Le texte du psaume présente deux parties bien différentes.
Il commence par une sorte de point mort, dans un climat de découragement, de désillusion. En vain, trois fois répété, sonne comme une sentence. (Lalou et Calame traduisent pour la destruction).
Si YHWH ne bâtit la maison en vain peinent ses bâtisseurs, si YHWH ne garde la ville en vain veille le gardien. En vain avancez-vous votre lever, retardez-vous votre repos, mangez-vous le pain des idoles.
Et puis, de l'autre côté de la phrase-pivot Oui il donne à son bien-aimé le sommeil, les v.3-5 viennent soudain opposer, à la vanité et à la désillusion, la force, l'élan de la vie.
Voici, l'héritage de YHWH sont les fils, la récompense, le fruit du ventre.
Comme des flèches dans la main du preux, tels sont les fils de la jeunesse.
Heureux l'homme fort qui en a empli son carquois. Ils n'ont pas honte quand ils parlent avec les ennemis à la porte.
Maison, ville : les abris à l'intérieur desquels se déploient les liens sociaux, ceux de la famille, plus largement ceux de la cité. Des abris qui doivent être gardés. Question de sécurité et aussi d'ordre, d'ordonnancement de cette vie sociale.
Fonctions que seul YHWH, affirme le texte, peut assumer disons pour de bon (par opposition à en vain et pour la destruction).
Face au « mode-YHWH » est posé en repoussoir un « mode-idoles ». Le mot est parfois traduit par douleurs. De fait, manger le pain des idoles semble aller de pair avec une vie inquiète, affairée, épuisante. Aussi vaine que destructrice.
Au contraire Il donne à son bien-aimé le sommeil. (On traduit parfois Il donne à son bien-aimé en sommeil = qui dort).
En tant que spécialiste (pas de l'hébreu mais de l'insomnie), je penche pour la première interprétation. Quel est le frein au sommeil ? Préoccupations, soucis, angoisse, culpabilité, ce genre de choses (mettons de côté le bruit intempestif d'un voisinage indélicat). C'est à cela que vient répondre YHWH.
« Tu peux dormir tranquille, moi je veille, et je serai là pareillement quand il s'agira au réveil de bâtir la maison, garder la ville. Je ne te lâcherai pas, tu es et restera mon/ma bien-aimé(e). »
Le gardien bâtisseur, qui ne travaille pas en vain et à vide mais pour de bon, rejoint ainsi la figure du veilleur attentif à chaque souffle vivant du ps 121.
Ce qui est demandé à David pour accomplir sa mission, c'est « seulement » la confiance en cette présence (pas le plus facile on est d'accord).
Mais le psaume 127 ne s'arrête pas là.