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  • Dialogue

    « n°4 : Dialogue

    A : Fus-je malade ? Suis-je guéri ?

    Et qui fut mon médecin ?

    Comme j'ai oublié cela !

    B : Maintenant seulement je te crois guéri :

    Car est guéri celui qui a oublié. »

     

    (Friedrich Nietzsche. Le Gai Savoir. Prélude en rimes allemandes)

     

    Si vous permettez, Friedrich, je m'immisce dans le dialogue. Un dialogue un peu trop elliptique à mon gré. Oui d'accord j'entends : il s'agit ici de poésie, de rimes et de chanson. Et de ce point de vue-là c'est réussi.

    Mais quand même Est guéri celui qui a oublié, vraiment ? Perso je tique. Je trouve que ça se discute. Au plan physique, mettons.

    Mais au plan psychique ? Papa Freud (qui vous a beaucoup lu d'ailleurs) vous répondrait que sur ce plan-là, l'oubli est, bien au contraire, un facteur pathogène. Le mal effacé de la conscience reste inscrit en mode inconscient. Et il fait retour sous forme de nouveaux symptômes.

    Parfois il sont un moindre mal, je l'admets. Mais pas toujours. Il n'est pas rare que les symptômes de retour du refoulé soient encore plus invalidants, douloureux, que ce qui a été refoulé.

    Mais bon j'ergote alors qu'il ne s'agit que de savourer l'élan, la joie étonnée et légère de votre exclamation Comme j'ai oublié cela !

    Un élan vers l'oubli qui consonne avec votre phrase la plus fameuse peut-être ce qui ne me détruit pas me rend plus fort (Le Crépuscule des idoles).

    Ce qui permet de suggérer une réponse à la question Et qui fut mon médecin ?

    Vous-même, Monsieur Nietzsche ?

     

  • Mon bonheur

    Il faut que je le confesse, ce que j'écris ces jours-ci n'est pas ce que je voudrais écrire. Je voudrais écrire des choses douces, légères, joyeuses et même si possible drôles.

    Parce que de tout cela, douceur, légèreté, joie et rire (même fou pourquoi pas), j'ai besoin.

    Et je gage que pour le lecteur, la lectrice, il en va de même.

    Mais voilà, je n'y arrive pas. De fait les temps ne sont ni à la douceur ni à la légèreté. Ou disons sans généraliser que moi, je me sens plus atteinte par la dureté du monde que par sa douceur.

    Alors, me suis-je dit, faute de légèreté, au moins me réfugier dans la force consolante de l'intelligence et de la lucidité. Ce que j'ai fait pendant quelques semaines avec Montaigne, je vais le continuer avec Nietzsche, me plonger dans Le Gai Savoir.

    Et je m'arrête, tout de suite, au début, à ces quatre petits vers qui viennent me donner le mode d'emploi de ma lassitude et de mon effroi devant les tempêtes du monde.

     

    « Depuis que je me suis fatigué de chercher,

    J'ai appris à trouver.

    Depuis qu'un vent m'a tenu tête,

    Je fais voile avec tous les vents. »

     

    (Friedrich Nietzsche. Le Gai Savoir. Prélude en rimes allemandes : n°2 Mon bonheur)

     

  • Le reflet de nous-mêmes

    « Quand vous admettez tous les hommes à la concurrence de tous les emplois et que vous assurez la liberté du choix par de bonnes institutions constitutionnelles, vous êtes assuré que les hommes les plus éclairés, les plus honnêtes, les plus considérés seront appelés par le peuple à gouverner. (…)

    Nous sommes de votre avis, diront les philosophes moralistes, les antagonistes des philosophes politiques. Assurément nous voulons bien du gouvernement des meilleurs et nous le préférons même à celui des nobles : mais comment nous assurez-vous que les choix du peuple seront toujours bons ? »

    (Germaine de Staël. Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder toute République en France)

     

    « En réalité, la responsabilité de la dégradation du climat politique ne repose pas uniquement sur nos élus. Nous, nous avons contribué peu à peu à rendre la politique détestable, impraticable. C'est en partie notre faute si ne survivent dans ce monde-là que les héros ou les détraqués, les saints ou les avides de pouvoir et de notoriété.

    Si l'air politique devient irrespirable pour l'immense majorité de ces élus juste ''normaux'', c'est parce que nous attendons d'eux des choses proprement surhumaines, qui en découragent plus d'un. Or nous élisons des représentants qui ne sont que le reflet de nous-mêmes. Parfois exemplaires, exceptionnels. Parfois petits et mesquins. Et souvent ordinaires. »

    (Chloé Morin. On a les Politiques qu'on mérite. Fayard 2022)

     

    Je trouve pertinente la question que Germaine fait poser par les philosophes moralistes aux philosophes politiques (c'est déjà celle de Rousseau dans son Contrat social), et c'est pourquoi j'ai été intéressée par le livre de Chloé Morin.

    Je comprends son propos et j'y adhère : attention à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Certes la démocratie représentative est malade, mais il s'agit de ne pas se tromper de diagnostic, de façon à pouvoir trouver les bons remèdes.

    L'un de ceux-ci étant de prendre au sérieux et de façon éthique notre responsabilité de votants et d'administrés. Par exemple, dit-elle, belles hypocrisie et inconséquence de dénoncer la pente clientéliste des élus, quand on n'hésite pas à demander un passe-droit pour soi ou ses proches ou son entreprise ...

    Néanmoins je dois dire qu'à certains moments j'ai rechigné à la suivre totalement.

    Son fort recommandable parti-pris spinoziste* l'entraîne me semble-t-il à une indulgence naïve envers quelques coquins cyniques et manipulateurs**.

    Péché de jeunesse tout à son honneur, mais qui peut néanmoins être dommageable. Quand la preuve de la charge est apportée, la sanction doit tomber, sous peine de disqualifier la force du droit. (Autre grand risque pour la démocratie).

     

    *Ni rire ni pleurer ni haïr mais comprendre. (Baruch SpinozaTraité politique). C'est moi qui interprète ainsi son attitude, elle ne mentionne pas Spinoza dans son livre.

    **En particulier lors de ses entretiens avec Isabelle Balkany, condamnée (y compris en appel) avec son mari pour différentes malversations.