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  • L'espèce de loi

    De même que la déclaration de la volonté générale se fait par la loi, la déclaration du jugement public se fait par la censure ; l'opinion publique est l'espèce de loi dont le Censeur est le Ministre. (IV,7 De la Censure)

     

    Cette définition de la censure n'est pas celle que l'on met habituellement sous ce mot. D'où les difficultés d'interprétation.

    La censure version JJ ne repose pas sur des principes pré-établis, des normes idéales, voire une prétendue loi transcendante. Elle interagit avec l'opinion publique telle qu'elle émerge dans une société donnée.

     

    La question de l'opinion publique est vraiment décisive dans l'économie du Contrat social (d'où son actualité). Car c'est elle qui met en branle (ou freine) le mécanisme d'articulation entre la volonté générale et sa concrétisation.

    La déclaration (claire expression) de la volonté générale est affaire de loi. Cela signifie qu'elle passe par des procédures précises, qui en balisent les cadres.

    Mais la formation de cette volonté, tout comme l'adhésion ou refus qu'elle suscite (déclaration de jugement), cela est affaire d'opinion.

    Et là plus de procédures préalables, juste des processus émergents.

     

    L'opinion comporte deux axes. Sur le premier s'énoncent l'ensemble des opinions au sens d'idées, d'avis sur différentes questions. Sur le second se décide l'adhésion à ou le refus de ces énoncés. On y opine ou pas.

    Le premier axe est celui où a lieu la formation de la volonté générale, et le second va lui donner ou retirer sa force de loi.

    Ce qui ajoute à la complexité (après les binômes volonté générale/jugement public et adhésion/refus).

    Car l'opinion au sens d'adhésion ou rejet joue elle aussi sur deux axes, la rationalité et l'affect, qu'elle combine en proportions variables.

     

    Dans ce contexte, à quoi peut servir la censure ?

    Les opinions d'un peuple naissent de sa constitution ; quoique la loi ne règle pas les mœurs, c'est la législation qui les fait naître ; quand la législation s'affaiblit, les mœurs dégénèrent, mais alors le jugement des Censeurs ne fera pas ce que la force des lois n'aura pas fait (…) La Censure maintient les mœurs en empêchant les opinions de se corrompre, en conservant leur droiture par de sages applications.

    Bref, comme le Tribunat sert de garde-fou aux possibles abus gouvernementaux (cf note précédente), la Censure est censée servir d'éventuel garde-fou aux errements de l'opinion.

    Tel un modérateur dans un forum sur internet, tel un responsable de newschecking.

    Autant dire qu'elle ne sert pas à grand chose, donc.

     

     

  • Une prévoyance très nécessaire

    Comme d'autres théoriciens du politique avant lui (Machiavel Montesquieu), Rousseau prend l'exemple de l'histoire romaine pour étudier l'organisation des assemblées démocratiques (IV,4 Des Comices romains).

    Son propos personnel est « de voir in concreto ce qui favorise et ce qui entrave l'expression de la volonté générale dans les assemblées du peuple » dit B. Bernardi. Ce chapitre a perdu de son intérêt pour nous, si ce n'est pour rappeler que la république romaine fut le modèle inspirateur des législateurs révolutionnaires.

    Et l'empire romain celui du fantasme impérial bonapartiste : bel exemple de répétition de la dégénérescence démocratique (cf note Le nom commun d'anarchie).

     

    Le chap 5 propose l'institution d'un Tribunat, conservateur des lois et du pouvoir législatif. Rousseau lui assigne comme mission de vérifier qu'un magistrat nouvellement établi ne part point du pouvoir qu'avait son prédécesseur, mais de celui que la loi lui donne.

    Autrement dit cette sorte de conseil constitutionnel est chargé de rectifier régulièrement les possibles erreurs de trajectoires des gouvernements.

     

    De la Dictature (IV,6) envisage la possibilité de suspendre provisoirement l'autorité législative. Qu'est-ce qui est censé justifier une telle procédure ?

    L'inflexibilité des lois, qui les empêche de se plier aux événements, peut en certains cas les rendre pernicieuses, et causer par elles la perte de l'État dans sa crise. L'ordre et la lenteur des formes demandent un espace de temps que les circonstances refusent quelquefois.

    Il peut se présenter mille cas auxquels le législateur n'a point pourvu, et c'est une prévoyance très nécessaire de sentir qu'on ne peut tout prévoir.

    La belle formulation finale (qu'on pourrait attribuer à un moraliste) ne doit pas faire oublier les usages abusifs de cette procédure d'urgence. S'il est utile en effet d'en prévoir une, on se souvient (pour ne prendre que l'exemple le plus proche de Rousseau) des dégâts de la dictature robespierriste des deux Comités. Élimination d'innocents, déchirure du corps politique, et surtout arguments pour les contre-révolutionnaires.

    Aujourd'hui encore qui veut débiner la Révolution française (et au-delà tout effort révolutionnaire) y trouve un argument bien pratique.

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Ces qualités sont communes

    À l'égard des élections du Prince (gouvernement exécutif) et des Magistrats qui sont, comme je l'ai dit, des actes complexes, il y a deux voies pour y procéder ; savoir le choix et le sort. (IV,3 Des Élections)

    Que ce soit le choix, que ce soit le sort, dans l'un et l'autre cas, il faut surtout savoir comment on fait. Et ça, pour être complexe, c'est complexe.

     

    Option choisir (élections classiques)

    1) qui choisit : les hommes seuls ou les femmes aussi, à partir de quel âge, faut-il avoir la nationalité du pays ou pas nécessairement etc. ?

    2) comment : par acclamations (cf note précédente, aujourd'hui par l'audimat ou la popularité sur les réseaux sociaux) ? Sinon, vote rendu public ou restant secret ? En quel lieu voter ? Avec quels scrutateurs ? À la majorité ? Simple, qualifiée ? À la proportionnelle ? Intégrale ou pas ?

    3) dans quel groupe ? Un panel de différents groupes sociaux ? Selon quels paramètres : profession, richesse (et alors comment contrôler ce que les gens en déclarent), niveau d'études, label de vertu, âge, sexe ? Parmi les membres de partis, d'associations ?

    Et si le pays est plus grand que par exemple au hasard un petit canton suisse, le groupe des candidats potentiels sera large, comment les connaître tous un minimum pour voter un tantinet rationnellement ?

     

    Option tirage au sort

    Même questions qu'au 1 supra.

    Le 2 se pose moins a priori. Quoique ? En pointant sur une liste ? En fermant simplement les yeux, ou avec un bandeau ? Jeter les dés ?

    Mêmes questions 3, ici les plus cruciales.

     

    Comment Rousseau envisage-t-il les choses ?

    Les élections par sort auraient peu d'inconvénient dans une véritable Démocratie où tout étant égal, aussi bien par les mœurs (modes de vie) et par les talents que par les maximes (principes) et par la fortune, le choix deviendrait presque indifférent. Mais j'ai déjà dit qu'il n'y avait point de véritable Démocratie.

    Tu l'as dit. Ce pays de parfaite égalité et unanimité, ça se trouve pas sous le sabot d'une vache suisse.

    Bref là encore il propose un système mixte.

    Quand le choix et le sort se trouvent mêlés, le premier doit remplir les places qui demandent des talents propres, telles que les emplois militaires ; l'autre convient à celles où suffisent le bon sens, la justice, l'intégrité, telles que les charges de judicature ; parce que dans un état bien constitué ces qualités sont communes à tous les Citoyens.

    Oui, enfin. Tout est dans le bien constitué