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Le blog d'Ariane Beth - Page 499

  • Chapitre 3

     

    Chapitre 3 : Qu'est-ce qu'un déménagement réussi ?

     

    Si on garde le cap, ça tiendra la route.

    Paul Ytique : Manifeste du Parti de Rien

     

    Enfin une question simple, à laquelle j'apporterai une réponse qui ne manquera pas de l'être (ou alors de peu). Mon intime conviction lacano-cartésienne, c'est qu'il n'y a qu'une façon de réussir un déménagement, si ce mot a un sens (je ne parle pas de déménagement, Minibob nous a convaincus que c'est pas sûr qu'il en ait un), de le réussir, disais-je, c'est de ne pas déménager. J'affirme donc sans ambages : un déménagement réussi est un déménagement évité, aussi sûr que deux déménagements valent un incendie. Un déménagement réussi est en somme le contraire d'un acte manqué, que l'on n'appelle manqué que parce qu'on a réussi à le faire.

     

    Mais le monde étant un tissu d'imperfections et l'homme un être inscrit dans la contingence, tous les déménagements ne sont pas évitables. Et par conséquent ce chapitre non plus. Nous nous appuierons pour le traiter sur deux références complémentaires : d'une part ma référence d'élection j'ai nommé Montaigne, et de l'autre celle (pas d'élection. Quoique) d'un homme normal. Pourquoi Montaigne, direz-vous. Il me semble que c'est évident mais bon. Parce que lui c'était lui, répondrai-je, parce que vous c'est vous, et parce que je le veux bien.

    Ne pas croire que cette réponse soit une preuve de Désinvolture, voire de Dédain ou de Déconsidération à l'égard de mon lecteur, ou pire de Montaigne. De toutes façons, en ce qui concerne ce dernier, m'étonnerait qu'il vienne me le reprocher. Et pour les procéduriers parmi mes lecteurs, je rappelle que j'ai dûment signé mon CDT, Contrat de Déontologie Tractatrice, auprès des autorités compétentes.

     

    Car Montaigne arrive ici pour trois raisons entièrement cartésiennes.

     

    Premièrement, même si le confort de sa tour est discutable, dans son bouquin je me sens chez moi à tous les coins de page, ce qui dans un contexte de déménagement est plutôt bon à prendre. Il est vrai, me dira-t-on, qu'acheter la tour aurait été au-dessus de nos moyens, outre qu'elle n'est pas à vendre. En revanche son bouquin est en vente libre pour une somme somme toute modique, même dans les éditions établies par les sommités critiques. Le monde est bien fait. De plus je ne vois pas pourquoi j'aurais acheté sa tour dont il a déménagé depuis un certain temps, alors que dans le livre il est toujours là pour le premier lecteur venu, traversant le temps à sa vitesse de TGV (Très Grand Vivant), la preuve : S'il y a quelque personne, quelque bonne compagnie aux champs, en la ville, en France ou ailleurs, resséante ou voyagère, il n'est que de siffler en paume, je leur irai fournir des Essais en chair et en os, qu'il dit (Essais III,5).

     

    Il ne vous échappe pas combien cette phrase est particulièrement appropriée, outre à la célébration du génie de Montaigne, à notre réflexion déménagère. Car quelqu'un de resséant, c'est quelqu'un qui reste préférentiellement sur son séant (que la bienséance autant que le niveau de langue requis par ce traité nous interdit de désigner par son équivalent familier). Contrairement à la personne voyagère qui a tendance à se bouger un peu plus le cul.

    Montaigne alterna les deux, et ainsi fîmes-nous durant notre déménagement. En effet, nous avons eu les clés de notre nouvelle maison quinze bons jours avant la date officielle de notre départ de l'ancienne. L'intervalle de temps ainsi ouvert fut comblé par le transport de nombreux cartons, en nombreux va et vient le long d'un vecteur reliant les deux résidences.

     

    • Tu te sens comment, toi aujourd'hui ? Resséante ou voyagère ?

    • Je resséantiserais bien, mais ce qui est voyagé n'est plus à voyager, non ?

    • Oui, la resséantise est rarement bonne conseillère en période déménagiste ...

    • Certes on serait presque dans la contradictio in terminis. Tu me passes les ciseaux ?

