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Blog - Page 277

  • Que m'importe ?

    Dans une cité bien conduite, chacun vole aux assemblées; sous un mauvais Gouvernement nul n'aime faire un pas pour s'y rendre ; parce que nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait, qu'on prévoit que la volonté générale n'y dominera pas, et qu'enfin les soins domestiques absorbent tout. (…) Sitôt que quelqu'un dit des affaires de l'État, « que m'importe ? » on doit compter que l'État est perdu.

    (III,15 Des Députés ou des Représentants)

     

    Les raisons de désaffection pointées ici, nous les connaissons bien.

    Nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait. Difficile en effet de se passionner pour des débats techniques, longs, complexes. Même si l'on admet qu'ainsi se construit une loi pour qu'elle soit bonne (et pas sûr que tout le monde l'admette), on aime mieux « regarder des vidéos de chat sur internet »

    (comme dit Y.N. Hariri dans 21 leçons pour le 21°s, livre clair, synthétique, lucide).

     

    On prévoit que la volonté générale n'y dominera pas. C'est vrai que la prédiction est peu démentie. C'est l'effet de la double dégénérescence de la démocratie (cf supra Le nom commun d'anarchie).

    La volonté générale se privatise d'en haut sous l'effet des lobbies économiques ou des défauts du gouvernement, et elle se privatise d'en bas sous l'effet de chaque auto-lobby de chaque individu.

     

    Les soins domestiques absorbent tout. C'est l'attitude corollaire de la précédente. Repli sur les intérêts et soucis de proximité (les miens, ceux de ma famille).

    Est-ce l'impossibilité de faire valoir le désir de volonté générale qui produit cette attitude, ou au contraire est-elle à l'origine du manque de volonté générale ?

    Telle est la question, assez proche du bien connu où est la poule où est l'oeuf ?

    Mais inutile de s'y attarder, sinon on n'est pas près de s'asseoir à une quelconque table de négociations.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Point de capitale

    Toutefois, si l'on ne peut réduire l'État à de justes proportions, il reste encore une ressource ; c'est de n'y point souffrir de capitale, de faire siéger le Gouvernement alternativement dans chaque ville, et d'y rassembler aussi tour à tour les États du pays. (III, 13 Suite – du 12)

     

    On a donc un modèle à la fois décentralisé et fermement coordonné, une sorte de fédération. Chaque petit « État dans l'État » sera géré au plus près, mais en cohérence avec le Gouvernement central, qui seul est garant de la cohésion d'ensemble.

    L'originalité proprement rousseauiste, c'est qu'on retrouve ici la double flèche caractéristique de toute la structure du Contrat social.

    La centralité est nécessaire au Gouvernement pour assurer son « ministère de l'unité ». Mais il ne faut pas confondre centralité et centralisme (on sait ce qu'a pu donner le concept de centralisme démocratique).

    Ne point souffrir de capitale suppose de considérer la nécessaire centralité (ou généralité) sous le seul angle symbolique (et non matériel).

    S'il n'y a pas concrètement de lieu capital unique cela permet de se rappeler que tous les lieux le sont (capitaux).

    Chacun peut tracer vers la centralité sa flèche, et ne se contente pas d'être sa cible.

    En outre, si le gouvernement va siéger alternativement dans chaque ville, alors se met en place une circulation comparable à la circulation sanguine, dans laquelle le gouvernement fait comme le cœur office de pompe.

    Assurant comme lui l'alternance diastole systole, la combinaison du centrifuge et du centripète.

    Rousseau va plus loin encore avec la proposition d'y rassembler aussi tour à tour les États du pays. À la circulation à double sens centre/périphérie s'ajoute une circulation entre périphéries.

    La fréquentation entre les différents sous-groupes du pays facilitera et concrétisera leur connaissance mutuelle.

    Ainsi peut se construire l'aptitude à un authentique dialogue, propice à des décisions vraiment démocratiques.

    Car chaque secteur élargit sa vision, et peut percevoir les problèmes selon l'ensemble de leurs données, et non seulement celles qui touchent au plus près ses intérêts propres.

    Ça commence à ressembler à de la démocratie, non ?

     

    Je dis n'importe quoi, mais qu'est-ce qui nous empêche d'essayer ?

    Les moyens concrets, moyens de transport et de communication nécessaires à cette mobilité, nous en disposons.

    Ce qu'il reste à développer c'est juste la mobilité psychique nécessaire à chaque citoyen, ville, région, pour se décentrer de son petit nombril, rond-point, clocher, terroir.

    Là ça commencerait à ressembler à une république.

     

  • Quand le peuple est assemblé

    Après avoir noté que tous les corps politiques sont mortels et portent en eux leur destruction programmée (III,11), Rousseau s'interroge cependant sur les moyens de les rendre aussi viables que possible. C'est à dire de conserver l'alliance nécessaire au bon Souverain : force et légitimité.

    À cet égard il énonce un axiome :

    Le Souverain ne saurait agir que quand le peuple est assemblé (III,12 Comment se maintient l'autorité Souveraine)

    (N.B. Rappelons-nous que le Souverain est l'autorité correspondant à la volonté générale. L'agir en question est donc législatif, l'exécutif étant du ressort du Gouvernement et des Magistrats.)

    La fréquente objection pas si facile quand le pays est grand et le peuple nombreux l'agace visiblement. Agacement pardonnable, vu qu'on lui a seriné souvent T'es qu'un petit Suisse tu peux pas comprendre les problèmes des Grands.

    Quand on veut on peut rétorque-t-il, témoin les assemblées des ensembles aussi vastes que l'empire macédonien. (Mauvaise foi on est d'accord, mais c'est de bonne guerre).

    Et puis comme en fin de compte il est surtout très sérieux, il consacre deux chapitres (III,13-14) à préciser des modalités aussi réalistes que possible pour organiser les assemblées en question.

    La principale est la nécessité d'aggiornamento périodique.

    Il ne suffit pas que le peuple assemblé ait une fois fixé la constitution de l'État (…) établi un Gouvernement perpétuel (…) pourvu une fois pour toutes à l'élection des magistrats.

    Outre les assemblées extraordinaires que des cas imprévus peuvent exiger, il faut qu'il y en ait de fixes et périodiques que rien ne puisse abolir ni proroger.

    Avec la précision essentielle : l'ordre même de s'assembler doit émaner de la loi.

    Périodiques donc, mais à quel rythme ? On ne saurait donner là-dessus de règles précises. L'important est de maintenir un bon contrôle démocratique, dont la règle d'or est plus le Gouvernement a de force, plus le Souverain doit se montrer fréquemment.

    Oui mais que faire quand l'État comprend plusieurs villes ?

    Devant cette nouvelle objection le petit Suisse persiste et signe dans sa théorie du small is beautiful.

    Je réponds encore que c'est toujours un mal d'unir plusieurs villes en une seule cité, et que, voulant faire cette union, l'on ne doit pas se flatter (caresser l'illusion) d'en éviter les inconvénients. Il ne faut point objecter l'abus des grands États à celui qui n'en veut que de petits.

    (Faut pas trop le chercher le JJ, vu ?)

    Mais il reste bonne pâte, et ce qui domine en lui est le souci de faire œuvre vraiment utile. Il a donc une solution pour les grands pas suisses.

    Elle est géniale, vous verrez.