Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 307

  • Commerce humain (5/7)

    Ayant théorisé le rôle structurant du sacrifice émissaire dans les sociétés archaïques, Girard s'intéresse ensuite aux évangiles de la Passion.

    Ces textes, dit-il, démontent le mensonge de la thèse sacrificielle, en présentant la victime (en l'occurrence le Christ) comme innocente, et surtout consciente de ce qui se joue. Pourtant il ne se dérobe ni se révolte, ce que Girard présente comme la possibilité de vaincre enfin la violence.

    Absurde, non ?

    Ce serait plutôt le contraire. En donnant sa vie au Père divin (censé donc la demander ou au moins l'accepter) il légitime de fait (à son corps non défendant) une figure divine en connivence avec la violence.

    Malgré la dénonciation de son mécanisme, la théorie sacrificielle se trouve ainsi validée de fait.

    Finalement ce qui ressort c'est que la violence est un absolu. Autrement dit il n'y a pas d'ailleurs à la violence. Et par conséquent elle ne peut être gérée que par elle-même et en elle-même, dans son propre système.

    Ce que Girard fait voir (sans le vouloir?) en anthropologie générale, d'autres le disent clairement en économie et en politique.

    En politique ils adhèrent à l'équation pouvoir = domination, avec pour logique ultime l'élimination du dominé par le dominant, moyennant le meurtre préalable de son désir de liberté (pour le cas où on vive en démocratie).

    En économie le Saint Mercantilisme étend son empire depuis l'étal réel du petit commerce jusqu'aux places boursières dématérialisées et nonobstant matérialistes. Tous les coups sont permis pour éliminer le concurrent, dans la guerre totale du commerce mondialisé.

    Si bien que le discours comme quoi le commerce serait précisément une sublimation (ou au moins une dérivation) du désir de violence et de pouvoir, eh bien … euh ...

    Car pas besoin d'être prix Nobel d'économie pour constater que le système mercantile mensongèrement auto-proclamé libéral, outre qu'il repose sur l'esclavage (salarié ou pas) et l'aliénation sous de multiples formes, produit en effet, comme tout système religieux, les victimes émissaires nécessaires à son maintien. Volant de chômeurs suffisant pour domestiquer un cheptel de travailleurs. Rejet de l'autre-concurrent à l'intérieur de chaque pays, ainsi que d'ensembles plus grands genre l'Europe.

    Avec, pour victime émissaire absolument logique d'une mondialisation fondée sur la libre circulation des capitaux, le migrant chassé par la pauvreté.

    Ce constat n'est certes pas nouveau. Il est juste particulièrement crucial aujourd'hui. La violence induit une destruction programmée à plus ou moins long terme, dont toute l'humanité sera la victime.

    À qui à quoi sacrifiée ? Sinon à son propre tropisme de mort ?

     

     

     

     

  • Autrement (4/7)

    Maintenant de deux choses l'une. Ou bien on en reste au constat anthropologique style « Ça marchait déjà, ça marche encore, c'est comme ça la vie faut croire ».

    Ou bien on se dit  « Ouais ça marche si on veut mais c'est pas cool cool, non ? On pourrait pas faire autrement ? »

    Ça me rappelle une histoire bien connue.

    L'histoire d'un mec appelons-le Grosmalin. Il part en randonnée. Le terrain est assez accidenté et Groma fait pas gaffe où il met les pieds, il pense à autre chose. Ou peut être à rien.

    Bref ce qui doit arriver arrive. À un moment le sol se dérobe brusquement : y avait une crevasse, un aven, une fondrière, un trou quoi. Un trou que Groma a pas vu résultat il commence à glisser au fond du. Mais comme il a un minimum de conatus bien qu'il ne soit pas spinoziste pour un sou il se raccroche à un buisson.

    Et voilà Groma suspendu au-dessus du vide. Le buisson va pas tenir très longtemps. Groma se met donc à appeler, ohé y a-t-y quelqu'un qui m'aime ici ce soir ? Pas de réponse. Une fois, deux fois. Rien.

