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  • Ps 42 (4/5) Désire encore

    Pourquoi mon être t'affaisses-tu gémis-tu sur moi pourquoi ? Désire Elohim car encore je lui rendrai grâce pour le salut de sa face (v.6)

    Pourquoi mon être t'affaisses-tu gémis-tu sur moi pourquoi ? Désire Elohim car encore je lui rendrai grâce pour le salut de ma face lui mon Elohim (v.12)

    Ces versets construisent un effet de refrain, le second présentant une modification légère mais significative.

     

    Mais un regard d'abord sur la suggestive image de l'être qui s'affaisse et gémit sur moi. Je comprends ce sur moi de manière concrète.

    Non pas gémir sur moi seulement au sens de déplorer mon sort, mais comme un geste de repli, de retour sur soi.

    On dirait que l'être, le souffle intime du sujet, vient, pathétique poupée de chiffon, chercher consolation auprès d'un moi (sa figure sociale) implicitement maternel. Image très proche de celle du ps 131.

    Mais ici l'être n'est pas vu comme l'enfant qui doit éduquer son désir exigeant par l'épreuve du sevrage.

    Ici le désir a déserté. Le sujet est vidé de sa force, s'effondre littéralement, en proie à une tragique détumescence existentielle. C'est bien pourquoi le poète exhorte son être dévitalisé à désirer Elohim.

    Il ne propose pas de le prier, de lui offrir des sacrifices ou pire sa souffrance. Non, il s'agit de retrouver l'état de désir du premier verset, où le poète s'est reconnu dans sa vérité profonde.

    En proie à une bipolarité, il connaît tantôt le ressourcement, tantôt le dessèchement qui effondre. 

    Ce qui permet de résoudre l'alternance, c'est de considérer le flux continu qui fait le passage entre les deux.

    Ce qui court sans cesse entre l'assèchement et le ressourcement, c'est cela la tension du désir.

    Où l'on revient à l'image inaugurale de la biche près des cours d'eau.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Ps 42 (3/5) Je me souviens

    Mais le chant est impuissant à faire cesser le sarcasme, de retour au v.11. Cependant il peut développer la vertu d'un viatique pour traverser le temps d'oppression et nourrir l'espoir d'avenir.

    Comment ? Par la remémoration du bonheur passé.

    Je me souviens et je verse sur moi mon être : je passais dans la foule, je les menais en procession vers la maison d'Elohim, cris de joie et de reconnaissance d'une multitude en fête (v.5)

    L'évocation du chant d'hier, le bonheur de fêter Elohim au sein de son peuple est littéralement un ressourcement, lisible dans la séquence des v. 3, 4, 5 Mon être a soif, mes larmes sont mon pain, je me souviens et je verse sur moi mon être.

    En réponse à la soif du moi desséché, d'abord viennent les larmes, comme la résurgence amère de la dérision subie, des insultes bues jusqu'à la lie.

    Mais ces larmes sont une eau empoisonnée qui corrode l'être, comme les mots de l'oppresseur obnubilent la pensée.

    En antidote à ce poison je me souviens et je verse sur moi mon être : en faisant mémoire, je remonte à la source vive de mon être véritable.

    L'acte de résistance à l'oppression devient alors possible dans une sorte de réouverture du temps. Ce qui semble perdu dans le passé va, par la grâce de la remémoration, se projeter dans un futur possible.

    L'accompli (cela a été) comme appui d'un inaccompli (cela peut encore et toujours être) : tel est le passage que met en œuvre l'aspect performatif de la parole.

    Le poète parviendra à persévérer dans l'être en persévérant dans la louange, en ne cessant de la réitérer. Un mouvement dont l'efficacité se lit dans la figure de style qui fonde le poème : la reprise du v.6 au v.12.

     

     

  • Ps 42 (2/5) Son chant avec moi

    Au début du poème, le gros plan sur la biche fascine, l'identification de l'être désirant à l'animal assoiffé piège l'affect. Et l'on risque de négliger l'arrière plan près des cours d'eau, vu comme simple décor de l'image bucolique.

    Au contraire, l'image ne tire son pouvoir signifiant que du rapprochement des deux plans. La métaphore pose l'équivalence : le poète est biche assoiffée, El est eau vive.

    Se plonger dans cette eau pour en rafraîchir son être, la boire ? Non, dit le poète. Moi je crie ma soif en sachant que l'eau est là, tout près. Ce que je dis ici dans ce psaume, ce ne sont ni les paroles d'un homme comblé qui a étanché sa soif, ni celles d'un désespéré perdu dans un désert aride.

    Il y a ma soif, il y a l'eau, et moi je suis dans le cri du désir ainsi mon être soupire après toi Elohim.

    Mes larmes sont mon pain jour et nuit quand tout le jour il m'est dit où est ton Elohim ?(4) Meurtrissant mes os ils m'outragent mes oppresseurs en me disant tout le jour où est ton Elohim ? (11)

    Le désir est douleur dans le sentiment d'abandon face à l'oppresseur. Où est ton Elohim ? Question ironique et sadique que le poète a intégrée.

    Avec les larmes-pain, il remâche les mots de l'amertume, les mots traumatiques : même hors de la présence de l'oppresseur, ils restent inscrits en lui pour y accomplir leur œuvre de sape.

    Mais sous l'évidence aveuglante de ce pouvoir destructeur, le poète continue à affirmer la présence consubstantielle au monde. Le jour YHWH commande son amour, et la nuit son chant est avec moi prière à l'El de ma vie (v.9). Ce verset distingue-t-il deux modalités différentes de présence selon le jour ou la nuit ?

    Il s'agit plutôt d'affirmer que l'amour décisif de YHWH est actif (en cours de procédure, comme on le dirait d'un programme d'ordinateur) de jour comme de nuit, donc métaphoriquement dans le malheur comme dans le bonheur.

    Ainsi il n'y a pas deux chants différents, mais un seul, qui se poursuit de jour en jour, formulé mot à mot Le chant de lui avec moi, prière à l'El de ma vie.

    Un chant qui est la réponse trouvée par le poète à la question torturante où est ton Elohim. Où est-il ? Son chant avec moi.

    Il est dans le fait que je persiste à le chanter, il est ici-même dans mon psaume en train de se faire.

    Le chant vient étayer le sujet (d'où peut être la nomination YHWH émergeant au v.9 ?), soutenir sa persévérance à être malgré la destruction systématique que veut lui imposer l'oppresseur.

    Je le chante donc je suis avec lui.

    Donc je suis, je persiste dans l'être (puisqu'il est l'El de ma vie).