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  • Je sais une chose ...

     

    « Il s'agit d'être droit, et non pas redressé. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même III, 5)

     

    Désir d'une vertu non corsetée, dirait Montaigne (d'ailleurs je crois qu'il le dit quelque part) (j'ai la flemme de chercher).

    D'une éthique sans carcan ni contrainte (sinon sans peur et sans reproche).

    Est-ce contradictoire avec le sens stoïcien de l'exercice, de l'entraînement ? Peut être pas, les exercices les plus profitables se font en souplesse

    (de toute façon à mon âge j'ai pas trop le choix) (plutôt yoga que culturisme dirais-je) (d'ailleurs je le dis).

    Il est des lâcher-prise qui ne sont pas laisser-aller, des relâchements de tension qui ne sont pas avachissements, mais nourrissent au contraire une énergie profonde.

     

    Sans doute, surtout, la question n'est-elle pas tant d'être (encore moins d'apparaître) droit soi-même que de viser la droiture dans les actes.

    Que ta vertu soit une flèche et non pas une armure (dirait Zarathoustra) (le dit-il quelque part ?) (encore la flemme de chercher).

     

    Mais le plus déterminant, le plus touchant, dans cette belle exhortation, je le vois dans son paradoxe, s'exhorter à ne pas s'exhorter. Marc-Aurèle savait au moins, au bout du chemin, une chose sur l'éthique, sa gratuité.

    « La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, c'est la vertu même »

    (ainsi disait Spinoza) (là c'est sûr : Éthique. Partie 5 proposition finale)

     

  • Utile

    « Ne gaspille pas le temps qu'il te reste à vivre à imaginer ce que font les autres, si cela n'apporte rien à la société. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même III, 4)

     

    Le critère de l'utilité sociale est fondamental dans la réflexion et les choix de Marc-Aurèle. C'est tout à fait logique pour un gouvernant.

    Doit-on en déduire qu'il arrive que nos gouvernants soient déficients en logique ?

    (À moins que la déficience ne soit éthique, dis-tu lecteur ?) (On aurait dû éviter Cioran, c'est pas bon pour l'optimisme).

     

    Pour Marco à sa place, apporter à la société consistait à faire tourner aussi rond que possible la boutique empire romain.

    À l'intérieur, délimité (forcément) par le limes, la frontière, il pouvait le faire en s'appuyant sur ses principes qui étaient paraît-il démocratiques pour un empereur.

    Bon, tout est relatif, mais disons qu'il tentait de se comporter selon l'appellation de princeps senatus (président du sénat en gros) plutôt qu'avec la brutalité du tyran ou la démagogie du tribun.

    Aux marges de l'empire, ce fut une autre paire de manches, et il dut assumer d'être imperator, chef de guerre. Sans grand enthousiasme vu son caractère. Il se consolait donc en philosophant : ces Pensées furent sans doute écrites dans un no man's land loin de Rome durant l'interminable guerre contre les Sarmates (peuple germain).

     

    La pensée ci-dessus fait en tous cas ressortir le lien entre efficacité et autonomie de pensée, efficacité et prise de distance avec l'opinion (cf note précédente), avec le narcissisme inducteur de comparaison.

    Toute non empereur romain que je sois, j'opine pour ma part à ce critère de l'utilité pour le bien commun. Il est sans doute un peu plus complexe à discerner et mettre en place dans une démocratie moderne que dans un empire antique (et plutôt pour de bonnes raisons genre progrès des exigences quant à la liberté et la justice).

    Mais inversement faut voir qu'on dispose d'un corpus de philosophie politique (ce cher Rousseau évidemment et autres anciens inspirés, mais aussi les travaux actuels d'historiens et nes, sociologues, économistes) dont Marc-Aurèle aurait sûrement fait son profit.

    Lui.

     

  • Opinion publique, liberté privée

    « Tout est opinion (citation de Ménandre). C'est évident et l'intérêt du propos l'est aussi, si on le goûte dans les limites de l'opinion. »

    (Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même II, 15)

     

    Le mot d'opinion est un de ceux qui reviennent souvent dans ces Pensées. Le terme employé, hypolepsis, implique l'idée d'un « en-dessous ».

    Il dit la difficulté de prendre les choses sans filtre, sans parasitage d'images, de paroles, d'a priori de toutes sortes. Parasitage nuisible à l'intelligence des choses et des situations, au bon commerce avec autrui, à la pertinence des actions.

    Montaigne pointe souvent, lui aussi, cette difficulté, usant du même terme (exemple entre cent, le titre Que le goût des biens et des maux dépend en bonne partie de l'opinion que nous en avons. Essais I,14).

    L'un et l'autre notent et explorent l'interaction entre opinion et imagination.

    Et en effet il s'agit bien, avec la force de l'opinion, de l'assignation à ce que Lacan appelle le mode Imaginaire (décrit aussi par Sartre) : la perception de soi passe par l'image que renvoie le miroir du semblable humain (pour le meilleur ou le pire).

     

    Avoir une opinion, c'est avoir un avis. Qui mène souvent à devoir opiner ou pas, se déterminer, prendre parti. Comme le montrent les sondages d'opinion, dans lesquels le fameux sans opinion révèle au fond plus souvent l'absence d'adhésion que d'avis.

    Ici ce que l'on ne peut manquer de goûter surtout, c'est la finale bien aphoristique en forme de concetto. On sourit, on respire : force de l'humour qui vous relaxe de l'assignation à l'opinion, vous permet de prendre du champ avec le regard supposé de l'autre.