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  • Attendre sans rien attendre

    « Sils-Maria

     

    J'étais assis à attendre, à attendre, – sans rien attendre,

    Par-delà bien et mal, jouissant tantôt de la lumière,

    Tantôt de l'ombre, tout jeu seulement,

    Tout lac, tout midi, tout temps sans but.

     

    Et soudain, amie ! Un devint Deux –

    Et Zarathoustra passa devant moi. »

     

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir. Appendice : chansons du prince Vogelfrei)

     

    L'écriture de Zarathoustra fut probablement commencée durant celle du Gai Savoir. C'est que les deux œuvres sont de conception jumelle, nombre de thématiques renvoient de l'une à l'autre. Simplement chacune se façonne, prend forme, selon sa modalité propre.

    Quant à ce poème de suspension du temps, de faire-corps avec le monde : magique, non ?

     

  • Même en colère

    « Vocation de poète

     

    (…) Petites sentences tordues, précipitées,

    Petits mots saouls, comme on se presse !

    (…) Te moques-tu, oiseau ? Veux-tu rire ?

    Si ma tête déjà va mal,

    Serait-ce pire pour mon cœur ?

    Crains, crains ma colère !

    Mais le poète – tresse des rimes

    Tant bien que mal, même en colère »

     

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir. Appendice : chansons du prince Vogelfrei)

     

    Commencé dans la poésie du prélude en rimes allemandes le livre s'achève par celle des chansons du prince Vogelfrei.

    Joli nom que celui de ce prince, qui peut se traduire par « libre comme l'oiseau ».

     

    J'aime cette réconfortante définition de la poésie, comme ce qui va son chemin de création dans tous les climats psychiques. Et par là qui amène à une réconfortante conception de la vie humaine, qui se tresse au fil du temps, tant bien que mal.

     

  • Le plus farfadesque

    « n°383 : Épilogue.

    Mais tandis qu'en conclusion je peins très très lentement ce sombre point d'interrogation, et me dispose encore à rappeler à mes lecteurs les vertus du bien-lire – oh quelles vertus oubliées et inconnues ! –, voici que se fait entendre autour de moi le rire le plus malicieux, le plus enjoué, le plus farfadesque : les esprits de mon livre eux-mêmes s'en prennent soudain à moi, me tirent les oreilles me rappellent à l'ordre. 

    ''Nous n'en pouvons plus – me crient-ils – assez, assez de cette musique de noir corbeau. Le clair matin ne s'étend-il pas tout autour de nous ? Ainsi qu'un vallon et un pré vert tendre, royaume de la danse ? N'y eut-il jamais meilleure heure pour être gai ? Qui nous chantera un chant, un chant du matin, assez ensoleillé, assez léger, assez ailé pour ne pas effaroucher les grillons, – pour inviter bien plutôt les grillons à chanter et danser avec nous ?

    Et mieux vaut encore une simple cornemuse rustique plutôt que ces sons mystérieux, ces cris d'oiseau de mauvais augure, ces voix de sépulcre et ces sifflements de marmotte dont vous nous avez régalés jusqu'à présent dans votre désert, monsieur l'ermite et le musicien de l'avenir ! Non ! Assez de ces sonorités ! Entonnons plutôt des airs plus agréables, et plus joyeux !''

    Est-ce cela qui vous plaît, mes impatients amis ? Très bien ! Qui aurait le cœur de vous le refuser ? Ma cornemuse attend déjà, mon gosier aussi – il se peut qu'il soit un peu enroué, il faudra vous en contenter ! En compensation nous sommes à la montagne.

    Mais ce que l'on vous fera entendre est du moins nouveau ; et si vous ne le comprenez pas, si vous comprenez le chanteur de travers, qu'importe ! C'est cela la ''malédiction du chanteur''. Vous pourrez entendre sa musique et sa mélodie d'autant plus clairement, au son du fifre d'autant mieux – danser.

    Le voulez-vous ? »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Cinquième livre)

     

    Assez de ces sonorités ! Est-ce voulu ou pas, en tous cas cela évoque le Nicht diese Töne qui prélude à l'hymne à la joie.

    On perçoit aussi dans ce passage conclusif, comme dans beaucoup d'autres auparavant, quelque chose de l'écriture de ce Gai Savoir en strates successives.

    Friedrich écrit quelques phrases dures et rudes, noires, abruptes. Puis il relit un peu plus tard et alors le farfadet en lui éclate de rire.

    « Oh lala c'est pas gai gai tout ça ... Allez, Friedrich, détends-toi, prends les choses plus légèrement ! Qu'importe la malédiction du chanteur, pourvu qu'il chante. Et pourvu que sa musique invite à la danse ceux qui l'entendent »

    « Oui mais (se répond Friedrich) encore faut-il qu'ils acceptent de l'entendre, non ? »

     

    Et du coup retour d'une certaine inquiétude en filigrane de la question finale.

    Et on repart pour un tour ...