    • Tiens au fait je me demande pourquoi Descartes écrit en latin et pas Montaigne qui écrit avant, tu peux appuyer là j'ai laissé le scotch dans la cuisine.

    • C'est un tout autre rapport à la langue, selon que tu privilégies le signifiant ou le signifié, tu as encore bourré les cartons de livres, comment ils vont faire les déménageurs ?

       

    Deuxièmement, étant mort en 1592, soit exactement dix neuf ans avant 1611, Montaigne ne disposa pas du mot déménagement. Il l'évita donc par la force des choses, si bien qu'évitant le mot il évita la chose, et par conséquent la réussit. CQFD.

     

    Troisièmement il a appelé son livre Essais. Comment ça vous ne voyez pas le rapport ? C'est quoi un essai, hein ? C'est une tentative, genre l'athlète battit le record du monde au troisième essai (comme dirait Bob). Là c'est une tentative réussie, mais il aurait aussi bien pu échouer, le mec. L'athlète échoua à son troisième essai. Il est donc clair que l'essai, comme Nietzsche au delà du bien et du mal, est au delà de la réussite ou de l'échec. Ou bien en deçà. Bref ailleurs.

     

    Mais ce n'est pas tout, l'essai est aussi une expérimentation, une épreuve. Exemple. Cette entreprise pourrait vous proposer un contrat à l'essai pour trois mois (comme m'a dit récemment mon conseiller Pôle Emploi). Montaigne en ce sens il parle d'exercitation. Que nous pouvons lire comme un mot valise, preuve s'il en fallait qu'il avait la plume déménageuse. Exercitation = excitation d'erre, exercice de citations, continuez vous verrez c'est aussi marrant que le logorallye. Citation en exergue :

    Si mon âme pouvait prendre pied, je ne m'essaierais pas, je me résoudrais ; elle est toujours en apprentissage et en épreuve (Essais, III, 2 : Du repentir).

     

    Il me semble que c'est assez clair. En tous cas pour moi il est clair que tout déménageant a quelque chose en lui de Montaigne. En tous cas moi déménageante (et pas que) c'est comme ça. Moi déménageante, je le proclame ici à la face de mon lecteur : mon âme est bel et bien l'âme soeur de celle de Montaigne qui ne peut prendre pied.

    D'où moi déménageante l'entorse si vous me suivez.

     

    Notre deuxième référence est donc celle d'un homme normal.

    Qu'est-ce qu'un homme normal ? Au risque de surprendre, il faut d'abord remarquer que l'homme normal présente quelques points communs avec Montaigne notre homme d'exception, d'élection et d'exercitation.

    Premier point, sur le plan physique : il ont à peu près la même taille et la même corpulence. Cela dit, Montaigne était plus musclé, se déplaçant à pied et surtout à cheval, là où l'homme normal préfère le train.

    Deuxième point, sur le plan comportemental l'homme normal procède lui aussi par essais et erreurs.

    Troisième point l'un et l'autre sont réputés pour leurs qualités de négociateurs. Ainsi Montaigne se consacra des années durant, au fil de sommets informels, à tenter de rapprocher des points de vue divergents sur la communauté européenne, le tout dans un contexte de crise. Et il lui a fallu tous ses nerfs de philosophe pour ne pas criser lui aussi, entre un mec de la Ligue un peu trop sectaire, un Béarnais isolé mais ambitieux, et un roi de France qui sautait sur son trône comme un cabri en répétant « unité, unité », un bilboquet dans une main, et un mouchoir dans l'autre pour essuyer le sang de la Saint-Barthélémy.

     

    Mais venons-en aux différences. L'homme normal a peut être l'intention d'écrire un jour pour la postérité, ça je ne sais pas je ne suis pas dans ses petits papiers, mais en attendant il parle à l'opinion publique. Et que dit-il ? Pas mal de choses, parmi lesquelles, pour ne pas alourdir inutilement ce traité qui je le rappelle se veut un petit précis, je ne retiendrai que la phrase en rapport direct avec notre propos : le changement c'est maintenant.

