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Blog - Page 263

  • Pensées pour moi-même

    Le titre de Marc Aurèle (empereur philosophe, philosophe empereur) (je fais l'impasse sur le moment wikipédia) est Pensées tout court. Mais comme c'est un titre souvent pris, la traduction a fait cet ajout discriminant.

    Ajout pertinent, le titre ainsi complété rend bien le mode d'être au monde, de rapport à soi et aux autres qui ressort de cet écrit : 

    Ce n'est pas ci ma doctrine, c'est mon étude, et ce n'est pas la leçon d'autrui, c'est la mienne (Essais II,6 De l'exercitation), comme dit pour sa part Montaigne. Lui qui chez les auteurs antiques cherche le côté personnel, et ne se prive pas à l'inverse d'ironiser sur leurs propos pédantesques.

    En fait, en commençant (je n'avais jamais lu ce texte en entier, j'avoue), j'ai ressenti une déception, à la mesure du bain de sagesse revigorante et apaisante à la fois que j'en attendais.

    Il y a des formules magnifiques de liberté et de simplicité, oui, mais ce côté pesant de l'idéalisme platonicien et du volontarisme stoïcien, décidément … La recherche de lâcher-prise y prend une forme appliquée, obsessionnelle. (Un paradoxe peut être pas évitable?)

    Bref j'ai ressenti au premier abord un déficit de vibration, de résonance à ce texte.

    « Aussi bien beaucoup de choses se retrouvent avec tellement plus de chair et d'esprit, de subtilité, sous la plume de Montaigne, tellement plus de puissance illuminatrice sous celle de Spinoza », me suis-je dit. Non sans ajouter dans cet auto-débat « qui suis-je pour faire la fine bouche devant Marc-Aurèle ? »

    (Quelqu'un qui n'a pas peur du ridicule assurément) (ce qu'il aurait approuvé en fait dans son exhortation à prendre de la distance avec l'opinion).

    Et puis, peu à peu, je me suis approchée. Trouvant, dans les mots du texte, (merci Traductrice*), la présence vraie, directe, la façon de cet homme complexe.

    Comme avec Montaigne finalement, et quelques autres.

    Tous les jours m'amuse en lire en des auteurs, sans soin de leur science, y cherchant leur façon, non leur sujet. (Essais III, 8 De l'art de conférer)

     

    *Traduction de Frédérique Vervliet. Édition Arlea 1992.

     

  • Evident

    Le bonheur et le malheur me rendent également malheureux. Pourquoi alors m'arrive-t-il quelquefois de préférer le premier ?

    Cioran (Aveux et anathèmes)

     

    Peut être pour ceci : La lumière de l'aube est la vraie lumière, la lumière primordiale. Chaque fois que je la contemple, je bénis mes mauvaises nuits qui m'offrent l'occasion d'assister au spectacle du Commencement. Yeats la qualifie de « lascive ». Belle trouvaille évidente.

    Oui évidente c'est le mot. La pensée ouvre à l'imagination du malheur (au-delà de sa simple épreuve). Le corps, lui, l'animal, reste arrimé au réel, sans commentaire.

    S'il souffre il souffre c'est « comme ça ». Et s'il est dans le bien-être il n'ira pas s'inventer un complexe de Damoclès.

    D'où la justesse de la constatation Il faut qu'une sensation soit tombée bien bas pour qu'elle se mue en idée. Cioran y fait écho à Nietzsche.

    Les pensées sont les ombres de nos sensations – toujours plus sombres, plus vides, plus simples que celles-ci. (Le Gai savoir 179 Pensées).

    Sauf qu'en fait comme la mutation de la sensation en idée et sentiment est le fait humain majeur (cf entre autres Freud), l'immédiateté du bonheur c'est pas si facile.

    Mais bon on va pas s'embarquer là-dedans, restons dans l'évidence, sœur jumelle de la facilité (cf 1-03-19).

     

    Les pleurs d'admiration, unique excuse de cet univers, puisqu'il lui en faut une.

    Oui enfin si je peux me permettre, c'est plutôt une excuse pour l'être humain, une justification pour toutes ses horreurs et mochetés.

    L'univers, lui, n'a pas besoin d'excuse, étant ce qu'il est, il est parfait (comme dit Spinoza).

     

    Chaque fois que le futur me semble concevable, j'ai l'impression d'avoir été visité par la Grâce.

    Tu sais quoi ? Vas-y, propose-lui de rester, qu'est-ce que tu risques. Fais genre Bach « que ma joie demeure » (cf 13-04-19)

     

    À saint Séverin, en écoutant, à l'orgue, l'Art de la Fugue, je me disais et redisais : « Voilà la réfutation de tous mes anathèmes ».

    Voilà. Tu vois, quand tu veux.

     

  • Vanitas vanitatum

    Pour entrevoir l'essentiel, il ne faut exercer aucun métier. Rester toute la journée allongé, et gémir.

    Cioran (Aveux et anathèmes)

     

    Pour tromper la mélancolie, il faut bouger sans relâche. Dès qu'on s'arrête, elle se réveille, si tant est qu'elle se soit jamais assoupie.

     

    Après tout, je n'ai pas perdu mon temps, moi aussi je me suis trémoussé, comme tout un chacun, dans cet univers aberrant. 

    (dernière phrase d'A&A)

     

    Voilà voilà .. Bon allez disons qu'« Un roi sans divertissement est un homme plein de misère », et n'en parlons plus.

     

    Leçon quotidienne de retenue : songer, ne fût-ce que la durée d'un éclair, qu'un jour on parlera de nos restes. (C'est lui qui souligne).

    Et encore, s'il se trouve quelqu'un pour en parler. (Soit dit sans casser l'ambiance).