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  • (2/21) Contemporain

     

    Être vieux c'est avoir tous les âges (dit V. Hugo cf la dernière fois).

    C'est d'abord, au sens le plus évident, avoir tous les âges que l'on a eus dans sa vie.

     

    Être vieux c'est être le propriétaire (souvent en co-propriété) d'une collection de moments vécus, de souvenirs inscrits en soi au fil du temps.

    Être vieux c'est être l'héritier d'une galerie de portraits et d'autoportraits, le mécène obligé des créations plus ou moins réussies d'une vie.

    Être vieux c'est être une terre sédimentée, un paysage façonné au gré d'apports et d'érosions diverses.

    Être vieux c'est être un parchemin multi-palimpseste.

     

    Conséquence de cette inclusion d'une multiplicité de vies en une : l'aptitude, dans le rapport avec les autres, à pour ainsi dire se situer de plain-pied avec chacun à son âge.

    Les expériences et souvenirs de chaque vieux lui constituent un stock d'éléments utiles pour comprendre et ressentir intérêts, enjeux, joies et peines, atouts et fragilités, de ses contemporains des autres âges.

     

    C'est ainsi en tous cas que j'interprète la phrase de Victor Hugo. Du moins à la mesure qui m'est accessible, la mesure de tout un chacun.

    Mais dans son cas, il y a plus : son génie a su entrer de plain-pied dans le long temps de l'histoire humaine, pour en écrire sa relecture, sa légende des siècles.

     

  • (1/21) Tous les âges

     

    Hugo a écrit (je ne sais plus quand je ne sais plus où) : être vieux c'est avoir tous les âges.

    Garde-toi, lecteur, lectrice, d'attribuer la parenthèse aux atteintes d'un Alzheimer galopant. C'est que j'ai trouvé cette citation dans un livre, sans que l'auteur en donne la source.

    J'ai bien pensé aller la chercher par moi-même, mais un rapide calcul m'a dissuadée. À mon âge le temps est désormais trop précieux : parcourir les milliers de pages dues à la prolixe (et néanmoins géniale) plume de Totor, juste par obsession de la précision ...

    Après tout je ne suis pas là pour réparer les insuffisances des confrères (bon ça c'est fait).

     

    Être vieux c'est avoir tous les âges.

    Je ne sais pas ce qu'Hugo entend exactement par là (surtout en l'absence de contexte) (et toc). En revanche je peux dire deux trois choses que cette phrase m'inspire.

    Et je les dirai.

     

    Mais pour commencer, aujourd'hui, je me contente, lectrice-teur, de répondre par à ton implicite et néanmoins ta pertinente question : pourquoi donc parler de vieillesse ? Est-ce vraiment indiqué en ces temps où les occasions de déprimer ne manquent pas ?

     

    Pourquoi ? Peut être juste parce que j'ai l'âge du rôle.

     

  • (12/12) Let it be

     

    « Ils sont achevés, les ciels, la terre et toute leur troupe.

    Elohim achève au jour septième son ouvrage qu'il avait fait.

    Il chôme, le jour septième, de tout son ouvrage qu'il avait fait. »

    (Genèse chap.2 v.1-2, trad. A. Chouraqui)

     

    Chouraqui dit chômer, souvent on dit se reposer. Ni l'un ni l'autre ne suffisent à rendre compte de toutes les implications du terme. Elohim a fait, et puis il ne fait plus. Il arrête de faire.

    Au jour septième où en arrive le texte, Elohim n'a plus rien à faire, il a achevé tout son ouvrage (faut être Elohim, hein, pour être sûr de ça, avoir tout fait). Qu'est-ce que j'peux faire j'ai rien à faire, serine Anna Karina dans Pierrot le fou.

    Moins dépressif qu'elle sans doute (ou les auteurs bibliques moins dépressifs que Godard) il va se satisfaire de ne rien faire. Sauf qu'en fait ce faire-pas qui débute au septième jour n'est pas exactement ne rien faire (ou en tous cas il oblige à considérer la subtilité du mot rien cf 2/12).

     

    Ce chômage génétique (je veux dire du livre de la Genèse), c'est l'idée de laisser-faire. Durant les six jours précédents, les éléments ont été posés, il y a désormais matière à faire, pourrait-on dire.

    Matière organisée selon un logiciel : système d'alternance temporelle, classification des éléments, puis des êtres vivants, végétaux et animaux.

    Les vivants sont équipés en prime d'un moteur autonome, apte à entretenir un cycle, un mouvement perpétuel.

    « … toute l'herbe semant semence, sur les faces de toute la terre, et tout l'arbre avec en lui fruit d'arbre, semant semence. » (Gen chap.1 v.29)

    « Elohim fait le vivant de la terre pour son espèce, la bête pour son espèce et tout reptile de la glèbe pour son espèce. » (v.25)

    Ah tiens, pourquoi le reptile à part ? dira le lecteur naïf. Mais celui qui connaît la suite de l'histoire admirera l'art narratif.

    Ainsi l'auteur de polar glisse un détail dans un flot d'informations, histoire de noyer le poisson. Et après coup le lecteur comprend que c'était un sacré indice.

    Sauf qu'ici le vrai lézard n'est pas le fait de ce pauvre reptile.

     

    « Elohim crée le glébeux (l'adam) à sa réplique, à la réplique d'Elohim, il le crée, mâle et femelle il les crée. Il les bénit, leur dit Fructifiez, multipliez, emplissez la terre ...» (v.27-28)

    Bon jusqu'ici tout va bien, non ? Attends, lecteur, voici venir le bug du programme, le grain de sable dans les rouages.

    « ... conquérez-la, assujettissez le poisson de la mer, le volatile des ciels, tout vivant qui rampe sur la terre. » Conquerrez, assujettissez : c'est du lourd.

    Genre « à partir de maintenant à vous, ce jour huitième est celui de vous humanité, allez-y lâchez-vous, et après moi le dél … Euh je veux dire let it be. »

     

    Certes j'ai sur les auteurs du 6° avt JC l'avantage de connaître la suite. Mais quand même, imaginer un Elohim qui remette un tel chèque en blanc à des gens qu'il connaissait ni d'Ève ni d'Adam, perso je suis peut être parano, mais en vérité je vous le dis : ça me serait pas venu à l'esprit.