     

    Car la postérité retiendra que le destin a voulu que nous déménageassions en période d'élections présidentielles. Comme Axel et moi, l'homme normal et l'autre avaient la resséance entre deux chaises. Le locataire sortant de l'Elysée qui voulait y renouveler son bail, et l'homme normal qui voulait qu'on lui dise bye.

     

    La deuxième option fut choisie, et les deux déménagèrent. Deux déménagements, mais assez peu de flamme. Comme quoi même les proverbes les mieux attestés ne sont pas infaillibles.

     

     

     

  • chapitre 2

     

    Chapitre 2 : Qu'est-ce qu'un acte manqué ?

     

    Aux jeux de l'ego et du hasard faut jouer Descartes sur table.

    Jacques Ici-Maintenant : Moi ce que j'en dis

     

    En parlant de voie, jusqu'à présent, j'ai mis le paquet sur la rationalité et la cohérence logique sans faille, ce qui est bien le moins quand on a choisi de se placer sous le patronage du cartésianisme dans le pays des centrales nucléaires les plus sûres du monde. Cependant, je n'ai garde de négliger l'autre aspect de mon travail, la prise en compte des éléments inconscients.

    Faute de quoi, ce serait comme essayer de ne marcher que sur une jambe, ce qui est un inconvénient certain pour déménager, et en outre rendrait ce traité symboliquement boiteux. Un peu comme Oedipe si vous voulez.

    D'ailleurs les grands esprits se rencontrent, figurez-vous que moi aussi de mon côté j'ai passé quelques jours à boiter peu après mon déménagement. Un truc con d'entorse. Mon pied a porté à faux sur une légère inégalité de terrain, et crac. « Et merde me suis-je dit en mon for intérieur, juste quand j'ai tous ces cartons à transporter au premier étage, ça tombe mal. » Je n'ai pu m'empêcher de faire le rapprochement avec un accident semblable, je parle de mon petit orteil cassé l'an dernier au moment où nous entamions Axel et moi la recherche de maison. Similitude intrigante. Or, comme je suis profondément cartésienne, je me saisis toujours avec empressement de ce qui me met le doute.

     

    En l'occurrence, telle Oedipe devant le Sphinx, je n'ai pas balancé longtemps pour retomber sur mes pattes : nous avions affaire ça tombait sous le sens à un bel acte manqué. Et qui dit acte manqué dit tréfonds inconscients, affres et affects freudiens. « Lacan nous voilà », ai-je conclu, toujours retranchée dans mon même for intérieur. Car, de même que le philosophe manie des concepts, le psychanalyste pense aussi avec ses pieds. C'est pourquoi, de même que le principe de réalité est la continuation du principe de plaisir par d'autres moyens, l'acte con est la continuation du cogito.

     

    Je m'en vais donc de ce pas poursuivre en consacrant le chapitre ici présent à une approche psychanalytique du signifiant déménagement. « Oui mais, diront parmi vous les lecteurs peu rompus aux ergotages lacaniques – et je sais que ça existe quelque part – on vient de se taper un chapitre autour de la définition du dico, c'est bon, côté mot, on a donné ». A ceux-là je répondrai qu'ils n'ont pas encore bien tous les cartes conceptuelles en main s'ils se figurent qu'un signifiant est un mot, qu'on peut purement et simplement assimiler l'un à l'autre. Même pas en rêve ni en parméton.

    Bon, j'explique, on est dans un précis, soyons-le. On est dans un concis, je le serai aussi. Le mot peut se représenter de façon imagée sous la forme d'un animal à deux pattes.

     

    Première patte, le signifiant. C'est, dit Robert, la manifestation matérielle du signe qui constitue le support d'un sens. Pas à dire, voilà une définition qui sait de quoi elle parle. Et elle se comprend. Notre entendement y est comme un poisson dans l'eau, il nage. En outre j'adore pour ma part manifestation matérielle. C'est bien simple, on croit voir le Saint Graal suspendu en l'air comme dans le film des Monty Python. Ce bon vieux Bob nous laisse ici entrevoir un petit côté destroy qu'on n'aurait pas soupçonné chez lui. En fait ça veut juste dire les lettres et les sons du mot. Le reste est littérature, c'est à dire effet spécial comme dans le film.

