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  • Une journée de maître Sanji (sans J)

    Au matin à sa fenêtre le maître prit sa plume et écrivit :

     

    Rayon de soleil

    Aurore aux yeux de geisha

    Ciel vêtu de soie

     

     

    À midi assis dans la forêt il prit sa plume et écrivit :

     

    Cri de la cigale

    Le vent enchante les pins

    Ah ! Concert d'été …

     

     

    Le soir dans le halo de la lampe à huile il prit sa plume et calligraphia :

     

    Œil rond de la lune :

    Par la porte de la nuit

    Quel rêve entrera ?

     

     

  • Pâli (sans I)

    - Toutes ces belles couleurs passées … Quelle perte pour cette œuvre ! Pas moyen de rattraper ça ?

    - On a déjà restauré tout ce qu'on a pu. En allant au-delà, on ôtera à la fresque son caractère.

    - Un peu plus de pétant dans ce rouge, non ?

    - Vous n'y pensez pas, nous ne pouvons user que du pourpre exact de l'époque.

    - Ah bon, ça a tant de conséquence ?

    - Une fausse note se verra d'emblée.

    - Pour un regard exercé comme le vôtre, d'accord. Seulement la fresque est supposée être un argument pour appâter le voyageur lambda, pas l'homme de l'art tel que vous.

    - Même ce lambda-là peut goûter la beauté dans sa justesse, non ?

    - Vous savez ce genre de gens ça parcourt toute l'Europe en sept jours, alors le temps consacré à la fresque dans notre bourg, ça va se compter en secondes … Ou alors on crée un truc pour lancer le buzz …

    - Et de quelle sorte, le buzz sur une fresque du haut Moyen-Âge ?

    - Un scandale pour provoquer un méga-débat chez les experts comme vous, dont les réseaux se fassent l'écho partout dans le monde …

    - Vous allez me demander de changer quelque chose …

    - Les couleurs, on peut pas, juste un peu ? ...

    - Je vous le répète, nous devons rester dans le contexte culturel.

    - C'est vu, OK, OK vous gardez vos couleurs passées …

    - Pas mes couleurs, celle du créateur …

    - OK OK, on garde les couleurs telles quelles, sauf qu'on met un nez rouge au bonhomme, là.

    - Un nez rouge à l'apôtre Jean ? !!!

    - C'est ça : on transforme votre fresque style haut Moyen-Âge en pop art. Et vous, vous devenez l'Andy Warhol du monde des experts restaurateurs de fresques Haut Moyen-Âge. Ça se tente, non ? … Eh oh, ça va ? Vous êtes tout pâle d'un coup.

     

  • Sortie sans achat (sans H)

    « N'attendez plus » « Venez profiter de nos ventes privées » « En tant que client privilégié vous pouvez bénéficier de créneaux réservés » « Pour vous seul des soldes uniques sur tous les produits des plus grandes marques » « Activez votre carte de fidélité pour gagner toujours plus de réductions » …

     

    En fait vous savez quoi : non.

    J'ai pas vraiment envie de profiter, je ne me découvre pas grand désir de bénéficier, et je traîne carrément les pieds pour activer.

    En fait ben oui : attendre. Voilà. Je vais faire ça.

    Surseoir. Reporter. Repousser. Patienter.

    Me donner le temps de.

     

    Fini d'arpenter les avenues du commerce, les réelles ou les virtuelles. Tant qu'à faire je vais plutôt m'asseoir au café du même nom (le seul qui ne fermera jamais) en sirotant un simple verre d'eau.

    Et prendre le temps de.

     

    Je sais que ça vous fait peur. Parce que, quand je le perds à courir après vos promotions, vos offres, mon temps c'est votre argent.

    Désormais qu'on se le dise : y a pas écrit banquier pour milliardaire américain (ou asiatique ou quoi que que ce soit).

    Y a pas écrit mécène pour artistes de l'aliénation.

     

    J'ai dit un gros mot ? Et comment ça s'appelle, quand on bâtit des empires sur l'appât du gain (ou son illusion), sur le panurgisme et sur le décervelage ?

    Désormais faut le savoir je vais devenir ce que je suis : libre.

    Je continuerai à me nourrir, me fournir, oui, mais que ce soit si je veux, quand je veux, et ce que je veux. C'est à dire juste ce dont j'ai besoin et qui me plaît, vraiment.

    C'est à dire pas tellement en somme.

     

    Alors vous pouvez ranger la moitié de vos étals, tirer les rideaux sur les trois quarts de vos vitrines, et fermer les neuf dixièmes de vos sites.

     

    Mot dièse j'ai déterré l'arme de guère.

    Et j'avance sur le sentier de la décroissance.