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  • Utile

     

    « Par bien, j'entendrai ce que nous savons avec certitude nous être utile.

    Et par mal, ce que nous savons avec certitude nous empêcher d'user de ce bien. »

    (Éthique déf 1 et 2 Partie 4)

    Spinoza se moque visiblement de la question idéaliste des normes morales, sa morale est pragmatisme.

    L'idéalisme c'est quoi ? C'est poser un Bien et un Mal absolus, soumettant ainsi la question morale :

    a) à celle d'une révélation émanant d'une instance extérieure (ab-solutum = sans lien) à l'humain.

    Comment expliquer qu'elle soit si bien renseignée sur la question ? Justement parce qu'elle est censée être en dehors de l'humanité. Elle ne joue pas dans la même catégorie, quoi (elle est d'une autre essence on dira pour faire plus style sérieux philosophique).

    b) à l'application de préceptes qui vont découler de cette révélation, de façon forcément évidente et indiscutable.

    Spinoza s'inscrit en faux contre cette conception. Pour une raison simple, donnée à la fin de la préface de la Partie 4, juste avant les définitions citées.

    « En ce qui concerne le bien et le mal, ils ne sont rien d'autre que des manières de penser ou des notions que nous formons du fait que nous comparons les choses entre elles. »

    Des notions que nous formons récuse l'idée de révélation venue d'ailleurs.

    Du fait que nous comparons les choses entre elles récuse celle d'un absolu à la source des normes.

    Bref la morale a sa généalogie, dit ici Spinoza. Une question dont Nietzsche se saisira pour l'inscrire définitivement dans la modernité. Marx et Freud suivront aussi l'affaire, chacun à sa façon et pour l'utilité de son propos.

     

    Puisque la morale ne tombe pas du ciel, il faut s'atteler au travail de la formuler et d'en chercher les outils :

    « Et donc par bien j'entendrai dans la suite ce que nous savons avec certitude être un moyen de nous rapprocher de plus en plus du modèle de la nature humaine que nous nous proposons. Et par mal ce que nous savons avec certitude nous empêcher de reproduire ce même modèle ».

    La notion de modèle n'est pas évacuée, celle d'un certain idéal à atteindre. Mais ce qui change tout c'est qu'il est un projet, une chose qu'on se pro-pose, et non une plan préétabli qu'il faudrait suivre.

    Bref la morale ne se construit pas dans la répétition et la mise en conformité, mais dans une émergence créatrice, par ajustements successifs. (Ce qui se voit par exemple dans la création de comités d'éthique saisis de cet aggiornamento). 

    Bon, jusqu'ici tout va bien, sauf que, le lecteur attentif n'aura pas manqué de le remarquer, nous avons laissé de côté deux petits mots : avec certitude.

    Deux mots qui amènent la question cruciale. Comment savoir qu'on ne se trompe pas de modèle, comment, dans le processus d'émergence morale, trier l'utile et l'inutile ?

     

     

  • Ubuesque ?

    Y a des jours j'ai des doutes. Des éclairs de lucidité. Et je me dis que sans que ce soit proprement ubuesque, ni même dantesque ou kafkaïen, tenter de rendre compte de ma plongée au milieu de Spinoza (cf ABS), et qui plus est à travers un blog, relève pour le moins disons du « compliqué ».

    Compliqué. C'est toujours étonnant : un mot qui devient d'un seul coup, comment pourquoi va savoir, incontournable pour le temps d'une séquence. D'abord dans les médias « Le président entame une séquence compliquée » puis se répandant « Une baguette bien cuite ? Ah ça va être compliqué ».

    On a l'impression de voir prendre comment dire, un amalgame.

    Mais en l'occurrence c'est le mot. Spinoza c'est quand même un peu compliqué, et par voie de conséquence sa lecture n'est pas des plus simples.

    Quant à donner écho de cette lecture, on est déjà dans le compliqué de troisième main, ce qui équivaut à un compliqué puissance 3.

     

    Bref donc, le doute qui me saisit certains jours, aujourd'hui par exemple, peut se formuler ainsi : Est-ce que par hasard je ne cherche pas inconsciemment à perdre des lecteurs ?

    - Ach …

    - Ah non c'est pas le moment.

    - Ja ja OK Ich dis « ach » Ich dis nichts.

    Je disais donc déjà écrire sur Spinoza c'est limite pour être retwitté, liké, partagé. Mais alors le truc abscons de la dernière fois, l'amour intellectuel de Dieu, intellectuel n'est pas ce qu'on entend par là d'habitude, ni Dieu ce qu'on croit ...

     

    Oui mais voilà. Imaginons que j'aie fait l'impasse sur tout ce compliqué. J'avoue que ça m'a tentée : entre Melle VE et DSN côté accessibilité conceptuelle y a pas photo.

