Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 302

  • Ps 121 (2/3) Ton veilleur

     

    L'homme qui lève ici les yeux vers les montagnes n'est pas au sommet de la forme ni du moral. Une menace vitale lui fait lancer le SOS D'où viendra mon aide ? Une menace non précisée ici, contrairement à d'autres psaumes.

    L'important est qu'elle va révéler en situation le visage (au moins un visage) de YHWH.

    Il est caractérisé ici non par sa puissance, sa clairvoyance, son intelligence voire sa ruse, mais par le seul fait qu'il se tienne aux côtés de cet homme.

    Mot à mot mon aide d'avec YHWH (v.2). Pas dieu là-haut ou ailleurs mais compagnon ici, une présence, un être-avec.

    Cette présence relie les deux premiers versets. Je lève les yeux vers les montagnes d'où viendra mon aide, mon aide qui provient d'avec YHWH, faisant les ciels et la terre.

    Par la construction en chiasme, montagnes renvoie à cieux et terre.

    Leur ligne accroche le regard levé du poète pour lui rappeler son inclusion dans l'ensemble du monde créé. Sa solidarité (au sens physique, mécanique) avec ces choses qui tiennent bon depuis que le monde est monde, le ciel la terre avec ses montagnes.

    Choses solidaires elles-mêmes de la présence dont elles sont l'émanation (du point de vue du texte bien sûr) (la Bible n'est pas un livre scientifique ça va sans dire) (mais mérite d'être redit à certains).

    Le développement du nom YHWH par la formule faisant les cieux et la terre est en effet un écho de la Genèse. Dans les commencements, YHWH était faisant les cieux et la terre.

    Une formule ambiguë : signifie-t-elle que YHWH agit de l'extérieur, ou qu'il forme une unité ontologique avec les cieux/terre (et tout le reste cf Gen1).

    Spinoza on le sait prendra la seconde option avec son Deus sive natura.

    Dans le psaume celui qui fait ciel et terre est là, de plain pied avec le poète. Il offre son bras de gardien comme appui à son corps en marche, de même que la ligne des montagnes offre appui à son regard.

    Un gardien qui ne dort pas, donc un veilleur, mieux : un veillant.

    En outre ton gardien est dit aussi gardien d'Israël (v.4). L'homme du psaume, posé d'emblée dans la création entière, l'humanité entière, est ici replacé dans son appartenance intermédiaire, son appartenance de proximité.

    Les membres du peuple sont amenés à jouer les uns pour les autres le rôle du gardien, à en figurer l'incarnation. Et plus largement, à être maillons d'une chaîne de solidarité universelle.

    Car on peut lire dans ce psaume entre autres choses une invitation à revenir sur la fameuse interrogation dont Caïn a cru faire son alibi après le meurtre d'Abel.

    Ce que nous verrons la prochaine fois.

  • Psaume 121 (1/3) Je lève mes yeux

    1 Poème vers les montées. Je lève mes yeux vers les montagnes.

    D'où viendra mon aide ?

    2 Mon aide vient de YHWH, qui fait les cieux et la terre.

    3 Il ne laisse pas chanceler ton pied ; il ne sommeille pas, ton gardien.

    4 Oh non, il ne sommeille ni ne dort, le gardien d'Israël.

    5 YHWH est ton gardien, YHWH est ton ombre à ta main droite.

    6 Le jour, le soleil ne te frappe pas, ni la lune la nuit.

    7 YHWH te garde de tout mal, il garde ton être.

    8 YHWH te garde quand tu sors et quand tu entres, maintenant et en éternité.

     

    Ce psaume est le deuxième de la série (120-134) dite montées (ou degrés). Série d'abord liturgique. Ces psaumes étaient chantés en procession sur les marches (degrés).

    Montées réfère aussi à un type de sacrifice (en grec holocauste) où la victime était brûlée tout entière. Elle montait donc intégralement vers le dieu sous forme de fumée.

    Si bien que ni les prêtres ni les participants n'en recevaient de part, comme dans d'autres sacrifices, qui tout autant que de supposés actes de piété envers le dieu, étaient une substantielle source de revenu pour le clergé.

