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Blog - Page 339

  • L'envie ou la vie (10/13)

    Envie du latin invidia : jalousie, désir. Pas besoin d’acrobatie étymologique pour rapprocher invidia et invidere de videre : voir.

    Ce qui ne manque pas de nous rappeler, outre toutes les histoires de mauvais oeil, l’angle mort de la vision divine provoquant l'inconfort existentiel de Caïn. (cf Genèse 4 et ce que j'en disais en lisant Zarathoustra 13-17/03/15).

     

    « 1) Sentiment de tristesse, d’irritation et de haine envers qui possède un bien que l’on n’a pas. 

    2) Désir de jouir d’un avantage, d’un plaisir égal à celui d’autrui. »

    dit Robert

    Le 2) n'est pas nécessairement dommageable. On peut en effet vouloir un bien au même titre que l’autre. Il n'y a pas de raison que ça se passe mal, du moins quand il n’y a pas pénurie.

    Car en situation de pénurie, quand il n’y a pas de quoi pour tous, il est logique de passer du désir normal d'égalité à l'envie envers l’accapareur (ou supposé tel).

    Alors vient la question du sens, de la justification ou pas de l'inégalité.

    C’est pourquoi, comme l’a remarqué Platon et d’autres à sa suite, la question de l'envie est indissociable de la démocratie. Raison pour laquelle il rejetait la démocratie, forcément nuisible à la stabilité sociale.

    Et clairement posa qu'il fallait que certains soient « plus égaux » que les autres. Dans son idée les aristocrates le méritaient étant les meilleurs (aristos = le meilleur).

    Une tautologie, preuve de plus que Platon est ou bien de mauvaise foi ou bien dans le déni de la réalité. Ou les deux. (Mais qui suis-je pour débiner Platon?)

     

    L’accaparement noue un lien solide entre avarice et envie. L’avarice implique l’envie. Ceux qui amassent en Suisses, ou dans les banques suisses, enfin je veux dire dans leur coin, font de l’ombre aux autres qui en prennent forcément ombrage.

    Et l’envie peut aussi impliquer l’avarice : accumuler l’avoir pour soi, c’est se prémunir contre le risque que l’autre ait davantage que soi, donc contre le risque de l’envier. Imparable, non ?

    Logique statique, logique pétrifiante.

    Car quel est l'antidote au poison de l'envie ? Choisir la vie qui est mouvement, ouverture vers l'avenir.

     

    Telle est la leçon du jugement de Salomon (1er livre Rois chap 3  v.16-28 je reprends ici ce que j'en disais sur un exemple politique le 30 avril dernier).

    Deux femmes se disputent le même enfant. Au départ chacune avait le sien, mais l'un des deux est mort. Salomon dit : coupez-l'enfant en deux, chacune sa part et basta.

    L'envieuse, qui veut juste que l'autre n'ait pas ce qu'elle n'a pas (car l'enfant mort est le sien en fait) dit OK.

    Mais l'autre dit : donnez-le à cette femme, qu'il vive !

     

  • L'avarice ou le vif argent (9/13)

    La parole est d'argent et le silence est d'or. D'où le secret bancaire, d'où l'extrême discrétion des vrais riches sur leur fortune (et pas seulement auprès du fisc).

    À propos d'argent, il faut cependant dire une chose : il n'est pas seulement négatif. Du point de vue éthique je veux dire.

    Car certes de tous les autres points de vue sa positivité saute aux yeux. Par exemple si on met en perspective le solde de son compte en banque et la somme des factures que l'on a à acquitter.

    L'argent fut positif au plan éthique car

    1) sa création fut libération pour l'humanité. Finie l'obligation de rester attaché à une terre pour subsister.

    2) en tant qu'équivalent universel il détacha du fétichisme de la chose pour la chose. Arracha au tangible et à l'immédiat, ouvrit le monde symbolique.

    3) son fonctionnement ne pouvait reposer que sur la confiance.

    L'ennui c'est que tout ça c'est fini.

     

    L'argent lui-même est fétichisé, a cessé d'être un moyen d'équivalence pour devenir une fin.

    Quant à la confiance, pour quelqu'un de sain d'esprit, elle est incompatible avec le fonctionnement bancaire et boursier actuels, arnaqueurs par structure. (Je ne m'étends pas voir les crises les plus récentes, disons depuis 2008).

