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Blog - Page 356

  • Cornélien

    « De deux maux il faut choisir le moindre. »

     

    Ah ah très drôle. C'est ce qui s'appelle avoir le mot pour rire.

    Parce que bon entre nous, lecteurs : on vous a déjà donné le choix une fois, à vous ?

     

    « Alors voilà : ici une maladie orpheline, là un bon diabète des familles. Choisis, fais-toi plaisir, c'est cadeau (du moins tant qu'à défaut de santé on a la sécu). »

    Ou bien : pour ta maison, tu préfères l'incendie ou l'inondation ?

    Ou encore : ton mec, t'aimes mieux qu'il parte avec ta meilleure amie ou avec son mari ? Ou les deux ?

    Charybde ou Scylla ? Peste ou choléra ?

     

    Inutile que je multiplie les exemples. Vous pourrez broder de votre côté ad libitum.

    Mais je ne veux pas être de mauvaise foi. Pour une fois.

    Il y a des cas, je vous le concède, où l'on a vraiment le choix. Des cas où l'on aura une véritable alternative : bouffer la patate ou bien en purée ou bien gratinée.

    Imaginons une élection présidentielle …

    Euh. Bref.

     

    De deux maux il faut choisir le moindre :

    « Un petit mal ?

    - Non merci j'ai déjà donné.

    - Mais si ! Regarde, là, le tout petit de rien du tout. Allez, pour finir la série noire ! »

     

    Car oui rappelons-le, souvent les maux arrivent groupés. Ils ont le sens du collectif.

    Eux.

    Du coup la seule chose restant à choisir ne sera guère que l'ordre dans lequel les prendre sur la gueule. Pour ce faire on tentera de les isoler, de façon à les liquider l'un après l'autre.

    Comme Horace avec les Curiaces si vous voyez.

    De deux maux il faut choisir le moins coriace.

     

    Et ensuite faut affronter, parce qu'on n'a pas le choix.

    Reste une seule liberté : choisir l'élégance de la légèreté. Euphémiser, litoter, ironiser : bref relativiser.

     

    De deux mots choisir le moindre, ça on peut toujours.

     

     

  • Publicité mensongère

    « Ventre affamé n'a pas d'oreilles. »

     

    Ah bon ? Et les berceuses aux bébés affamés ? Ça marche bien, que je sache ? ...

    Euh c'est peut être pas le meilleur exemple.

    Non mais sérieusement, je me demande bien où le sens commun a entendu une telle contre-vérité.

    Car si l'on raisonne en bonne dialectique (cf ce blog 8-01-17)

     

    1)(Verre à moitié vide)

    C'est évident que la faim aiguise les perceptions.

    Ventre affamé a non seulement des oreilles, mais aussi des yeux, un nez. Tous les sens entrent en éveil dès que la faim s'installe.

    Vieil héritage de nos ancêtres chasseurs cueilleurs sans doute.

    Dans le terrain hostile du supermarché il se réactualise pour notre survie. Traquer la viande du descendant d'urus qui se camoufle sous film plastique, harponner le filet de poisson surgelé tapi au fond du bac. Repérer les zones propices à la cueillette de café par paquets, ainsi que celles où sont parqués les troupeaux de bricks à traire.

     

    2)(Verre toujours pas plein)

    Faudrait déjà s'entendre sur les mots, être logique et cohérent.

    Rapprochons ce proverbe de l'expression « avoir l'estomac dans les talons ». Qu'est-ce qu'on en déduit ?

    Ventre affamé = estomac dans les talons = place libérée pour les oreilles.

    Et donc ventre affamé a forcément de grandes oreilles (voire aussi une gorge profonde). CQFD.

     

    3)(Synthèse hégélienne rendant compte du travail de l'Esprit dans l'Histoire)

    C'est pourquoi il est déconseillé d'aller faire ses courses quand on a faim. On en a tous fait l'expérience.

    On est alors prêt à gober, inondant nos oreilles captives de consommateur, toutes les sommations à l'achat intempestif concoctées par les officines publicitaires.

     

    Conclusion. Ventre affamé a des oreilles, et aurait souvent intérêt à se les boucher.

     

     

     

     

  • A bout de souffle

     

    « Qui sème le vent récolte la tempête. »

     

    Là je n'ai qu'un mot : respect. Proverbeuses, proverbeurs, en vérité je vous le dis, rarement vous avez atteint à un telle poésie.

    Quelle métaphore épique. Digne des meilleures envolées hugoliennes. De Rimbaud l'homme aux semelles de vent.

    Vent de tempête.

    Non pas zéphyr printanier caressant le blé en herbe,

    ni légère brise venant alléger la touffeur estivale,

    mais bise hivernale aigre et radoteuse, dans son procès incessant avec les volets,

    en rafales rageuses, tramontane hystérique,

    à vous rendre fada, mistral délirant.

     

    Oui, ce proverbe a un immense pouvoir poétique.

    « Le vent qui souffle à travers la montagne m'a rendu fou. »

    Mais a-t-il raison ? (Le proverbe, parce que pour Hugo c'est sûr, un poète a toujours raison).

     

    Hors accro du cerf-volant, passionné de voile ou chargé du secteur éolien pour la transition vers les énergies renouvelables, peut être suis-je paranoïaque, mais je ne vois pas quelqu'un s'employer à semer le vent avec des intentions totalement pures.

    Sachant que tout vent est tempête potentielle (comme l'incendie est dans la flamme, l'inondation dans l'eau, le séisme dans la terre), nul semeur de vent ne peut ignorer les dégâts éventuels de son acte.

    À moins qu'il ne soit totalement stupide.

    Ou vraiment cynique.

    En tous cas aprèsmoiledélugiste.

    Car il sème le vent, mais est-il pour autant prêt à assumer la tempête ? Ben non.

    Eh oh, y a pas écrit kamikaze, hein ? Une fois son vent semé, il courra aussi sec se planquer à l'abri.

    De façon à ce que ce soient les autres et pas lui qui se prennent en pleine poire les tuiles et les pots de géranium.

    Autrement dit qui sème le vent (hors accro du cerf-volant etc.) est un méchant hypocrite, trouillard et irresponsable.

     

    Qui sème le vent, autant dire que c'est pas l'esprit de générosité spinoziste qui l'étouffe.