     

    Le mouvement de bas en haut est en tous cas un invariant anthropologique. Qui n'aspire à s'élever de toutes les façons possibles et à tous les sens du terme ?

    Concrètement, on a tendance à se sentir mieux sur une hauteur, on y respire plus large, du fait peut être que le regard porte plus loin.

    D'ailleurs, le psaume commence ainsi : je lève mes yeux vers les montagnes. Si quelque chose monte d'abord, dans ces montées, c'est le regard du poète.

    Du bas vers le haut, on aspire aussi à l'ascension sociale, à s'élever pour être plutôt celui qui commande que celui qui obéit. Quitte d'ailleurs à en écraser quelques uns au passage.

    En haut de l'échelle sociale, je ne sais pas si on voit mieux, mais on est mieux vu, on est distingué (dirait Bourdieu).

    Au plan éthique il est parfois question de tendances dites basses. Et du coup on conçoit le bien comme domination d'un haut sur un bas, et dans la foulée un divin Très-Haut.

    Un dieu là-haut dans son ciel avec vue panoramique et imprenable sur tout, bref un omniscient.

    Bien au-dessus du plus haut de l'échelle sociale, le chef des chefs, le maître absolu, bref un omnipotent.

    Bien plus sublime que l'humain le plus éthique, pur de pur, bref l'omni-discriminant entre bien et mal.

    En est-il ainsi dans ce psaume ?

     

     

  • Au pluriel

    Difficile d'aborder un livre biblique sans se pencher sur les noms qu'il donne au divin (mais sans tomber pour autant, dans le travers d'une complexité inutile).

    Dans les psaumes on trouvera les trois noms : El (Eloha, Elohim), Adonaï, et YHWH parfois abrégé en Yah ou Yahou.

     

    El est un terme sémitique commun à plusieurs traditions (même racine que Allah), attribuant au divin une puissance (un terme qu'on sera bien sûr amené à interroger).

    Le ps 150 déploie ces connotations du nom El : firmament de force, puissances, immensité (v.1-2)

    André Chouraqui (dans l'intro à sa traduction de la Bible) ajoute que ce nom présente aussi le dieu comme celui vers qui on se tourne, à qui on aspire, car el est une préposition du sens de « vers, pour, dans la direction de ».

    Souvent dans les psaumes on trouve le pluriel, Elohim. Le monothéisme de l'ancien Israël s'établit sur fond de polythéisme, sans le détruire tout à fait (cf Psaumes « de David »).

    Faut-il voir en ce pluriel un archaïsme ? Pas sûr : le maintien dans la lettre de plusieurs faces du divin permet d'échapper à la pente qui guette le monothéisme : la perversion du religieux en totalitarisme. (Ce pluriel a aussi d'autres significations symboliques bien sûr).

     

    Adonaï signifie mon maître. Traduit en grec dans la Septante par kyrios, c'est notre mot seigneur, devenu finalement dans la vie courante monsieur.

    C'est un terme de respect, de déférence, et aussi un terme d'adresse. Adonaï est le dieu en tant que répondant de l'homme, que l'on prie, que l'on invoque, ou tout simplement à qui l'on parle.

     

    Le tétragramme YHWH (yod hé waw hé) est peut être plus énigmatique (à moins qu'il ne soit trop simple). Moïse au buisson ardent demande à la voix (qui lui enjoint d'aller au secours de son peuple esclave en Égypte) de quel nom il doit la nommer, en quel nom il doit parler.

    « Je suis/serai qui je suis/serai » est la réponse. La voix poursuit : tu diras au peuple Je suis m'a envoyé vers vous (Exode 3,14).

     

    Ce texte a été amplement commenté (sans livrer de dernier mot) (bon signe). Remarquons simplement qu'en nommant « YHWH » le locuteur pose dans le même mouvement sa propre identité.

    Autrement dit cette nomination a pour effet (si les mots ont un sens) de dissoudre la limite immanence/transcendance.

    (D'où sans doute le réflexe « religieux trop religieux » - pour paraphraser Nietzsche - de décréter ce nom trop sacré pour le prononcer ?)