« Mais est-il rien doux au prix de cette soudaine mutation, quand d'une douleur extrême je viens, par la vidange de ma pierre, à recouvrer comme d'un éclair la belle lumière de la santé, si libre et si pleine, comme il advient en nos soudaines et plus âpres coliques ? Y a-t-il rien en cette douleur soufferte qu'on puisse contre peser au plaisir d'un si prompt amendement ?
(…) Le pire que je voie aux autres maladies, c'est qu'elles ne sont pas si grièves en leur effet comme elles sont en leur issue : on est un an à se ravoir, toujours plein de faiblesse et de crainte ; il y a tant de hasard et tant de degrés à se reconduire à sauveté que ce n'est jamais fait. (…)
Cette-ci a ce privilège qu'elle s'emporte tout net, là où les autres laissent toujours quelque impression et altération qui rend le corps susceptible de nouveau mal, et se prêtent la main les uns aux autres. »
(Montaigne Essais livre III chapitre 13 De l'expérience)
Vive la pierre, maladie-privilège ! Si ce n'est pas ce qui s'appelle positiver …
La belle lumière de la santé : comme c'est vrai. Elle est merveilleuse, miraculeuse, l'expérience de se retrouver dans ce qu'on appelle son état normal, après un épisode de blessure, de maladie, d'indisposition quelle qu'elle soit, et même légère.
En fait me vient le mot se réintégrer, goûter la sensation réconfortante de retrouver une présence à soi non amoindrie ou polluée d'inconfort, de douleur, d'empêchement.
Oui bon je dis son état normal. Passé un certain âge, faut être lucide : la belle lumière de la santé devient disons moins éblouissante.