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Le blog d'Ariane Beth - Page 86

  • Regardons ailleurs

    « n°321 : Nouvelle prudence.

    Ne pensons plus autant punir, blâmer et corriger ! Nous transformerons rarement un simple individu : et si nous devions y parvenir, peut être réussirions-nous à notre insu quelque chose d'autre : nous aurons été transformés par lui !

    Cherchons plutôt à faire en sorte que notre propre influence sur tout ce qui arrivera compense son influence et prévale sur elle !

    Ne menons pas un combat direct ! – ce à quoi revient tout blâme, toute punition, toute volonté de corriger. Au contraire, élevons-nous nous-mêmes d'autant plus haut !

    Donnons à notre modèle des couleurs toujours plus éclatantes ! Assombrissons autrui par notre lumière ! Non ! Nous ne voulons pas, à cause de lui, devenir nous-mêmes plus sombres, comme tous les punisseurs et les mécontents !

    Cheminons plutôt à l'écart ! Regardons ailleurs ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

     

    « Ce n'est pas ta destinée d'être un chasse-mouches »

    dit Zarathoustra dans le même esprit.

     

  • Savoir vivre

    « n°312 : Mon chien.

    J'ai donné un nom à ma douleur et je l'appelle ''chien'', – elle est tout aussi fidèle, aussi indiscrète et effrontée, aussi distrayante, aussi sage que n'importe quel autre chien – et je peux l'apostropher et passer sur elle mes accès de mauvaise humeur : comme d'autres le font avec leur chien, leur domestique et leur femme. »*

     

    « n°313 : Pas de tableau de martyre.

    Je veux faire comme Raphaël et ne plus peindre de tableau de martyre. Il y a assez de choses sublimes pour que l'on n'ait pas à chercher la sublimité là où elle vit en compagnie de la cruauté comme en compagnie d'une sœur ; et mon ambition, en outre, ne trouverait pas à se satisfaire si je voulais me transformer en tortionnaire sublime. »

     

    « n°315 : De la dernière heure.

    Les tempêtes sont mon danger : aurai-je ma tempête, dont je mourrai, comme Olivier Cromwell mourut de sa tempête ? Ou m'éteindrai-je comme une chandelle que le vent n'a pas encore soufflée, mais qui s'est fatiguée et rassasiée d'elle-même, – une lumière qui s'est consumée jusqu'à son terme ? Ou enfin : me soufflerai-je moi-même pour ne pas me consumer jusqu'au bout ? – »

     

    « n°318 : Sagesse dans la douleur.

    Dans la douleur, il y a autant de sagesse que dans le plaisir : elle fait partie, comme celui-ci, des forces de conservation de l'espèce de premier ordre. Si ce n'était pas le cas, elle aurait péri depuis longtemps : qu'elle fasse mal ne constitue pas un argument contre elle, c'est son essence.

    J'entends dans la douleur le commandement lancé par le capitaine du navire : ''Amenez les voiles !'' L'intrépide navigateur ''homme'' doit être exercé à disposer les voiles de mille manières, sans quoi son sort ne serait que trop vite réglé, et l'océan ne serait que trop prompt à l'engloutir.

    Nous devons aussi savoir vivre avec une énergie restreinte : dès que la douleur lance son signal d'alarme, il est temps de la restreindre, – quelque grand danger, une tempête s'annonce, et nous faisons bien de nous ''gonfler'' le moins possible. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

     

    Courage, persévérance à tenir dans l'être, à tenir pour la vie contre le mal dans son être.

    Mais, toute sa sagesse dans la douleur est là, Nietzsche s'efforce de tenir sans raideur, sans défi, dans l'humilité, le pragmatisme.

    En acceptant aussi que, voiles amenées, le voilier ralentisse, voire reste un moment en panne.

     

    *ce chien m'évoque son jumeau en douleur de génie(s) : le tableau de Goya intitulé Le chien.

     

  • Déterrer des trésors

    « n°310 : Volonté et vague.

    Avec quelle avidité s'avance cette vague, comme s'il lui fallait atteindre quelque chose ! Avec quelle précipitation terrifiante elle s'insinue jusque dans les recoins les plus profonds des rochers crevassés ! Il semble qu'elle veuille y arriver avant quelqu'un ; il semble qu'y soit caché quelque chose de valeur, de grande valeur.

    – Et la voici qui revient, un peu plus lentement, toute blanche encore d'excitation, – est-elle déçue ? A-t-elle trouvé ce qu'elle cherchait ? Fait-elle semblant d'être déçue ?

    – Mais déjà s'approche une autre vague, plus avide et plus sauvage encore que la première, et son âme aussi semble emplie de secrets et du désir de déterrer des trésors.

    C'est ainsi que vivent les vagues – et c'est ainsi que nous vivons, nous qui voulons ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

     

    Je ne sais pas si cette métaphore du désir, de la volonté, est vraiment efficace. On peut aussi bien, comme cette petite futée de Mafalda (dans les géniaux albums de Quino), trouver que la mer qui avance, puis recule, puis avance, puis recule, n'a aucune suite dans les idées …

    Mais ça n'empêche pas de savourer la poésie de ce texte. S'il y a un trésor, il est là, dans l'art de voir, de ressentir, de dire.