    Deuxième patte, le signifié, qui est le contenu du signe (là Bob, contre toute attente, fait dans la sobriété). Si vous voulez, c'est comme le lapin qu'on tire du chapeau. Car il faut préciser que le signifiant et le signifié ne sont pas reliés par une nécessité quelconque. C'est comme ça, dans le chapeau y avait un lapin, mais on aurait pu aussi bien y mettre une pipe ou un parméton. En fait ce qui nous égarerait plutôt, linguistiquement parlant, il faut bien le dire, c'est que dans le chapeau il y ait une tête. Mais à part un lapin lacanien, je vois pas bien qui nous ferait le coup. Or les lapins à ma connaissance sont massivement freudiens, adhérant dans leur grande majorité à la notion de primat du sexuel.

     

    Prenons le mot chapeau en exemple, puisque nous l'avons sous la main. Signifiant : les lettres c-h-a-p-e-a-u et les sons cha et po. Signifié : un truc qu'on se met sur la tête. Mais attention, ce signifié-là ne peut être décodé avec certitude que si on a les deux faces du signifiant, le son et lumière. Sinon on peut coller au signifiant d'autres signifiés : chat-peau, chat-pot. Vous me direz que ça ne signifie pas grand chose, chat pot, moins que poule au pot en tous cas, ou lapin en gibelotte. Précisément, tout ne tombe pas sous le sens, sinon pourquoi parler, hein ?

    Bref je vous raconte pas si en plus, au lieu d'être isolé comme ça pour les besoins de l'expérience, comme une grenouille arrachée à sa mare natale et clouée sur une paillasse de labo, le signifiant, qu'il soit chat, pot, ou chapeau, reste dans son milieu naturel, qui est ce que les linguistes appellent la chaîne parlée, dans laquelle le plus cartésien des locuteurs se fera tôt ou tard quelques nœuds.

    Autrement dit, lorsque le mot, sur ses deux pattes, cherche à avancer un sens, eh bien il fait comme Oedipe lorsqu'il cherche à avancer tout court : il boite toujours un peu.

     

    Moi ça m'a duré une bonne dizaine de jours. Le temps de méditer cartésiennement sur un transat sur la terrasse, et accessoirement sur la signification de cet acte manqué. Ici ma DT m'oblige à signaler qu'il n'y a pas accord unanime de la communauté philosophique sur l'unité du couple Descartes/Lacan, et la fécondation de l'ego de celui-ci par les cogitations de celui-là.

    Axel par exemple m'a dit : « Arrête de voir des actes manqués partout, tu t'es fait une entorse parce que tu étais fatiguée, ton pied a glissé, c'est aussi simple que ça. » Moi je crains que cette remarque n'ait quelque chose de parmétonien, dans la mesure où la fatigue peut être considérée comme une condition nécessaire admettons, mais non suffisante. Je me suis fait une entorse parce que mon pied a glissé certes.

    Mais premièrement glissement se dit en latin lapsus, deuxièmement Descartes a écrit surtout en latin, et troisièmement dans la troisième phrase du paragraphe confer ci-dessus, j'avais d'abord tapé accroc au lieu de taper accord. Il me semble que ça se passe de commentaire. Et du commentaire au comment dire il n'y a qu'un pas, qui nous ramène dans tous les cas de figure au signifiant.

    Bref, comme le dit en substance Sigmund, avec le lapsus comme avec l'acte manqué, l'inconscient ne chôme pas, il trouvaille.

     

    Trouvaille nf 1: fait de trouver avec bonheur, chose trouvée heureusement (voir découverte) ex : « quelle charmante propriété vous avez là ! - Une occasion, une trouvaille » (Zola). 2 : fait de découvrir par l'esprit (une image, une idée) d'une manière heureuse ; idée originale, intéressante (voir création, invention).

     

    Ainsi parlait encore Petitrobert. On remarquera premièrement la congruence de la citation de Zola avec notre propos, et deuxièmement que ces définitions sont empreintes d'un certain enthousiasme, car contrairement à ce que l'on croit souvent, les dictionnaires font la part belle aux sentiments, sensations et pulsions, je ne sais pourquoi.

