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  • Qui ne nous inquiète plus

    « n°355 : L'origine de notre concept de ''connaissance''.

    (…) Le connu, cela veut dire : ce à quoi nous sommes suffisamment habitués pour ne plus nous en étonner, notre quotidien, une règle quelconque dans laquelle nous sommes plongés, absolument tout ce en quoi nous nous sentons chez nous : – comment ? notre besoin de connaître n'est-il justement pas ce besoin de bien connu, la volonté de découvrir dans tout ce qui est étranger, inhabituel, problématique, quelque chose qui ne nous inquiète plus ?

    Ne serait-ce pas l'instinct de peur qui nous ordonne de connaître ? La jubilation de l'homme de connaissance ne serait-elle pas justement la jubilation du sentiment de sécurité retrouvée ? ... »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Cinquième livre)

     

    Sans être capable de dire si cette analyse de Friedrich est pertinente, démontrable, je peux dire une chose : moi aussi je ressens cela.

    Chercher à connaître, apprendre à connaître (de quelque ordre que ce soit, y compris – surtout ? – des procédures concrètes pour gérer le quotidien), et poser quelque part dans ma conscience ces connaissances, sachant que je pourrai les y retrouver, et puis aussi les classer, les approfondir, les reprendre, les modifier, j'ai toujours trouvé cela rassurant.

    Est-ce la signature d'un certain profil psychologique, dans lequel le besoin d'analyse, de vérification, de logique, correspond à la gestion d'un rapport phobique (c'est à dire effrayé) au monde ? J'aurais tendance à dire sans doute, mais je vais en rester au moins affirmatif peut être ...

     

    En tous cas le bon côté, c'est qu'à partir de cet effroi, le besoin de connaissance construit. Non seulement il construit un sentiment de sécurité chez qui s'y adonne, mais aussi, bêtement, il construit, et ainsi fit Nietzsche, de la connaissance.

    Une connaissance dont tout le monde ensuite peut se saisir, les peureux comme les pas peureux.

     

  • Capacité de communication

    « n°354 : Du ''génie de l'espèce''.

    (…) Il me semble que la finesse et la force de la conscience sont toujours liées à la capacité de communication d'un homme (ou d'un animal), et que la capacité de communication est liée à son tour au besoin de communication. (…) La conscience n'est proprement qu'un réseau de relations d'homme à homme. (…)

    Et par conséquent, chacun de nous, en dépit de toute sa volonté de se comprendre lui-même de manière aussi individuelle que possible, de ''se connaître soi-même'', ne prendra jamais conscience que du non-individuel en lui, de sa ''moyenne'', – notre pensée même est continuellement, en quelque sorte, mise en minorité par le caractère de la conscience – par le ''génie de l'espèce'' qui commande en elle – et se voit retraduite dans les perspectives du troupeau. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Cinquième livre)

     

    Distance prise ici avec la perspective cartésienne. Le cogito ergo sum vient se compléter d'un cogito quare sumus : je pense parce que nous sommes.

    La conscience n'est proprement qu'un réseau de relations d'homme à homme. La psychanalyse freudienne ne dira pas autre chose, précisant seulement que ce réseau a un envers, une doublure inconsciente.

    La fin de ce texte m'inspire quelques précisions.

    Dans la pensée, qui est organisation de la perception du monde, l'individualité est mise en minorité par ce nous, c'est logique, nul ne fait société à lui tout seul. Mais la conscience, elle, entre autres par le fait de sa doublure inconsciente, peut garder sa langue propre, à côté de la traduction dans les perspectives du troupeau. Sans cela l'humanité n'aurait jamais évolué, en serait restée à une pure répétition.

    L'authentique génie de l'espèce humaine consiste à prendre en compte les perspectives du troupeau, mais sans obéir purement et simplement à un instinct de troupeau.

    Et c'est, me semble-t-il, une des préoccupations de Nietzsche : attirer l'attention sur cette différence capitale.

     

  • En eux son destin

    « n°345 : La morale comme problème.

    Le manque de personne se fait payer partout ; une personnalité affaiblie, amenuisée, éteinte, qui se nie elle-même et renonce à elle ne parvient à rien de bon, – et moins que tout à la philosophie.

    ''L'abnégation'' n'a aucune valeur ni au ciel ni sur la terre ; les grands problèmes exigent tous le grand amour, et seuls en sont capables les esprits forts, complets, sûrs, qui ont en eux-mêmes une assise ferme.

    La différence est absolument considérable selon qu'un penseur a un rapport personnel à ses problèmes, de sorte qu'il possède en eux son destin, sa misère et aussi son bonheur le meilleur, ou au contraire un rapport impersonnel : c'est à dire s'il ne sait les palper et les saisir qu'avec les antennes d'une pensée froide et curieuse. Dans ce dernier cas, il n'en sortira rien, on peut l'assurer. (…)

    Comment se fait-il, maintenant, que je n'aie encore rencontré nul homme, pas même dans les livres, qui se soit comporté en personne à l'égard de la morale, qui ait connu la morale comme problème, et ce problème comme sa misère, sa torture, sa volupté, sa passion personnelles ?

    (…) Personne, par conséquent, n'a encore examiné jusqu'à présent la valeur de cette médecine célèbre entre toutes que l'on appelle morale : ce pourquoi il est nécessaire avant tout de la – mettre en question. Eh bien ! Telle est justement notre tâche. – »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Cinquième livre)

     

    Friedrich a certes raison : impossible de penser vraiment sans rapport personnel aux problèmes que l'on pense. Précisément : personnel. Donc selon sa façon, son mode propre (qui est combinaison de caractère spontané et d'assimilation d'expériences).

    Pour lui OK ce mode consiste à se jeter à corps perdu dans l'acte de penser.

    Mais pour d'autres, ce sera commencer par palper précautionneusement de ses antennes le territoire. En fait l'authenticité de l'investissement personnel se voit à ses fruits. Et dire des pensées précautionneuses il n'en sortira rien, on peut l'assurer c'est aller un peu vite en besogne.

    Et pareil pour ce qu'il dit de l'absence de rapport personnel à la question morale chez ses prédécesseurs : grosse mauvaise foi quand même. Et Spinoza alors ? Et Montaigne ? Et Pascal ?