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  • Psaume 19 (3/3) Voltaire et Spinoza

    Le scénario imaginé la dernière fois se tient, je trouve, pour répondre à la question technique de la composition du texte. Mais il amène à une question de fond (qui n'était peut être pas celle de notre poète) (mais comme c'est la mienne, on y va).

    Que la présence d'El soit captée sans mots mettons, mais la loi de YHWH, elle, a besoin de mots pour se dire.

    Or je ne l'apprends à personne (j'espère), les mots (fût-ce ceux des textes dits inspirés) ne tombent pas du ciel. Inutile de se former à la sténo pour les noter au vol sous la dictée d'un dieu, ange ou quoi que ce soit qui se mettrait à vaticiner à nos oreilles élues.

    Les textes religieux sont écrits par des humains (masculins de surcroît, dans les monothéismes en tous cas) (ou alors va savoir un ou deux griffonnages féminins anonymes dans un tout petit bout de marge) (pour les autres religions je n'en sais pas grand chose).

    Bref toute enquête honnête et sérieuse de traçabilité les révèle human made de A à Z. Et c'est là que ça craint.

    Car on ne s'est pas gêné pour mettre dans la bouche des dieux des propos disons contestables du point de vue éthique.

    Or ils n'ont jamais protesté not in my name. Étonnant, non ?

    1) c'est normal ils n'existent pas répond l'athéisme

    2) ils se foutent de tout répond l'épicurisme (en pratique c'est la même chose)

    3) Tu nous as faits à ton image mais nous te l'avons bien rendu a dit Voltaire.

    Magistrale formulation du religieux pervers, ventriloque qui fait parler un dieu-marionnette par lui fabriqué aux fins de violence et asservissement de son prochain.

     

    Le poète du ps 19 ne coche aucune de ces trois cases.

    Pour lui El existe et l'enseignement de YHWH donne à l'humanité part à cette existence.

    Sauf que ce n'est certes pas une question de pouvoir, mais de joie.

    YHWH et son enseignement ils les voit fidèles, droits, lumineux, vrais, justes. Plus désirables que l'or, que l'abondance d'or pur ; plus doux que le miel, que le rayon de miel pur (v.11)

    Le poète écrit tout simplement dans l'éthique spinoziste (oui je sais je suis monomaniaque). Une éthique du bien être, et non des interdits et obligations morales ou rituelles.*

    La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu-même ; et ce n'est parce que nous réprimons les désirs à faux que nous nous jouissons d'elle, mais parce que nous jouissons d'elle que nous réprimons les désirs à faux. (Ethique partie 4 prop 42 et finale)

     

    *Soyons précis, il y a un seul mal ou « péché » mentionné, l'orgueil (v.14).

    J'y lis comme au ps 131 l'hubris, signe précisément de l'incapacité à s'inscrire dans la dynamique vitale célébrée par ce psaume (c'est cohérent).

  • Psaume 19 (2/3) Sive natura

    Au plan de l'écriture, le passage d'un nom à l'autre (d'El à YHWH) fait supposer la compilation de deux poèmes primitifs, l'un à la louange de la nature, l'autre à la louange de la loi, cousus ensemble au moment de la composition globale du recueil.

    Remarquons que le couturier, le rhapsode qui a fait l'assemblage n'a pas cherché à effacer la couture entre les deux thèmes. Au contraire (tel un Jean-Paul Gaultier) il la stylise, la met en évidence par l'absence de transition entre les v.7 et 8.

    Stylisation dont la brutitude (oui ça n'existe pas, comment on dit pour dire que c'est brut mais pas brutal ?) vient donner toute sa force au sens du texte, et à l'intention couturière du poète.

    Suivons le fil de sa création.

    Figurons-le à sa table de travail en train de dérouler les rouleaux du livre pour étudier la loi. Voici qu'un rayon de soleil vient s'y poser.

    Lumière, chaleur, c'est beau, ça fait du bien. « Soleil toi sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont. Ça me rappelle un texte … voyons … ah voilà. »

    C'est un poème (v.1-7) qui dit : la réalité du monde c'est la présence rayonnante d'El. Elle se diffuse dans l'espace-temps en vibration de vie, le soleil en est le symbole et l'agent. Il est porteur d'une énergie clairement libidinale, présenté en mâle conquérant, tout à son exultation de faire l'amour au cosmos, illuminé de son propre rayonnement (v.6-7).

