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Blog - Page 342

  • Aceglop (1/13)

    Aceglop : drôle de mot. Monstrueux, non ? Quand ça rime avec cyclope moi je dis c'est pas bon. Sans compter que ça rime aussi avec Robocop. Oui, et avec … euh on va passer sur les autres rimes possibles.

    Ce mot bizarre est en fait un sigle, comme OCDE ou OTAN.

    A comme Avarice C comme Colère E comme Envie G comme Gourmandise L comme Luxure O comme Orgueil P comme Paresse.

    Oui : les « Seven », les ci-devant péchés capitaux soi-même.

     

    Ah bon ? (dira le lecteur) Pourquoi diable aller déterrer ces vieux machins religieux ? C'est qu'ils ont deux trois choses à nous dire au plan d'une éthique purement humaine.

    Cependant, par Saint Petit Robert, il faudra songer à les renommer (je n'ai pas dit les rebaptiser). Parce que péché, voilà un mot, le pauvre, qui se trimbale un bien méchant fatras : gendarmerie divine, infractions tarifées, pénitences.

    Et surtout la terrible et ravageuse notion d'impureté, ce sniper tous azimuts du vivre-ensemble entre humains.

    (Cyclope et Robocop ne seraient donc peut être pas venus là par hasard. Aceglop ne serait-il pas leur cousin en serialkillisme ?)

     

    Fatras religieux, ça me rappelle une séquence d'un film des années 80 (ça nous rajeunit pas) : La mission de Roland Joffé. Au XVI°s au Paraguay, dans un contexte de colonisation esclavagiste, Espagnols et Portugais se disputent terres et ressources (y compris humaines) avec la bénédiction intéressée du Vatican.

    Là, des jésuites créent pourtant des communautés fraternelles & évangéliques avec les « indigènes ». (Des jésuites écolo et plutôt de gauche, genre le jésuite François par ailleurs pape - en plus engagés).

    Le grand Robert (De Niro) joue le rôle d'un mercenaire sanguinaire & bourrin. Ayant tué son frère en duel dans le grand style Caïn et Abel, désespéré et au bord du suicide, il est recruté par le responsable des communautés (Jeremy Irons).

    Il se retrouvera nettement moins bourrin mais encore un peu sanguinaire à lutter (et mourir) pour leur défense au moment où les rois et le pape décideront de leur liquidation.

    La séquence dont je parle se situe au moment où Bob escalade la montagne pour rejoindre la communauté. En guise de pénitence il transporte tout son barda de guerrier.

    Épuisé, il tombe à plusieurs reprises (dans le grand style Golgotha), au risque d'être entraîné dans l'abîme. Ses compagnons veulent l'en délivrer mais il s'obstine.

    Jusqu'au moment où c'est un des Indiens qui prend son couteau pour l'alléger, en un geste aussi simple que symbolique, du poids mortifère de son ancienne vie.

     

     

  • Par l'azur calme et tous les temps

     

     

    « En criant à pleins poumons au sommet d'une colline, on se remplit d'énergie. »

    Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes II, 114)

     

    C'est rudement vrai. Sensation euphorique. Leonardo à la proue du Titanic, le naufrage en moins. Quoique. On aura beau s'être empli de toute l'énergie du monde, on sombrera forcément un jour.

    Tant qu'on y est, ajoutons que selon la pente de la colline, arrivé au sommet faut attendre un chouia pour pousser son cri, le temps de reprendre souffle. Selon la pente et aussi peut être l'âge …

    Euh ... oubliez : je m'en voudrais de jeter un froid.

    « Le cœur est de la même substance que le ciel.

    Pour une pensée joyeuse, il est comme l'étoile des justes ou un heureux présage. Pour une pensée coléreuse il est comme l'orage ou la tempête. Pour une pensée compatissante, il est comme la brise et la rosée. Pour une pensée sévère, il est comme un soleil ardent ou une gelée automnale.

    Tous ces aspects alternent, il suffit de se conformer à leur émergence et leur disparition pour se sentir libre comme l'univers, de la même substance que le ciel. » (I,74)

    C'est son truc à la pensée extrême-orientale, la perception d'une solidarité entre toutes les composantes de la vie, en tant qu'éléments d'un unique moteur. Système très intégré, dans une synergie microcosme/macrocosme, matériel/ immatériel.

    C'est dans ce genre de réflexion que Schopenhauer a puisé pour son concept d'œil unique du monde.

