pas, fructueuse ou pas, en quelque lieu ou temps qu'elle soit vécue, elle est au moins louange au simple fait de vivre.

    Cette chose extraordinaire, que nous percevons pourtant sur le mode de la banalité, tant nous faisons corps avec ce fait d'être vivant, participant d'un miracle universel et intime à la fois.

    Cette belle perception fonde l'indifférence stoïcienne, qui cependant fait toujours un peu genre « cache ta joie » : cela n'a pas d'importance ...

    Spinoza, dans une conception proche, mais sans cacher sa joie lui, assoit l'acquiescentia in se ipso (l'adhésion intime et paisible à ce qu'on est) sur l'amor dei intellectualis (l'adhésion, le plein consentement à « dieu ou la nature » que permet la raison humaine)

    (Cf Éthique Partie 5 prop 36 et coroll. Voir ce blog 13-07-2013) (déjà ...).

     

    On peut donc aussi voir dans ces grains d'encens les efforts intellectuels, scientifiques, artistiques, éthiques, des humains. Et c'est vrai que vu de la vie elle-même (sub quadam specie aeternitatis dirait encore Spinoza), peu importe qui a fait quoi le premier, qui a suivi qui dans ce mouvement.

    La vie ignore les copyrights et brevets d'invention. Au lieu de dire « je pense comme Marc-Aurèle » on peut dire tout pareil « Marc-Aurèle pense comme moi ».

    Encensé, non ?

     

  • Insolence

    « N'adopte pas les opinions de l'insolent ou celles qu'il veut t'imposer sans vérifier si elles sont conformes à la vérité. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même IV,11)

     

    Traduit par insolent, un mot formé sur la racine hybris. Ce terme est essentiel pour définir l'être au monde dans la pensée grecque.

    C'est, dans la mythologie, l'attitude de qui ne se conforme pas à l'ordre et à la hiérarchie du cosmos. Les hommes à leur place, les dieux à la leur. Et les dieux sont très attachés à ce schéma, vu qu'ils se sont arrogé la place de chefs.

    Pour qui se met à mélanger les deux ordres (hybris a donné le mot hybride), cela se passe mal, exemple type Prométhée. (Sauf pour Zeus en fait, ou autres divinités allant séduire des mortel(le)s, selon le principe bien connu : faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais).

     

    Pour Marc-Aurèle, l'ordre du monde ne repose pas sur la revendication de pouvoir absolu de dieux copies conformes des despotes humains.

    Il ne peut exister que par l'adéquation entre fonctionnement de la nature et comportement des humains. Cette adéquation est le socle et le critère de la vérité.

    Elle n'est pas donnée, il faut la discerner par la raison (censée être caractère essentiel de l'être humain), et ainsi tenter d'y conformer ses opinions et ses actes.

    On remarque donc ici un renversement fort intéressant.

    C'est l'insolent en question qui veut imposer ses opinions, comme les dieux une loi selon leurs caprices et leurs intérêts.

    Et il faut alors des êtres humains raisonnables et sages pour vérifier leur conformité à la vérité, autrement dit c'est la raison humaine qui est en charge de préserver l'ordre social et cosmique. 

    C'est dire si on est mal barré.