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Blog - Page 314

  • Lekh haïm

    « Carpent tua poma nepotes »

     

    Jusqu'à un certain moment de sa vie, on trace son sillon, on plante ses choux et ses roses, on greffe ses arbres fruitiers, sans que nous effleure le doute : il y aura un temps pour récolter, moissonner, vendanger, cueillir.

    Une absence de doute irréaliste mais pas tout à fait absurde.

    Jusqu'à un certain moment de sa vie, on se sait mortel, mais d'un savoir qui reste abstrait. Et c'est heureux.

    Et puis on vieillit et on se dit : à quoi bon planter encore un arbre, de toute façon je ne le verrai pas pousser.

    Fais-le quand même, répond Virgile, tes petits enfants cueilleront les fruits.

    (Au passage j'ai envie de lui faire remarquer, à Virgile, qu'il est plus facile de trouver l'envie et l'énergie de planter, bêcher, arroser, tout ça, quand on est soutenu par le mécénat de Mécène)

    (mais bon je dis ça je dis rien).

     

    Tes petits enfants cueilleront les fruits

     

    À condition toutefois que les fruits de l'arbre vieillissant et vermoulu que tu es devenu ne soient pas immangeables. Pour cause de fadeur, d'amertume, de blétitude

    (oui je sais blétitude n'existe pas mais rime trop bien avec lassitude) (et décrépitude).

    À condition aussi qu'ils aient les mêmes goûts que toi (très très aléatoire).

    À condition avant tout que la vie t'en ait donné, des petits-enfants.

    Tu as cette chance. Ils sont là, poussent peu à peu leurs branches, déplient leurs premières feuilles.

    Et tu te dis l'important ce sont leurs fruits à eux. Ceux qu'ils donneront plus tard sans doute, ceux qu'ils donnent déjà, en joie, en lumière.

    L'important ce sont les fruits qu'ils sont.

     

    Alors finalement côté cueillette, le meilleur truc pour être sûr de pas se planter, oui c'est ça (le lecteur l'a vu venir) :

    Carpe diem 

    (comme disait un collègue à Virgile).

     

     

     

     

     

  • Drôles de drachmes

     

    « Timeo Danaos et dona ferentes »

     

    « Je me gaffe des Grecs, surtout s'ils se pointent avec des cadeaux ». Dixit un certain Laocoon, prêtre de Poséidon (Neptune) à Troie.

    C'est l'épisode fameux du canasson abandonné sur la plage par les Grecs, supposé être une offrande à Poséidon pour la traversée retour. Certains Troyens veulent le recycler en offrande à leurs dieux (et signe de victoire sur l'ennemi battant en retraite).

    Laocoon sent qu'il y a un truc pas net.

    On néglige son avertissement, on fait entrer le bourrin dans les murs. Mais voilà à l'intérieur y avait un commando attendant la nuit pour sortir en opération de massacre maximum (nom de code delenda Troja j'imagine).

    Ce cheval-tank fut comme on sait l'une des plus brillantes idées d'Ulysse. Lequel n'était pas la moitié d'un euh, était un vrai think-tank à lui tout seul, le mec aux mille ruses dixit la muse d'Homère.

    Ce qu'on ne pige pas par contre c'est comment ça se fait qu'à Troie ils aient pas senti venir le lézard, qu'ils aient gobé aussi sec comme un vulgaire ovum cette histoire de cadeau

    (c'était pourtant gros comme une maison, non ?) (ou la tente d'Achille, oui si vous voulez).

    Sauf Laocoon donc, qui lui n'était pas si euh, qui était un peu plus sur le coup que les autres apparemment.

    Bref massacre comme prévu, sac et incendie de Troie, mettant fin en un éclair à la guerre d'icelle.

    (Au fond toutes choses égales par ailleurs, leur cheval de Troie fut l'équivalent de la bombe d'Hiroshima).

    La suite on la connaît. Fuite d'Énée emportant son vieux papa sur son dos. Et de l'autre côté Ulysse brinquebalé dans toute la mare nostrum because la vengeance de divers dieux (qui aiment pas les mortels plus malins qu'eux).

    Bref à l'arrivée ça nous aura valu deux mises en œuvre d'errare humanum est.

    Virgile n'hésita pas des siècles après à poser son Énéide face à l'Odyssée, ad majorem populi romani gloriam, et accessoirement pour se faire bien voir de l'empereur.

    (Doué pour l'auto-promotion le mec) (en voilà un qu'aurait pas eu besoin de mécène) (le pire c'est qu'il en avait un) (on ne donne qu'aux riches) (mais on prête aux pauvres) (agios assurés).

     

    Tiens, agios : allez savoir pourquoi ça m'évoque les épopées contemporaines. En Grèce aujourd'hui pas besoin d'être la muse à Homère pour poétiser

    « Timeo Troïkam et carnetum chequorum ferentem ».

     

     

  • Horace ô désespoir

    « Ab ovo » 

    (Citation du poète Horace)

    = à partir de l'œuf. 

    Quel œuf ? Pas celui de Colomb qui parlait espagnol, italien, mais non latin (enfin si, il devait bien le parler un peu) (à l'époque ça déclinait encore pas mal).

    Cet œuf est une histoire mythologique, concernant une fois de plus les frasques de Jupiter-Zeus. Et surtout son goût de la métamorphose.

    Pour séduire la dénommée Léda, il ne trouva rien de mieux que transformer la donzelle en oiselle, plus exactement en cygne, se faisant cygne lui-même. Pourquoi cygne et pas libellule ou papillon ? Aucune idée.

    (Sauf à penser qu'il était lacanien) (ben oui faire le cygne pour faire signe) (vous me direz Zeus ne causait pas plus français ou lacanien que Colomb latin) (moi je dis on est dans la mythologie les gars, alors tout est possible).

    La preuve suite aux ébats desdits cygnes, Léda (quoique redevenue femme) pondit deux œufs (surréaliste, non?)

    De l'un éclosèrent (éclosurent ?) les jumeaux Castor et Pollux. De l'autre éclosirent les jumelles Hélène et Clytemnestre.

    Hélène ? Oui, c'est elle. The Hélène, la belle Hélène soi-même, à l'origine de la guerre de Troie. (Disent les misogynes) (faudrait plutôt regarder du côté de Pâris, non?) (lequel c'est qui a enlevé l'autre?)

     

    Bref tout ceci pour dire que le poète Horace loue son confrère Homère de n'avoir pas commencé son récit à partir de l'œuf de Léda. Autrement dit de ne pas être remonté aux calendes grecques pour expliquer la guerre de Troie.

    « Laissons les histoires de basse-cour, et filons plutôt direct au campement militaire » qu'il s'est dit le père Homère. « Après tout je suis censé narrer l'histoire d'une guerre, si je ne m'abuse, ô ma Muse ? »

    Et c'est ainsi que l'Iliade démarre logiquement non ab ovo mais ab ira, par la colère du bouillant Achille sortant fumasse de sa tente.

     

    De nos jours les fouteurs de merde et fauteurs de guerre de tout poil ont une méchante tendance à remonter ab ovo pour satisfaire leur ira. Dans chaque camp chacun va toujours dénicher un vieil œuf bien pourri pour relancer la vendetta.

    Preuve que la lecture d'Homère hélas se perd, mon pauvre Horace.