    Enfin quand je dis « je ne sais pourquoi », c'est par pure modestie, car j'ai une hypothèse. Les rédacteurs de dictionnaires sont des personnes d'un âge respectable, ils se recrutent parmi les hommes prostatiques et les femmes ménopausées. Ces deux catégories sont à l'âge où s'opère peu à peu un transfert libidinal des choses du sexe vers d'autres choses. Pour certains ce sera le jardinage ou la pêche, pour d'autres les concours de bridge ou de Scrabble, pour d'autres encore les thés dansants ou les séances prévention-Alzheimer. Chez les rédacteurs de dictionnaires, la libido investit les mots. J'aurais tendance à dire qu'elle retourne ainsi à sa source, mais je crains que cela ne nous entraîne à des digressions insuffisamment cartésiennes, surtout dans le cadre d'un précis.

    C'est pourquoi je fais table rase des ergotages de ma plume. Cependant que le lecteur se le tienne pour dit : je me censure sans doute, mais je n'en pense pas moins.

     

    Bref, déménagement commence par un dé. Comme déballage et déblayage, qui en sont de toute évidence les deux mamelles dialectiques. Comme débarquement et débrouillardise, lorsque se retrouvant jeté, tel Robinson, dans un lieu nouveau et inconnu, le déménageant doit l'explorer et l'apprivoiser, tel Vendredi. Axel et moi nous avons déménagé un jeudi, ce qui est un avantage, d'une part parce que ça laisse deux jours avant le dimanche où tous les magasins sont fermés et c'est fou ce qu'on a besoin de magasins quand on déménage. Le nombre de choses dont on se passait dans la maison d'avant et qui se mettent à manquer dans la nouvelle, pourquoi, ô abîmes de perplexité ! D'autre part parce que le dialogue est nettement plus facile avec Jeudi, par nature plus loquace.

     

    Au passage, chacun aura déduit de soi-même qu'il vaut mieux ne pas déménager le mardi si on est dépressif ou exposé au burning-out. C'est vraiment un risque à ne pas courir, car déménagement commence aussi comme déchirement et désarroi. Je ne vais pas m'étendre sur ce point, je pense que les lecteurs, y compris les moins déménagistes d'entre eux, n'auront pas de mal à saisir que déménager c'est partir de quelque part. Or tout autant qu'à l'axiome universel deux déménagements valent un incendie, le bon sens populaire acquiesce au postulat partir c'est mourir un peu. J'attire seulement l'attention sur le fait que l'endroit d'où l'on part importe peu, qu'on l'ait aimé ou pas, qu'on s'y soit senti bien ou pas, que les voisins aient été charmants ou détestables. Du moment qu'on part on meurt, c'est tout. Le lieu ne fait rien à l'affaire.

    Partir de quelque part c'est juste aller mourir ailleurs.

     

    Maintenant je vous donne quelques autres mots complémentaires dans le désordre, et vous en faites ce que vous voulez : chercher le tiercé gagnant, jouer à trouver l'intrus, les classer selon différents critères, mettre le dé en facteur commun, les transformer en mots-valises bien utiles dans le cas d'espèce, construire un petit logorallye dont ils seraient les étapes, que sais-je. Allez-y c'est à vous, c'est l'auteur qui régale.

    Décoration. Décrassage. Dédale. Délibération. Démocratie. Dénouement. Déplacement. Dérangement. Destin.

     

    Destin, tiens, tiens. En voilà un qui se pointe à point. Où peut être qui sait était-ce là où je voulais en venir ? N'est-ce pas un signe dudit destin pour attirer mon attention parméton ? Car c'est ici que le dé de déménagement nous amène à une référence historique incontournable. Alea jacta est dixit César Jules qui comme Descartes s'exprimait préférentiellement en latin lorsqu'il avait à manier des concepts. Alea ça veut dire les dés et on ne manquera pas de se rappeler que Jules arrivait avec armes et bagages à proximité de Rome où tous ses chemins de campagnes l'avaient finalement ramené. Avec armes et bagages, c'est à dire, est-il besoin de l'expliciter, avec tout son déménagement. Certes il lui faudrait attendre 1611 pour avoir le mot, mais comme c'était un homme d'action, ce n'est pas le genre de choses qui l'arrêtait.

    En revanche le Rubicon le fit.

