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Blog - Page 309

  • Le souffle de l'écrit

    « Verba volant scripta manent »

     

    = les paroles s'envolent, les écrits restent.

    Cette maxime a d'abord une acception juridique.

    Apposer son paraphe à un écrit, un contrat, engagera chaque partie, pour faire et valoir ce que de droit. Alors qu'affirmer Mais si, Machin m'a promis que, ça le fera déjà moins.

    Passage de la culture orale à la culture écrite, une étape majeure pour les sociétés. Elle a modifié les actes de la vie quotidienne. Actes publics surtout, comme dans le domaine juridique ou commercial, mais aussi actes privés (écrire une lettre).

    Elle a chamboulé les mentalités, les modalités (et ainsi le sens) des productions culturelles, du rapport au monde, à l'espace, au temps.

    Le mythique, commencé dans l'oralité, évolue vers l'écrit, fixant les structures sociales. Devenu religieux, il prescrit rites, préceptes, énoncés dogmatiques, à respecter à la lettre

    Quant à la science (mathématique, physique, mais aussi l'histoire gagnée sur le mythe), elle n'a véritablement lieu d'être que dans et par l'écrit.

    Construire un raisonnement scientifique, par le passage de l'hypothèse à sa validation, par la collecte empirique de données, nécessite un enregistrement précis et objectif des informations. L'écrit (mots, mais aussi langage au sens large, symboles, chiffrages) est à cet égard plus sûr que l'oral (même si les biais subjectifs existent toujours).

    L'écrit trace ainsi les contours, les limites, toute la géographie d'un territoire symbolique reconfigurant le réel.

    L'écrit est quelque chose qui reste, mais non sans combiner la permanence et l'évolution. La jurisprudence vient compléter le texte de loi. Même le texte religieux admet relectures et commentaires. Exemple le corpus talmudique issu de la Bible, et la relecture toujours ouverte, maintenant le souffle du texte, sa respiration.

    À l'inverse a lieu le meurtre du texte par étouffement dans le cas de lectures fondamentalistes et totalitaires qui le fétichisent.

    Parfois par névrose disons naïve, plus souvent de façon perverse au service d'enjeux politiques, du verrouillage du pouvoir. (Exemples superflus) (remarquons à ce propos que le meurtre textuel implique celui des humains) (logique infernale).

     

    Verba volant scripta manent  m'amène aussi à une autre idée. L'écrit permet de laisser trace de sa pensée ou ses actes, de la personne qu'on a été, du mode d'être au monde qu'on pratiqué, bref de son souffle personnel, son âme.

    Or si la matière persiste (nous sommes faits des particules du big bang), l'âme s'éteint avec le souffle de vie. Mais l'écrit peut lui ménager un second souffle, une seconde vie dans la mémoire des lecteurs.

    Exegi monumentum aere perennius : j'ai construit une œuvre qui, mieux que l'airain, traversera le temps, dit Horace.

     

  • Mets de l'huile

    « Oleum perdidisti »

     

    Tu as perdu ton huile.

    Inutile de le préciser, ceci n'est pas la devise de Total, Shell ou Texaco.

    La phrase n'ornera pas non plus la carte d'une pizzeria.

    L'huile en question est celle qu'on brûle durant la nuit passée à élaborer des cogitations cartésiennes (ou pas), à noircir du papier avec des pensées fumeuses (ou pas) tandis que fume la mèche de la lampe.

    (Du coup maintenant que vous le dites rien ne s'oppose à ce que ce soit du pétrole cet oleum).

    Je dis papier mais les latins se servaient plutôt de tablettes. Sauf que les leurs étaient en cire. Pour les utiliser fallait juste un calame bien taillé et un peu d'huile de coude.

    Archaïque non ?

    C'est que ces pauvres romantiquains n'avaient pas de centrales nucléaires et autres piles au lithium.

    Insensé, non ?

    Mais faut voir que dans l'Antiquité ils étaient forcément beaucoup plus près de l'âge de pierre que nous.

    Quoique. Comment savoir ?

    Eux ils l'avaient derrière eux, l'âge de pierre. Le laps de temps écoulé était facilement évaluable. Mais pour nous l'âge de pierre est devant, dans l'avenir (après catastrophe climatique et/ou guerre nucléaire). Or la durée exacte de l'avenir est difficile à évaluer.

    C'est un problème éternel. De tout temps on en a été réduit à des conjectures sur la quantité d'avenir dont on disposait.

    Et ainsi nous sommes condamnés à ignorer à quelle distance du futur âge de pierre nous nous trouvons à l'heure où je tape ces mots.

    Quoique. Il est possible d'émettre des hypothèses plausibles (et néanmoins peu réjouissantes). Mais je m'en voudrais de casser l'ambiance.

    En fait au départ mon propos se voulait nettement positif. Genre l'idée qu'on ne perd jamais son huile quand elle sert à éclairer les lieux de pensée.

    À lubrifier les rouages neuronaux pour la réflexion, la science, la création. (Où vais-je chercher des métaphores aussi nulles ?)

    (faut croire que je me rouille)

    (c'est pas encore l'âge de pierre, mais c'est déjà l'âge de fer).

     

     

     

     

     

     

     

  • Oiseau rare

    « Rara avis in terris » 

     

    dixit Juvénal = un oiseau sur terre c'est rare (une oiseau, avis est féminin).

    N'ayant pas lu son poème je ne sais pas ce qu'il entend par là exactement. Mais ça ne m'empêche pas de vous livrer des réflexions perso (il viendra pas me chercher, là où il est ...)

    Chacun a son élément (au sens figuré j'entends) (parce que pour le reste l'être humain est en théorie adaptable partout)

    (ça va avec l'omnivoration je présume) (omnivorage ? omnivoracité ?),

    un élément non seulement de prédilection, mais hors duquel il ne peut pas être vraiment ni totalement lui-même.

    Pour s'épanouir, pour ne pas s'étioler, il faut trouver cet « élément », c'est à dire cet équilibre psycho-écologique.

    Spinoza le formule comme un rapport (au sens mathématique) entre les potentialités et besoins d'un individu, et son milieu et mode de vie.

    Si ce rapport n'est pas satisfaisant, il lui faut, dit-il, rechercher lieux, modes et compagnons de vie plus adaptés au maintien de son dynamisme vital.

    Ce rapport n'est pas à entendre uniquement en un sens matériel. Genre enracinement dans une terre, un pays. Telle occupation et pas une autre etc.

    Et surtout il s'agit juste pour chacun de trouver comment optimiser ce rapport, non de s'accrocher à tel ou tel constituant.

    Ne me faites pas dire ce que j'ai pas dit (ni d'ailleurs Spinoza), ce n'est pas forcément évident, il faut parfois longtemps pour trouver son rapport optimal. Et arriver à le mettre en œuvre.

    Un petit poisson, un petit oiseau s'aimaient d'amour tendre

    mais comment s'y prendre … (chantait Juliette Gréco).

    Ceci étant dit, lector, tu es je l'espère doué d'un esprit vraiment scientifique. Tu ne manqueras donc pas d'objecter qu'en fait rara avis in terris n'est pas tout à fait juste.

    Des oiseaux sur terre c'est pas si rare, y en a même qui enterrent leurs nids. Et que de pigeons font les cent pattes dans les jardins publics en quête de miettes, hein. Sans compter les oiseaux qui décollent jamais, genre émeus ou autruches ...

    Oui bien sûr de ce point de vue un oiseau sur terre n'est pas rare.

    Mais est-il (est-elle) encore oiseau celui qui ne déploie pas ses ailes ?