    Seulement dans ce cas, j'aurais commis une double faute : faute intellectuelle en simplifiant abusivement toutes les complexités et subtilités, trahissant ainsi la manière de Spinoza.

    Faute éthique ensuite, dans ce qui aurait été un mensonge par omission frisant la manipulation. (Cela dit si vous avez lu jusqu'ici vous savez qu'une faute intellectuelle est déjà une faute éthique).

    Manquer d'éthique à propos d'Éthique : un comble non ? Ce serait comme, je sais pas, manquer de sens du bien commun en politique. Autant dire inimaginable.

     

    Bref si je vous inflige tout ceci, ô lecteurs éprouvés, c'est qu'envers le grand Spinoza, je ne veux pas faire preuve d'inélégance et de désinvolture. Y a pas écrit Melle Vanden Ende.

    - Non mais ça commence à bien faire, là ! Tu sais ce qu'elle te dit Melle Vanden Ende ?

     

     

  • Troisième type

     

    L'histoire du 3° type de connaissance commence ainsi :

    « Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous un certain aspect d'éternité. » (Ethique corollaire 2 prop 44 Partie 2)

    Vous allez penser je parie comme ce cher Colerus : « Il faut bien qu'il se joue des termes d'éternel & d'infini, il appelle infini ce à quoi l'entendement humain ne peut trouver de bornes. »

    Sauf que si l'entendement voit pas de bornes, c'est pas qu'il est trop borné pour, c'est juste que des bornes y en a pas (vu que l'éternité est l'existence-même cf Temps). Du coup, Dieu nous débloque, impossible de les dépasser et Spinoza ne triche pas CQFD.

    Il nomme la 3° connaissance science intuitive. Genre au lieu de passer par un raisonnement, on voit direct

    « étant donné les nombres 1,2,3, il n'est personne qui ne voie que le quatrième nombre proportionnel est 6, parce que c'est du rapport même que nous voyons d'un seul coup d'oeil qu'a le 1er avec le 2° que nous concluons le 4°. » (scolie 2 prop 40 P2)

    Mettons. Mais question : quel est l'intérêt ? Aller plus vite ? Vu qu'on est sous un certain aspect d'éternité ... L'intérêt c'est ça il paraît : « Tout ce que nous comprenons par le 3° genre de connaissance nous délecte.» (prop 32 Partie 5)

    Nous délecte OK on veut bien mais comment ?

    « Du troisième genre de connaissance naît nécessairement un Amour intellectuel de Dieu. Car de ce genre de connaissance naît une Joie qu'accompagne l'idée de Dieu comme cause, c'est à dire un Amour de Dieu, non pas en tant que nous l'imaginons comme présent, mais en tant que nous comprenons que Dieu est éternel, et c'est là ce que j'appelle Amour intellectuel de Dieu. » (corollaire prop 32)

    NB : ne pas oublier que "Dieu" chez Spinoza est un concept (Deussivenatura) irrécupérable par quelque religion que ce soit (cf Nature)  

    Nous voici cependant je le crains aussi paumés que Pâris en son temps. Pour ma part voici comment je comprends, à la guerre comme à guerre (euh oui guère serait plus juste).

    AID (amour intellectuel de Dieu) est l'affect qui porte l'intellect à faire corps avec Deussivenatura :

    c'est la conscience heureuse, positive, du lien mutuel d'appartenance entre soi et nature/réel/espace-temps dans tout son déploiement.

    Disons encore autrement c'est l'adhésion à la fois rationnelle affective et sensitive à la fonction vie et à toutes les valeurs qu'elle prend. Une adhésion non pas générale et acquise une fois pour toutes, mais à renouveler dans le concret de chaque instant et occasion, dans un perpétuel mouvement d'ajustement à ce qu'il y a.

    « Que cet amour se rapporte à Dieu ou bien à l'esprit, c'est à bon droit qu'on peut l'appeler satisfaction de l'âme (animi acquiescentia), laquelle en vérité ne se distingue pas de ce qu'on appelle Gloire dans les livres sacrés.

    Par là s'éclaire (s'il le dit ...) pour nous comment et de quelle façon notre esprit suit de la nature divine selon l'essence et l'existence et dépend continuellement de Dieu ; et j'ai pensé qu'il valait la peine de le noter ici pour montrer par cet exemple toute la force de la connaissance des choses singulières que j'ai appelée intuitive ou du troisième genre. »

    (Scolie prop 36 Partie 5)

    Cet AID serait ainsi l'affect d'adhésion sous sa face externe de rattachement au système global, sa face interne étant la complémentaire AISI, l'adhésion à soi (cf Humilité ambitieuse).