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Blog - Page 303

  • Ps 150 (2/2) Comme l'harmonie du monde

     

    Les percussions, dans leur modalité rythmique profonde, chantent un chant viscéral, battent la mesure du battement élémentaire de la vie-même.

    Une énergie vitale qui s'exprime aussi dans la danse associée au tambourin (v.4) : ce qui évoque bien sûr les transes rituelles, les corps qui scandent des gospels, les délires des Bacchantes, les derviches tourneurs.

    Tous moments d'extase, aux confins entre une extrême présence au corps et son oubli.

     

    Dans le même verset la louange passe à des instruments aux connotations inverses. Quoi de plus limpide, éthéré, que les notes de la cithare ou de la flûte ?

    Le tambour fait éclater l'être, le fait irradier dans un mouvement centrifuge. Cithare et flûte au contraire le recentrent, dans une intériorisation au climat tout nocturne.

    Dans un chant méditatif au bord du silence, et dont il semble n'être qu'une modulation.

    L'association de l'épaisseur charnelle des percussions à ces instruments dont le son a quelque chose d'immatériel compose une partition jouant sur un dynamisme de bipolarité, comme la calligraphie joue sur la combinaison des pleins et des déliés.

    Voilà qui évoque une si belle phrase de Montaigne (Essais III,13)

    Notre vie est composée, comme l'harmonie du monde, de choses contraires, aussi de divers tons, doux et âpres, aigus et plats, mols et graves. Le musicien qui n'en aimerait que les uns, que voudrait-il dire ?

     

    Et puis il y a le chofar. Il s'agit d'un cor, d'une trompe façonnée dans la corne d'un bélier. Il résonne pour marquer l'entrée dans le chabbat.

    En conclusion du livre, le ps 150 fait ainsi entendre, à travers l'harmonie de la communauté rassemblée pour chabbat, une autre harmonie, existentielle, symbolisée par la polyphonie des instruments.

    Que l'on soit tambour ou flûte, luth, cymbales ou cor, chacun chante à sa place, mais comme dans un même souffle. Le souffle lumineux qui chante le dernier verset.

     

    Reste la question du destinataire du chant : Yah, qui est-ce ?

     

     

     

     

     

     

     

  • Ps150 (1/2) Poète prends ton luth

     

    Le psaume 150 est le dernier du recueil, venant clore la série de 5 psaumes dite Grand Hallel.

    Mais si on devait n'en lire qu'un, ce serait celui-ci, car il se présente comme l'essence-même du psaume, n'ayant d'autre propos que la louange elle-même, pure et simple.

    Simple mais pas uniforme : il donne à entendre une polyphonie d'instruments des trois familles (cordes, vents, percussions) que l'anaphore louez-le appelle à se combiner, chacun selon son style.

    1 Louez Yah ! Louez El dans sa sainteté, louez-le dans le firmament de sa force !

    2 Louez-le dans ses puissances, louez-le selon son immensité !

    3 Louez-le aux impulsions du chofar, louez-le avec la harpe et la lyre !

    4 Louez-le avec le tambourin et la danse, louez-le avec la cithare et la flûte.

    5 Louez-le avec les cymbales résonnantes, louez-le avec les cymbales éclatantes.

    6 Que l'âme lumineuse tout entière loue Yah !

     

    Décidément pas si simple, hein ? Rien que les noms divins qui apparaissent ici, Yah, El, assortis de mots lourds genre sainteté, puissance ...

    Résultat va bien falloir regarder tout ça d'un peu près.

    Mais allons à l'essentiel, le plaisir de la musique et le jeu des instruments. À tout seigneur tout honneur, d'abord ceux qui sont les attributs typiques de David dans l'iconographie, les instruments par excellence du psaume.

    La harpe (nével) se jouait avec les doigts, la lyre ou luth (kinnor) avec un plectre. Sur le corps de l'instrument le réseau des cordes vibre, transmettant des ondes de sensations et sentiments au corps (et cœur) humain.

    Analogie qui fonde la magie émotionnelle de la poésie dite lyrique.

    Lyre de David consolant le roi Saül dans son humeur sombre, lyre d'Apollon le dieu et d'Orphée le magicien, oud nostalgique des chants arabes, jusqu'au while my guitar gently wheeps des Beatles.

    Bref ces instruments-là sont ceux de la louange des poètes, des mélancoliques, des amoureux.

    Poète prends ton luth et me donne un baiser ! (dit Musset bien sûr, dans ses Nuits).

     

     

     

     

     

  • Eclairer

     

    Le mot psaume vient de la traduction grecque de la Septante, psalmon. Ce mot désignait un air joué sur un instrument (à cordes) appelé psaltérion.

    En hébreu le livre s'appelle sefer tehillim, livre de louanges. Louange est un mot pas exempt de connotations gnangnan. Tehillim contient cependant une racine qui signifie luire, faire de la lumière.

    Dans les psaumes on cherchera donc une lumière, qui pourra être lucidité ou illumination, ou pourquoi pas les deux ensemble.

     

    Pour l'attribution à David, on peut repérer la consonance des thèmes et du style du livre avec la personnalité supposée du roi poète. Il y a la mélancolie. Lyrique et nostalgique, souvent âpre, violente, désespérée.

    Une mélancolie articulée dans de nombreux psaumes à la perception très moderne de l'ambivalence humaine.

    Et il y a la légèreté, la grâce.

    David a beaucoup de défauts, il est violent, mégalomane, manipulateur à l'occasion. Mais il a cette grande qualité de légèreté.

    Dans son combat contre Goliath, elle est le grand atout pour sa victoire. Goliath, tout engoncé dans son armure, croule sous le poids de ses armes. David est nu, ou quasiment, et sa fronde, plus qu'une arme, est un jouet d'enfant facile à manier, ce qui lui donne une imparable rapidité et aisance de mouvement.

    La même aisance et légèreté, la même nudité aussi, se retrouvent quand, à l'arrivée de l'arche d'alliance, il se met à danser de joie, sans souci d'y laisser sa dignité de souverain, ce que lui reproche vertement sa femme Mikal (2 Sam 6, 14-20).

    Cette légèreté fait son charme, cette sorte de grâce quasi enfantine qu'il conserve tout au long de son histoire.

     

    Comme souvent, c'est la musique, celle des instruments et celle des mots, qui vient charmer la douleur. Et davantage. Le génie des psaumes est de réaliser par le travail poétique la sublimation de la douleur, pour en faire, au même titre que la joie, un chant.

    Un chant en quelque sorte au-delà de la bénédiction ou de la malédiction. La louange des tehillim consiste à discerner une lumière de nuit comme de jour.

     

    Pour finir cette petite introduction je précise que je lis le livre des psaumes dans l'édition bilingue (hébreu/français) de Patrick Calame et Franck Lalou (Albin Michel 2001 revue 2009).