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  • Au gré du vent (9) Superwoman

    Comme dit notre cousine Germaine (non pas Angela M. Quoique.)

    « le bien ou le mal que l'on peut faire aux autres hommes par telle ou telle action, c'est sur ce fondement que tous ont intérêt au sacrifice de chacun, et qu'on retrouve, comme dans le tribut de l'impôt, le prix de son dévouement particulier dans la part de protection qu'assure l'ordre général. »

    (G de Staël. De la bienfaisance)

    Pas faux, non ? Par exemple au hasard le dévouement consistant à se faire vacciner ne me paraît pas exorbitant. Bizarrement, j'y vois l'immense chance d'accéder à la protection de tous, grâce à une merveille scientifique. Et gratuitement.

    Mais bon je dis ça je dis rien.

     

    Toujours est-il que le premier jour où je suis sortie après avoir reçu mes deux doses de vaccin, au début du printemps, je me souviens que je marchais dans une étrange euphorie. Je me sentais comme investie d'une énergie, d'une force, que j'avais besoin de partager. En fait, autant que protégée, je me sentais protectrice.

    Il m'est venu cette formulation : je suis une barrière à virus. Je l'adressais mentalement à tous les passants croisés. « Ouh ouh regardez par ici : la petite dame, oui, là, c'est pas une force de la nature, vous diriez ? Ah ah détrompez-vous car telle que vous me voyez je suis une barrière à virus. »

    Et alors je me suis souvenue des spots télé du ministère de la santé dans les années 80. Des jeunes gens des jeunes filles cassaient d'un geste décidé une ligne se terminant en flèche (censée représentée j'imagine la montée en flèche de la contamination) en proclamant fièrement : le sida ne passera pas par moi.

    D'un virus l'autre, me dis-je. Sauf que pour notre petit dernier on a la chance d'avoir l'arme du vaccin.

    Et j'en souris d'aise sous mon masque.

    À défaut de rire sous une cape de superwoman.

     

  • Au gré du vent (8) Un long fleuve tranquille ?

    « Vous n'y pouvez rien vous êtes embarqué »

     

    Bébé vous entamez la navigation bien calé dans votre moïse.

    J'aime bien ce mot. On ne l'emploie plus guère il me semble, dommage il disait magnifiquement que naître a bel et bien quelque chose du sauvetage-miracle.

    Moïse en son berceau flottant au fil du Nil, tel un Noé bis dans une mini-arche, échappe à l'élimination programmée par Pharaon.

    De même qu'est-ce que naître sinon échapper au non-être, à l'assignation éternelle au néant ...

    (Je me demande si j'ai bien fait de mettre Pascal en exergue ?)

     

    Enfant c'est l'esprit vacances.

    Vous êtes sur un matelas pneumatique. Vous vivez la vie au fil de l'eau, c'est vraiment la vie au gré du vent, ou la vie goutte à goutte (dit encore G. de Staël).

    Vous vous en remettez aux parents.

    Les soucis d'itinéraire, les incertitudes sur l'âge du capitaine, c'est pour eux, les (supposés) adultes.

    Mais à vous tout est île au trésor.

     

    Ado vous allez découvrir le raft.

    Ça se fait en groupe, sur des eaux agitées. Là s'expriment les forces et les faiblesses de chacun, se mettent en place les principes de coopération, se discernent les enjeux.

    Alors vous comprenez que pour avancer dans la vie il vous faudra accepter de vous mouiller copieusement et d'être pas mal secoué.

     

    Jeune homme, jeune femme, vous naviguez en gondole au clair de lune.

    Vous écrivez le roman d'amour dont vous êtes le héros, l'héroïne. Ce premier roman où l'on veut tout dire, où l'on croit tout dire, et mieux que personne ne l'a jamais fait, mieux que personne ne le fera jamais.

    Longtemps après, ouvrant le tiroir où vous l'aviez oublié, vous relirez, nostalgique, cette transcription de vos battements de cœur. Vous le trouverez naïf, plein d'une enfantine ambition d'absolu, mais pas si mal écrit ma foi.

     

    Adulte vous ramerez dans différentes embarcations, qui parfois se révéleront être de sacrées galères.

     

    Au moment de la retraite, vous envisagerez un plan planplan genre croisière en péniche sur le canal du Midi.

     

    Et puis arrivera la vieillesse, et ce jour où le chemin sera coupé par le fleuve Styx (rien que le nom, y-x, ça fait peur).

    Vous n'y pourrez plus rien il vous faudra embarquer.

    Ce sera le moment ou jamais d'avoir au cœur les mots de Philippe Jaccottet :

     

    « Je me suis gardé léger

    pour que la barque enfonce moins »

     

  • Au gré du vent (7) Plaisir gratuit

    J'attends à la caisse de Monoprix. Entrent une mère et sa fille, qui peut avoir trois ans. « Ah c'est beau ! » s'exclame l'enfant, faisant retourner les têtes et je suppose épanouir des sourires sous les masques.

    Je regarde mieux l'objet de son admiration : c'est le présentoir des produits de beauté, flacons, rouges à lèvres, vernis à ongles etc. Bon d'accord y a des couleurs, ça brille un peu par endroits, mais de là à s'extasier …

    Quoique.

    Sans manifester aussi spontanément mon enthousiasme, j'avoue que j'aime, j'ai toujours aimé, flâner dans les rayons de Monoprix. J'en ai connu beaucoup, dans les différentes villes où j'ai vécu, où je suis passée.

    Et tiens oui, je me souviens du premier, à Marseille aux Cinq-Avenues, j'étais à peine plus vieille que notre petite esthète du quotidien.

    (La chaîne s'appelait alors Prisunic. Comment interpréter le passage du latin au grec qui se fit quelque temps après ?) (Quand de même on cessa d'aller voir l'oculiste pour consulter l'ophtalmologue ...)

     

    Je flâne, j'explore un à un les articles d'un rayon, sans aucune intention, sans aucun besoin d'acheter quoi que ce soit.

    Je passe d'un rayon à l'autre, telle une abeille qui butine, je tourne, je vais, je viens, je reviens, touchant une étoffe (moins depuis la pandémie, bien que j'aie consciencieusement enduit mes mains de gel bénit à l'entrée), approchant de mon visage, devant un miroir, plusieurs couleurs de robes : laquelle m'irait le mieux, au teint, aux yeux ?

    Régulièrement mon manège attire l'attention du vigile.

    La petite bonne femme là, OK elle a l'air proprette et tranquillette, mais faut pas s'y fier, aussi bien c'est une kleptomane, ou pire elle est associée à un gang de jeunes, elle détourne l'attention pendant que les filles enlèvent les antivols des articles.

    Alors je prends un malin plaisir (non je veux dire un innocent plaisir, monsieur le vigile) à compliquer mes tours et mes détours. Montant par l'escalator, redescendant par l'escalier, je suis passée par ici, je vais repasser par là.

    Je suis si contente d'avoir trouvé quelqu'un pour jouer à cache-cache.

     

    Comme je jouais avec ma copine Annie au Monoprix des Cinq-Avenues, lorsque nos mères avaient la bonne idée d'y aller ensemble.