    Dans la culture occidentale on a souvent un peu plus de mal à se conformer (non seulement admettre, ça pas le choix, mais faire corps) aux perturbations externes du monde, comme aux internes de son petit moi à soi.

    Ça me rappelle une réplique du film d'Agnès Jaoui Parlez-moi de la pluie.

    « Quand il fait mauvais temps j'ai toujours l'impression que c'est contre moi, que le ciel m'en veut.» Le même genre de chose doit s'entendre à un coin de pellicule chez Woody Allen.

    En tous cas perso je ressens souvent cela. Pluie, vent, froid, je monte aussi sec sur la colline crier : eh là-haut ! Tu me cherches ? Descends si t'es un homme !

    Oui je sais c'est pas le même climat de cri qu'avec Hong. 

    « Un ciel serein est soudain sillonné d'éclairs et ébranlé par le tonnerre. Un vent rageur et une pluie battante cèdent soudain au clair de lune. La nature est-elle arrêtée un instant dans son évolution? Le ciel est-il un instant entravé dans son mouvement ? Le cœur humain doit être à l'unisson. » (I,124)

    OK OK j'ai capté le message. Bon, rendez-vous pour crier là-haut sur la colline ?

     

    P.S. Le titre n'est pas de moi (hélas), c'est dans le Cantique des Créatures de François d'Assise, sublime poème qui commence par « Loué sois-tu mon Seigneur par frère Soleil ». Après il loue par la lune, les étoiles, l'eau, la neige, la grêle etc.

    (Toute ressemblance avec le psaume 148 ne doit rien au hasard)

     

  • Page blanche

    « On sait lire les livres remplis de mots, mais non ceux dont les pages sont blanches. »

    Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes II,8)

     

    Pour ceux qui sont remplis de mots, pas tout à fait sûr non plus qu'on sache les lire pour de bon. Lire ce qu'ils disent vraiment. Mais ce n'est pas le propos de Monsieur Hong, je vais donc m'abstenir d'ergoter sur ce point.

     

    « Page blanche : ach, ça vous fait penser à was ? 

    - Euh … angoisse de la page blanche ?

    - Ach, und Sie l'haben souvent, l'angoisse de la page blanche ?

    - Curieusement non, jamais. Étonnant non ?

    - Ach so, ja ja ... Und le trac, Sie haben le Trak wenn Sie haben à parler en public zum Beispiel ?

    - Pas plus. Re-étonnant non, avec toutes les angoisses que je me trimbale ? Mais bon, c'est pas que je m'ennuie avec vous, Herr Doktor, mais je voudrais bien revenir à la phrase d'Hong.

    - Ach ja ja les phrases des autres : gut Kontraphobischobjekt für l'angoisse de la weisse Blatt, nicht wahr ?

    - Non enfin oui peut être, mais en wahr c'est surtout que quand y a des mots qui sont bien autant en parler plutôt que d'autre chose. »

     

    Longtemps qu'il s'était plus pointé, Papa Freud.

    Peut être est-ce un message subliminal pour que je refasse quelques lectures de ses textes ? Il serait un peu jaloux ? Mais bon je vais pas faire d'interprétation sauvage à son propos ce serait un comble.

    Y a pas écrit Onfray.

     

    Bref les livres dont les pages sont blanches, pour ma part j'y vois toutes les vies restées ignorées ou mal connues, faute d'avoir laissé une trace sur un papier.

    Ou autre conservateur de mots : un disque par exemple. Et comme non seulement le son mais aussi l'image a son langage, ajoutons toutes ces vies dont ne reste pas non plus une photo, pas un bout de pellicule.

    Certaines pages sont blanches d'avoir été effacées dans les violences de l'Histoire. Mais d'autres n'ont simplement jamais été remplies. Souvent je pense à tant de vies muettes.

    Vies que nul n'aura pu lire car elles n'auront pas trouvé les mots pour se dire. (Ou simplement auront négligé de se dire).

    Quoique. Ces pages blanches sont au moins lisibles dans l'œil unique du monde (oui encore, en plus de tout le reste je suis monomaniaque j'y peux rien).

    Quant aux noms de leurs auteurs la liste en est inscrite dans le grand livre de la vie. Avec chacune de leurs existences telle qu'elle fut : unique et précieuse dans son unicité.

    Car ni les hommes ni leurs vies ne se mesurent à l'aune (Montaigne qui d'autre).