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  • (8/12) Civilisation

    La société civile : drôle d'expression quand même. Pléonastique, non ? Une société est par définition civile en tant qu'ensemble des personnes qui sont la cité. Re-non ?

    La société civile. Ainsi nommée, oui je sais, pour la différencier du monde politique. Ce qui implique logiquement : celui-ci est la société incivile. CQFD.

    Que ce ne soit pas la seule partie du corps social atteinte de ce mal, on est d'accord. Le virus de l'incivilité est endémique. Simplement il y a des zones du spectre social où il s'exprime de façon plus visible.

    Celles du pouvoir (politique, économique surtout), et, à l'autre bout, comme en miroir, celles où l'impuissance se convertit en violence.*

     

    Quant à l'expression réseaux sociaux, hein ? Un remarquable cas d'école de la langue de bois dont on fait les pipeaux. Un terme-pipeau qui pianote en virtuose sur toutes sortes d'ambiguïtés.

    Pipeau ou piano faut choisir, dira le lecteur. En fait c'est juste qu'une métaphore en cache une autre. C'est une métaphore poupée-russe, si vous voulez.

     

    Tout ça pour dire ce qui me gêne dans le terme réseaux sociaux est qu'il confine au mensonge (par omission au mieux) (et quand je dis confiner j'euphémise un max).

    Car il laisse subliminalement entendre que les réseaux seraient par définition des éléments contribuant à construire la société, à fabriquer du lien social. De fait ils représentent une forme quantitativement importante du lien social, on ne peut le nier.

    Mais côté constructivité réelle pour la société, disons qu'il y a du déchet.

     

    Et par ailleurs (ou pas si ailleurs) on peut s'interroger sur la fibre sociale des firmes capitalistes que sont avant tout ces réseaux. Terriblement sujettes à la paresse fiscale comme d'autres à la paresse intestinale. Sans compter une relation pas vraiment sociale avec leurs employés, surtout d'en bas.

    Et avec ça complices (à l'insu de leur plein gré ça va sans dire) d'atteintes aux droits zé législations, d'atteintes à la vérité.

    Mais soyons justes : tout ça n'est pas très porteur pour l'action (boursière oui) (pourquoi y en a d'autres?)

    Alors qu'avec un truc bien glauque ou bien méchant, c'est clic garanti. Genre le bras d'un bandit-manchot à tous les coups gagnant.

     

     

    *effet miroir mis en lumière dans Code 93 d'Olivier Norek (Michel Lafon 2013)

  • (7/12) Algorithme mon amour

     

    J'aime les mots du vocabulaire scientifique. Je ne sais pas dire pourquoi.

    Ce n'est pas qu'ils m'impressionnent (d'ailleurs je n'aime vraiment pas ça, être impressionnée, j'ai une antipathie spontanée envers ceux dont je perçois les manœuvres en ce sens).

    Je ne peux pas dire non plus que les mots scientifiques m'inspirent un respect quasi religieux genre te fatigue pas tu comprendras pas faut être initié. Je crois que c'est plutôt le contraire. Les mots scientifiques, surtout ceux du domaine mathématique (là aussi pourquoi va savoir) me rassurent, m'enveloppent.

    Je les ressens comme des mots amis, familiers. Avec eux je me sens comme on dit en pays de connaissance. Étonnant, non ?

     

    Parce que certes j'ai fait un peu de math dans ma jeunesse folle (si peu) (de math) (et de folie aussi en fait), mais le pays de connaissance qu'il m'en reste tient plus de Monaco ou d'Andorre que de la Russie, ou du Canada.

    Côté superficie s'entend, ne rien en déduire sur ma vision géopolitique du monde.

    En tout cas il y a là une certaine logique. Qui dit Monaco dit casino, qui dit casino dit jeux de hasard, qui dit hasard dit probabilités, qui dit probabilités dit algorithme. CQFD.

     

    Les mots de la mathématique, en outre, me sont agréables à prononcer. (Au point où j'en suis de confessions intimes, tant pis je balance tout).

    Équilatéral, axiome, arithmétique, asymptote, corollaire, algèbre, abscisse, logarithme, algorithme (belles anagrammes ces deux-là).