     

    Le voici tout perplexe. Traverser ou pas ? Vérité en deçà, erreur au-delà ? Ou le contraire ? Je vous laisse à penser le Décrassage de méninges, les Dédales de la Délibération, voilà c'est ça un logorallye, dans lesquels le plongeait la perspective du Déplacement qu'il envisageait. « Un petit pas pour l'homme », se disait-il (et en effet à cet endroit le Rubicon se passe à gué sans problème) « mais un grand pas vers Rome ». Que ce fût un grand bond en arrière pour la Démocratie ne lui causait pas grand Dérangement. Il était surtout avide de Décorations, que d'ailleurs il se décernait lui-même. Le Dénouement est bien connu. Tout cartésien qu'il était César n'avait pas le doute hyperbolique chevillé au corps. N'étant par ailleurs nullement freudien, il faisait l'impasse sur son surmoi, et pour cela était totalement exempt de complexes. Il jeta donc ses dés au dessus du gué, et il franchit le Rubicon.

     

    Ce qui nous permet de déduire enfin le rapport exact entre destin et hasard : le hasard est un parméton libre qui peut ou non venir s'agréger à l'atome d'ambition pour former la molécule de destin.

     

    Maintenant je vous laisse à penser combien la face du monde eût été changée si le pied de Jules eût été moins sûr et qu'il eût glissé sur le gué. Lapsus ! Eussent ricané tous ses soldats, se poilant sur leur pilum. Et Jules, rubicond de honte, eût perdu sa face à lui. « Si j'aurais su j'aurais pas venu » eût-il murmuré en son for intérieur. Ce qui entre nous lui aurait utilement évité d'avoir à le dire, assorti de plusieurs aarrgh tout à faits incongrus, quelque temps plus tard aux ides de Mars, tombant sous les coups de son fils Tuquoque (et de quelques autres à qui les pages roses du concurrent direct de Bobus ont fait beaucoup moins de publicité).

     

    Bref, nous conclurons avec Freud qu'un lapsus vaut toujours le détour. Nous laisserons entendre avec Lacan que si vous manquez un signifiant vous pourrez toujours attraper le suivant. Enfin nous nous féliciterons avec Einstein que Dieu ne joue pas souvent aux dés,

    car toute cette histoire laisse à penser qu'il serait plutôt du genre mauvais joueur.

     

     

     

     

     

     

     

  • Pseudo

     

    Pseudo

     

    Visiblement le pseudo « Ariane Beth » suscite l'interrogation. Je ne veux pas me dérober. J'en profite d'abord pour dire que je me suis aperçue qu'il y a sur les réseaux sociaux plusieurs Ariane Beth de chair et d'os. Mais surtout ne confondez pas : elles ce sont elles, moi c'est moi (sauf le respect que je leur dois). Je ne me dérobe pas, bien que ne sois pas sûre que ce soit d'une importance majeure. Mais bon : il n'est sujet si vain ...

    La question est en fait d'abord : pourquoi un pseudo ? La procédure de création du blog le proposait. Comme j'y connais rien à ces machins, j'ai pas su si c'était mieux ou pas. Dans le doute … Deuxième question : pourquoi ne pas avoir pris en pseudo simplement mon prénom par exemple ? Parce qu'en fait j'aime les pseudo. Les vrais. C'est à dire les faux, les vraiment pour de semblant. J'y retrouve ce plaisir enfantin du déguisement que j'ai pratiqué aussi au théâtre, particulièrement lors de trop rares expériences de travail de clown.

    Naturellement le pseudo n'est pas choisi au hasard. Mais de là à dire que j'en ai toutes les clés, l'inconscient étant ce qu'il est … C'est pourquoi je suis intéressée par les interprétations d'Hélène ou Laure-Anne, auxquelles j'ai envie de dire oui. Une bête et un âne sont sûrement là dans l'histoire. Pourquoi exactement ? Puis-je adhérer à la flatteuse interprétation d'une modestie devant le grand homme ? Sont là aussi les labyrinthes, et les vers immortels de Racine. Macbeth je sais pas trop, moi j'ai plutôt le feeling Hamlet, mais va savoir. Beth la maison, eh oui, c'est à cela que j'ai pensé, et aussi à la deuxième lettre de l'alphabet.

    Voilà, ça fait beaucoup de phrases déjà pour le vain sujet, mais bon.