    Notre système actuel, la religion du capitalisme financier, a ainsi tué son dieu à force de l'honorer. Le vif-argent est mort.

    Quoi qu'on en dise, quelque discours qu'on tienne sur la circulation des capitaux. Les capitaux circulent, mais pas la richesse. Au contraire ils ne circulent que pour se concentrer. Telle est la vérité de la mondialisation.

    Et tel est le visage difforme, vraiment disgracieux, de l'avarice contemporaine.

    De nos jours l'avare capitaliste-financier se prétend en outre créateur de richesse. Harpagon, lui au moins, se contentait d'accaparer les richesses et ne prétendait pas les créer.

     

    Ajoutons que l'avarice concerne l'argent et les possessions matérielles mais pas seulement.

    L'Avare Harpagon est un vieux. Un vieux salaud qui jouit du pouvoir que lui donne l'argent sur les jeunes. Au lieu de partager avec ses enfants, il les réduit à attendre sa mort pour vivre.

    Entre autres il vend sa fille à un vieux pour économiser la dot, tout en s'achetant une jeunette pour son propre compte. (À relire, ô lecteurs, Molière y est au top de son génie).

    L'avarice de soi existe aussi : s'économiser comme on dit, ne pas donner son temps, son attention, son amour.

    Une avarice qui est avarie de communication, intempérie de partage.

     

     

  • Trois en une (8/13)

     

    Le corps de la pyramide est constitué de disgrâces jumelles : envie et orgueil.

    Et tout en haut, à la tête, pierre d'angle, âme du système des disgrâces, l'avarice. Telle est la trinité qui mène le monde.

    De nos jours, elle organise les sociétés selon un mode de vie publicitaire, autopromotion et débinage de la concurrence.

    Ici l'homothétie entre la macrostructure et la microstructure est évidente.

    Quand règne le Tout-Marché, multinationales, états, secteurs d'activité, ne connaissent que la logique commerciale de la plus-value.

    Dans le processus de vente-achat impliquant nécessairement un gagnant et un perdant, il faut être celui qui gagne. Et n'être rien d'autre.

    Côté microstructure on est ici à l'étage du Moi sans doute, comme avec gourmandise etc. on était à l'étage du Ça.

    Ou encore, plutôt que le concept du Moi freudien, je me demande si l'Imaginaire lacanien ne serait pas plus pertinent.

    Car il arrive même à Lacan d'être lumineux. Réconfortant, non ?

    L’Imaginaire désigne le fonctionnement du Moi sur le mode spéculaire = en fonction d'un miroir (dont le parangon est à jamais la mare à Narcisse), conduisant à un rapport de rivalité mimétique à autrui.

    La réalité se voit et se vit alors sur le mode défensif et projectif. « Le moi est paranoïaque ».

     

    Toute la disgrâce, fondamentalement, est là : vivre dans une perpétuelle comparaison à l'autre. Et ainsi

    1) ne pas pouvoir savourer le bonheur d'exister. Purement et simplement.

    « Perfection et imperfection ne sont donc, en vérité, que des manières de penser, à savoir, des notions que nous forgeons habituellement du fait que nous comparons entre eux des individus de même espèce ou de même genre : et c'est pour cette raison que j'ai dit plus haut (Défin 6 partie 2) que quant à moi, par réalité et par perfection j'entends la même chose. »

    Spinoza : Éthique (Préface partie 4)

    2) risquer perpétuellement d'être perdant devant l'autre, d'être moins que lui.

     

    C'est ce double mécanisme qui noue l'alliance infernale entre envie et orgueil. Pour être sûr de n'être pas perdant au jeu de la comparaison, on fait son auto-promotion, on frime, on brille, on exhibe ses atouts. Ou on feint d'en avoir.

    Prompt à envier, l'autre n'y voit que du feu. Et se lance à son tour dans la surenchère. C'est cela aussi qui fait l'avarice : le plus sûr, dans le doute d'être, est d'appuyer son être sur un avoir.

    Envie/orgueil/avarice, avarice/orgueil/envie : le cercle vicieux ne cesse de se resserrer, jusqu'à nous couper le souffle.

     

    Tel est le tableau global. À partir de la prochaine fois, on zoomera sur quelques points.