    Au moins on n'a pas l'impression d'ouvrir la bouche pour rien, les différents organes de la phonation n'y jouent pas les utilités. Il faut aimer ar-ti-cu-ler. 

     

    Mais l'ennui c'est l'usage qu'on en fait en mode gafa. (Tu me voyais venir, lecteur).

    Si j'aime toujours le mot algorithme, c'est désormais d'un amour blessé. J'ai perdu beaucoup de mon plaisir à le dire, à le lire.

    Pire : j'éprouve pour lui une sorte de pitié.

     

    Pauvre mot exilé de tes terres de pure abstraction, déchu dans le monde réel où sévissent les lois du profit (grossière antiphrase).

    Et tes cyniques exploiteurs, les trafiquants de l'attention*, se revendiquent de la noble ascendance de la mathématique ta mère, alors qu'ils ne font que la prostituer.

     

    Algorithme humilié, algorithme mercantilisé, algorithme dénaturé, esclavagisé, mais algorithme bien-aimé quand même.

     

     

     

    *cf Bruno Patino La civilisation du poisson rouge. (Grasset 2019)

     

  • (6/12) Episode emergency

    Résumé : le premier volet de notre triptyque lexical nous a fait rencontrer ce virus. Le deuxième volet nous a mis au fait dudela covid 19. Que va nous révéler le troisième volet de cette passionnante série ?

     

    Nommons maintenant les événements auxquels le virus donne lieu.

    Cela commence par l'épidémie. Qu'est-ce qu'une épidémie au fond ? Un jeu de furet (ou pangolin ? oui si vous voulez), il est passé par ici, il repassera par là, qui l'a.

    Il va il vient, de l'épidémie (il rôde dans les alentours, à nos confins) à la pandémie (il s'aventure partout sur notre bonne vieille terre), puis de la pandémie à l'endémie prévisible (il va taper l'incruste pour longtemps), sur le modèle de l'épidémie de grippe de 1916-18 reconvertie depuis en grippe dite saisonnière.

     

    L'épidémie a provoqué ladite crise sanitaire.

    Soignants au bord de la crise de nerfs dans les hôpitaux débordés par l'afflux, aux urgences, de cas vraiment urgents (bon côté des choses on a arrêté d'aller aux urgences pour ne pas avancer le prix de la consultation, ou parce qu'on a vu de la lumière).

    Poussée de fièvre sur un organisme hospitalier déjà bien affaibli depuis longtemps pour cause de gestion absurdement comptable, assortie d'une hypertrophie d'organismes d'encadrement administratif, parasitant le système au détriment des soignants et patients, coûtant cher pour une utilité réduite (à l'exact inverse donc des soignants).

    Cette pathologie de pléthore administrative atteint d'ailleurs de même l'éducation nationale, au détriment de la présence d'enseignants et encadrants sur le terrain

    (et sans doute c'est pareil dans d'autres corps de fonctionnaires - je parle des deux que je connais de près)

    (bon, ça, c'est fait).

    Réformateurs intelligents (j'espère que ça peut ne pas être un oxymore), au boulot !

     

    L'autre crise, la crise économique induite, elle est devant nous. Ça fait peur, alors en bonne phobique, j'évite le sujet (de toutes façons je n'y connais pas grand chose).

     

    En fait à la place de crise je dirais bien épisode. Un épisode d'un feuilleton, d'une série comme on dit aujourd'hui. Or si l'on sait une chose, c'est que la série « Épidémie(s) » n'est pas finie.

    Et puis épisode est un mot de la tragédie grecque. Partie du drame entre deux entrées dit Robert. Moment donc où l'effectif reste constant en scène (comme dans le plateau d'une épidémie).

    Pour moi j'entends épisode sur le mode : quelque chose qui arrive, comme tant de choses arrivent, sont au centre un temps, puis passent. Et arrive l'épisode suivant. C'est comme ça, voilà tout.

    Style Qohèlet l'ecclésiaste : « un temps avec virus, un temps sans virus, il y a un temps pour tout ». Et vanitas vanitatum.

    Soit dit sans casser l'ambiance.