    Enfin au troisième appel (oui c'est comme ça dans ce genre d'histoires on fait les trucs trois fois c'est dans le cahier des charges apparemment) Grosmalin entend une voix.

    - Y a-t-y quelqu'un qui m'aime ici ce soir ?

    - Oui je suis là.

    - Ah ouf. Voyez le buisson ? Je suis au bout.

    - Et à bout aussi je suppose ?

    - Euh oui mais bon vous pouvez m'aider siouplé ?

    - Yes I can.

    - M'aider maintenant je veux dire ! Genre en me tendant la main ou un alpenstock ou un bout de corde accroché à un mousqueton. Vous saisissez le concept ?

    - Pas besoin de ça avec moi. Vas-y, lâche le buisson, et t'en fais pas « J'ai donné ordre à mes anges qu'ils te portent sur leurs ailes. »

    Et là Grosmalin dit « Y a pas quelqu'un d'autre ? »

     

    Quelles réflexions peut susciter en nous cet apologue (en dehors du fait qu'il a été magistralement narré) ?

     

     

     

     

     

     

     

  • N'importe quoi (3/7)

    Revoyons le tableau final de la crise. Un mort tout à coup, c'est à dire après toute l'agitation les cris les râles tout à coup l'immobilité et le silence.

    Alors ça fait comment dire électrochoc. On s'arrête, on fait cercle autour de la victime.

    On se regarde. Tout le monde en a bien pris plein la gueule, ça saigne, ça se démantibule des rotules et des mandibules, ça grattouille ou ça chatouille.

    Conclusion s'il n'a pas le crâne en morceaux et la matière grise qui part à vau l'eau, chacun se met à tirer quelques inférences logiques :

    1) heureusement que c'est pas tombé sur moi

    2) Machin (le mort) on lui doit une fière chandelle finalement sans lui ouskon serait allé va savoir ?

    « Au même endroit, on serait tous morts tu veux que je te dise. De proche en proche, contagion de la violence mon vieux.

    - Mais alors Machin il nous a sauvés !!

    - Grave ! C'était le meilleur d'entre nous si ça se trouve …

    - Bon ben qu'est-ce qu'on fait on le divinise un peu histoire de marquer le coup ? Et on note dans l'agenda de se refaire la fiesta l'année prochaine, mais en choisissant la victime d'abord, c'est plus sûr.

    - Oui mais comment qu'on la choisit ? »

     

    Finalement ces braves gens en arrivent à la conclusion qu'il faut que la victime rituelle-arbitraire primo soit identifiable comme membre de la communauté.

    Qu'elle puisse dire si je voulais je pourrais présenter ma candidature à un rôle de votre superproduction, car sans me vanter je suis sur les listes de casting.

    Mais deuzio qu'elle ne soit pas déjà centrale dans la communauté.

    Qu'elle n'ait pas déjà occupé un rôle de premier plan ni été nominated pour la Massue de la meilleure interprétation lors du dernier FER (Festival Éclate et Rites).

    Conclusion le mieux est de la choisir « dans les catégories marginales de la société : esclaves, enfants, bétail. »

    1) Les femmes on n'en cause même pas, tellement ça va sans dire.

    2) Rien de nouveau sous le soleil. Dans les sociétés archaïques comme dans les nôtres l'histoire ne s'écrit du point du vue ni des bœufs ni des bébés ni des immigrés avec ou sans papiers et/ou contrat de travail, rémunérés au lance-pierre.

    3) Dans les sociétés archaïques je sais pas mais dans les nôtres ça paraît « naturel » aux théoriciens anthropologues (entre autres). Étonnant non ?

    Car résumons.

    Pour assurer la cohésion sociale on ritualise l'élimination d'un marginal, en clair on structure la société autour de la discrimination.

    Et pour prétendument évacuer la violence de la société, le principe sacrificiel lui donne la place la plus éminente qui soit, en sacralisant l'événement violent, en lui conférant un statut de nécessité transcendante.