    Ah oui un bien beau poème …

    Mais notre homme, studieux, revient au texte qu'il s'est donné pour étude : une louange à l'enseignement de YHWH (v.8-15), à l'architecture éthique de la torah, le roc sur lequel l'être humain peut se construire pour s'accomplir (cf par-fait v.8).

    Texte solide c'est sûr mais moins fun a priori. Quoique ?

    Alors c'est l'illumination, un soudain branchement métaphorique se fait en lui : ce soleil qui réchauffe ses vieux os (je sais pas pourquoi je le vois plutôt vieux), il est présent de la même présence dans le texte qu'il a sous les yeux (usés par toutes ses lectures) :

    Le commandement de YHWH, lumineux, illumine les yeux (v.9).

    Ton serviteur aussi en est éclairé (v.12)

    Révolution du soleil sur son orbite, rouleaux de la torah déroulés pour la lecture, deux mouvements dont il perçoit tout à coup la similitude.

    Ce sont la joie et le bien-être ressentis qui opèrent la révélation, qui donnent le critère d'interprétation (spinoziste un jour spinoziste toujours).

    Il discerne dans ce double affect, plaisir du corps dans le soleil, plaisir de l'esprit dans son étude, une unique libido (freudien un jour freudien toujours) pareillement à l'œuvre en lui et dans le monde.

    La parole de YHWH est coextensive à la vie, le texte de la loi se tisse sur la trame du monde.

    Il décide donc, logiquement, de coudre les deux poèmes.

     

     

  • Psaume 19 (1/3) Présence

    1 Au chef de chœur. Psaume à David.

    2 Les cieux racontent la présence d'El, et le firmament décrit l'œuvre de ses mains.

    3 Le jour pour le jour exhale le dire, et la nuit pour la nuit vivifie la connaissance

    4 Nul dire, nulle parole dont le son puisse s'entendre.

    5 Leur vibration jaillit par toute la terre, et leurs mots vont aux confins du monde où, pour le soleil, Il a posé une tente.

    6 Et tel un époux sortant du dais, tel un brave, il se réjouit de courir la distance.

    7 Il jaillit de l'extrémité du ciel, son orbe en couvre toute l'étendue : nul n'est caché de sa chaleur.

    8 L'enseignement de YHWH, parfait, convertit l'être, le témoignage de YHWH, fidèle, donne au simple la sagesse.

    9 Les préceptes de YHWH, droits, réjouissent le cœur ; le commandement de YHWH, lumineux, illumine les yeux.

    10 Le tremblement de YHWH, pur, tient à travers le temps ; les jugements de YHWH, vérité, sont justes tous ensemble.

    11 Plus désirables que l'or, que l'abondance d'or pur ; plus doux que le miel, que le rayon de miel pur.

    12 Ton serviteur aussi en est éclairé ; les garder a un effet immense.

    13 Qui comprend ses erreurs ? Innocente-moi de celles qui me sont voilées.

    14 Préserve aussi ton serviteur de l'orgueil, qu'il ne me domine pas. Alors je serai intègre, innocent d'une grande transgression.

    15 Agrée les paroles de ma bouche et les murmures de mon cœur devant ta face, YHWH mon roc, mon libérateur.

     

    Tel un son et lumière, ce psaume fait jouer l'écho entre parole lumineuse et lumière parlante. Le soleil y rayonne, pivot de la métaphore qui donne la structure et le sens du texte (v.7-8).

    Plutôt que créature d'El, il est émanation de sa présence, matérialisation d'un dire indicible (v.4). Vibration au v.5 c'est mot à mot ligne. La ligne, suivant la courbe du soleil, qui relie le livre de la nature et celui de la loi (précisée en enseignement témoignage v.8, préceptes commandement v.9, tremblement jugements v.10).

    L'enchaînement des deux thématiques, contemplation/écoute de la nature, et discours éthique, présente un caractère tout sauf anodin : le passage de la dénomination d'El (v.1) à celle de YHWH (v.8).

    Je l'ai rappelé au début du parcours (Au pluriel), El évoque la puissance d'un créateur/ordonnateur du monde. YHWH relie existentiellement chaque être humain au Nom, lorsqu'il le prononce.

    La partie en El dit la Présence (ou présence cf Nom/nom) dans l'univers.

    Celle en YHWH désigne un chemin éthique à l'être humain.

     

    La question est : quel rapport entre les deux ?