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  • Les émanations toxiques

    « n°134 Les pessimistes comme victimes.

    Là où s'impose un profond déplaisir quant à l'existence, se révèlent les répercussions d'une grave faute de régime alimentaire dont un peuple s'est longtemps rendu coupable.

    C'est ainsi que l'expansion du bouddhisme (non pas son émergence) est liée pour une large part à la place prépondérante et presque exclusive du riz dans l'alimentation des Indiens et à l'amollissement général qu'elle entraîne.

    Peut être l'insatisfaction européenne de l'époque moderne doit-elle être considérée à partir de ce fait que le monde de nos ancêtres, tout le Moyen Âge, grâce aux influences exercées par les inclinations germaniques sur l'Europe, s'adonnait à la boisson : Moyen Âge, cela signifie l'empoisonnement de l'Europe par l'alcool. –

    Le déplaisir allemand quant à la vie est essentiellement consomption hivernale, sans oublier l'atmosphère de cave et les émanations toxiques des poêles qui emplissent les habitations allemandes. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Troisième livre)

     

    Comme quoi on a beau être le grand Nietzsche, on peut aligner pas mal de conneries au centimètre carré de page.

    On a ici une caricature de ce qu'il appelait sa physiologie. Le fait de ne pas considérer la pensée comme désincarnée, mais au contraire d'en repérer la source corporelle. Une forme de matérialisme, d'anti-spiritualisme, qui fut un des supports de sa réflexion sur la généalogie de la morale. Et certes cette réflexion fut des plus pertinentes.

    Mais ici, il est visiblement influencé par les typologies caricaturales sur les peuples, liées à l'essor des nationalismes, dont son époque était friande. Et particulièrement sans doute en Allemagne. Cette appétence nationaliste, il la condamne, il a l'intuition des tragédies dont elle est lourde (cf ses Considérations inactuelles).

    Pourquoi alors tant d'outrance ici ? Goût de la provocation ? Perception agacée d'une ambivalence : il a honte de cette proximité de pensée et en même temps il ne peut la récuser tout à fait ?

     

  • Formidable aspiration

    « n°130 : Une décision dangereuse.

    La décision chrétienne de trouver le monde laid et mauvais a rendu le monde laid et mauvais. » 

     

    « n°131 : Christianisme et suicide.

    Le christianisme a fait de la formidable aspiration au suicide qui existait lors de son émergence le levier de sa puissance : il n'épargna que deux formes de suicide, les drapa dans la plus haute dignité et les plus hautes espérances, et proscrivit toutes les autres de manière terrifiante. Mais le martyre et la lente suppression de soi de l'ascèse furent autorisées. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Troisième livre)

     

    Tout ceci n'est certes pas entièrement de bonne foi. (Encore que l'ascèse chrétienne comme lente suppression de soi ça parle) (et on peut en dire autant pour d'autres religions).

    Mais on va absoudre Friedrich, car de tels propos laissent entendre que ce sacré papa pasteur ne devait pas être un rigolo ...

     

  • Sans des hommes sages

    « n°129 : Les conditions de Dieu.

    ''Dieu lui-même ne peut subsister sans des hommes sages'' – a dit Luther, et à juste titre ; mais ''Dieu peut encore moins subsister sans des hommes sans sagesse'' – et cela, le brave Luther ne l'a pas dit ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Troisième livre)

     

    Il fallait que ce soit dit. L'ennui c'est que les hommes sans sagesse n'ont aucun mal à façonner davantage l'image de Dieu que les sages, car ils sont beaucoup plus malins, retors, et savent mieux se faire entendre.

    Montaigne ne nous l'envoie pas dire : « L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise. Est-il rien certain, résolu, dédaigneux, contemplatif, grave, sérieux, comme l'âne ? » (Essais III, 8 De l'art de conférer).

    Et cela produit un dégât collatéral : « Il est impossible de traiter de bonne foi avec un sot. Mon jugement ne se corrompt pas seulement à la main d'un maître si impétueux, mais aussi ma conscience. » (Ibid.)

    Un maître oui, souvent, l'homme sans sagesse, car c'est à devenir maître qu'il s'emploie essentiellement. C'est terrible, mais c'est ainsi : « Les méchants savent quelque chose que les bons ne sauront jamais » (Woody Allen)

    Et par conséquent c'est leur vision de Dieu qui prévaut largement. Une vision au mieux absurde, mais hélas souvent abjecte en plus, selon le mot indépassable de Voltaire : « Tu nous a faits à Ton image, mais nous Te l'avons bien rendu. »