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  • Que m'importe ?

    Dans une cité bien conduite, chacun vole aux assemblées; sous un mauvais Gouvernement nul n'aime faire un pas pour s'y rendre ; parce que nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait, qu'on prévoit que la volonté générale n'y dominera pas, et qu'enfin les soins domestiques absorbent tout. (…) Sitôt que quelqu'un dit des affaires de l'État, « que m'importe ? » on doit compter que l'État est perdu.

    (III,15 Des Députés ou des Représentants)

     

    Les raisons de désaffection pointées ici, nous les connaissons bien.

    Nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait. Difficile en effet de se passionner pour des débats techniques, longs, complexes. Même si l'on admet qu'ainsi se construit une loi pour qu'elle soit bonne (et pas sûr que tout le monde l'admette), on aime mieux « regarder des vidéos de chat sur internet »

    (comme dit Y.N. Hariri dans 21 leçons pour le 21°s, livre clair, synthétique, lucide).

     

    On prévoit que la volonté générale n'y dominera pas. C'est vrai que la prédiction est peu démentie. C'est l'effet de la double dégénérescence de la démocratie (cf supra Le nom commun d'anarchie).

    La volonté générale se privatise d'en haut sous l'effet des lobbies économiques ou des défauts du gouvernement, et elle se privatise d'en bas sous l'effet de chaque auto-lobby de chaque individu.

     

    Les soins domestiques absorbent tout. C'est l'attitude corollaire de la précédente. Repli sur les intérêts et soucis de proximité (les miens, ceux de ma famille).

    Est-ce l'impossibilité de faire valoir le désir de volonté générale qui produit cette attitude, ou au contraire est-elle à l'origine du manque de volonté générale ?

    Telle est la question, assez proche du bien connu où est la poule où est l'oeuf ?

    Mais inutile de s'y attarder, sinon on n'est pas près de s'asseoir à une quelconque table de négociations.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Point de capitale

    Toutefois, si l'on ne peut réduire l'État à de justes proportions, il reste encore une ressource ; c'est de n'y point souffrir de capitale, de faire siéger le Gouvernement alternativement dans chaque ville, et d'y rassembler aussi tour à tour les États du pays. (III, 13 Suite – du 12)

     

    On a donc un modèle à la fois décentralisé et fermement coordonné, une sorte de fédération. Chaque petit « État dans l'État » sera géré au plus près, mais en cohérence avec le Gouvernement central, qui seul est garant de la cohésion d'ensemble.

    L'originalité proprement rousseauiste, c'est qu'on retrouve ici la double flèche caractéristique de toute la structure du Contrat social.

    La centralité est nécessaire au Gouvernement pour assurer son « ministère de l'unité ». Mais il ne faut pas confondre centralité et centralisme (on sait ce qu'a pu donner le concept de centralisme démocratique).

    Ne point souffrir de capitale suppose de considérer la nécessaire centralité (ou généralité) sous le seul angle symbolique (et non matériel).

    S'il n'y a pas concrètement de lieu capital unique cela permet de se rappeler que tous les lieux le sont (capitaux).

    Chacun peut tracer vers la centralité sa flèche, et ne se contente pas d'être sa cible.

    En outre, si le gouvernement va siéger alternativement dans chaque ville, alors se met en place une circulation comparable à la circulation sanguine, dans laquelle le gouvernement fait comme le cœur office de pompe.

    Assurant comme lui l'alternance diastole systole, la combinaison du centrifuge et du centripète.

    Rousseau va plus loin encore avec la proposition d'y rassembler aussi tour à tour les États du pays. À la circulation à double sens centre/périphérie s'ajoute une circulation entre périphéries.

    La fréquentation entre les différents sous-groupes du pays facilitera et concrétisera leur connaissance mutuelle.

    Ainsi peut se construire l'aptitude à un authentique dialogue, propice à des décisions vraiment démocratiques.

    Car chaque secteur élargit sa vision, et peut percevoir les problèmes selon l'ensemble de leurs données, et non seulement celles qui touchent au plus près ses intérêts propres.

    Ça commence à ressembler à de la démocratie, non ?

     

    Je dis n'importe quoi, mais qu'est-ce qui nous empêche d'essayer ?

    Les moyens concrets, moyens de transport et de communication nécessaires à cette mobilité, nous en disposons.

    Ce qu'il reste à développer c'est juste la mobilité psychique nécessaire à chaque citoyen, ville, région, pour se décentrer de son petit nombril, rond-point, clocher, terroir.

    Là ça commencerait à ressembler à une république.