Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 357

  • "Vérité en deçà"

     

    « Toute vérité n'est pas bonne à dire. »

     Je m'inscris en faux. Toute vérité est bonne à dire. Mais pas à n'importe qui ni n'importe comment.

    Oui c'est exactement comme l'humour. D'ailleurs ...

     

    « Faudrait pas d'abord répondre à la question qu'est-ce que la vérité ? » demandera le lecteur avide de philosopher.

    Réponse : non.

    « Et pourquoi pas ? »

    Un proverbe ne se pose pas ce genre de questions. Ni aucune question à vrai dire. Le proverbe ignore superbement la forme interrogative. Il fait dans l'assertion sans nuances, l'affirmation massive autant que gratuite.

    Alors pourquoi être plus royaliste que le roi ? Comme on dit.

    « Oui mais » ergotera le lecteur toujours autant de philosopher avide « maintenant qu'on est en démocratie ? »

    OK. Rien à redire . Philosophons donc à vide, puisque c'est notre droit de l'homme.

     

    « Toute vérité n'est pas bonne à dire » ne se complète pas nécessairement de « alors on ferme sa gueule », comme si ...

    « Ah quand même ! » s'immiscera encore le lecteur avec un brin de satisfaction.

    Comme s'il n'y avait qu'une vérité. Mais si on dit « Toute vérité n'est pas bonne à dire. Mais y en a des que si », on développe l'idée implicite que la vérité est multiforme, plurielle, relative.

    Il y a des vérités. Quatre parfois, souvent bien plus.

     

    Et du coup, (pense ce proverbe) on peut hésiter à les balancer. Vu que la vérité de l'un ne sera pas celle de l'autre.

    Celui à qui je dis ce que je pense être une vérité ne l'entendra pas toujours, de même que je resterai souvent sourde à sa vérité à lui. Car la vérité est dans le mi-dire (dixit Lacan).

    Traduction : hors d'un rancard des interlocuteurs en terrain symbolique neutre, aucune vérité se pointera non plus.

     

    Depuis ce no man's land, donc, je m'inscris en faux contre ce proverbe. Toute vérité est bonne à dire. Voilà.

    1) Pas forcément toute au sens d'entièrement. Ni toute d'un coup. On peut laisser du temps au temps. Laisser du mou, du flou pourquoi pas. Laisser entendre, suggérer, plutôt qu'asséner.

    2) Toute réponse ou réaction doit être entendue comme une autre vérité potentielle. Ce qui n'empêche pas de poursuivre le débat. Au contraire.

    3) Même si elle est difficile à dire, même si elle a du mal à passer (dans la bouche qui la dit, l'oreille qui l'entend), une vérité ne fera jamais autant de dégâts que le non-dit.

     

  • Ceinture et bretelles

    « Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée »

     

    Mais un peu de doré évite de se serrer la ceinture, non ?

     

    Sans compter que la bonne renommée accompagne plus souvent le doré que le désargenté.

    Car la renommée, comme tant de choses en ce bas monde, ça s'achète. Moyennant des conseillers en renommée.

    Vous savez, ces gens qui associent la réussite d'une vie à une montre dorée.

    « Montre dorée vaut ceinture de sécurité », répètent-ils à l'envi.

     

    Brillance de la renommée, doré de la ceinture : n'est-ce pas la même logique de l'apparence, deux façons pas si différentes d'en mettre plein la vue ?

    Oui d'accord, j'imagine que le proverbe entend sans doute bonne renommée dans un sens éthique.

    Il ne s'agirait pas d'impressionner, mais juste d'être respecté.

     

    Sauf que les proverbes après tout sont des paroles comme les autres : ils ne disent pas toujours (ou pas seulement) ce qu'ils pensent dire.

    Comme dit un vieux dicton en Lacanie « l'inconscient est structuré comme un langage ».

     

    Tiens, puisqu'on en parle, savez-vous que Lacan ne portait pas de ceinture, mais des bretelles ? La preuve :

    « Je-Moi-Même Jacques a dit : Dans le cadre doré du Stade du Miroir, bonne renommée vaut mieux que bretelles remontées. » (Séminaire XXL)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • TTC

    « Abondance de biens ne nuit pas. »

     

    Ici le bon sens est de bon aloi. Je dirais même plus il parle d'or.

    Il parle cash. Ne se paye pas de mots. Dit les choses tout net.

     

    « Oui mais gérer ses biens c'est de la prise de tête, envisager leur perte c'est de l'angoisse », dira le lecteur qui aime à se faire l'avocat du diable. Donc ici du riche.

    Soit, je mets ce louable effort à son crédit. Mais c'est compter sans mon répondant. Car l'on peut ajouter bien des choses en somme.

    Aux maux du riche les remèdes sont simples. Abondance de biens lui permet de payer quelqu'un pour se prendre la tête à sa place, et de souscrire les assurances qui le prémuniront de l'angoisse.

    Abondance de biens ne nuit donc pas. Mais l'inverse ?

     

    Manque de biens nuit. Clairement.

    Je dirais même plus : manque de biens insomnie.

     

    « Oui mais dans la fable du savetier et du financier, c'est quand il s'enrichit que le mec devient insomniaque », poursuivra le lecteur qui ne lâche pas si facilement le morceau.

    « Ils sont trop verts et bons pour des goujats » ça vous dit quelque chose ?

    La vérité coule de source : La Fontaine se paye de mots. (Magnifiquement écrits d'accord mais c'est pas la question).

    On le comprend, c'est une bonne solution quand on n'accède pas à la fortune qu'on voudrait. « Pactole je ne boirai pas de ton eau. » Ça vous a un certain panaché … euh panache.

    Savoir écrire et convertir ses maux en mots est un luxe qui n'est pas donné à tout le monde. Mais est-ce une raison, mon vieux La Fontaine, pour nous fourguer des morales en monnaie de singe ?

     

    Donc oui : abondance de biens ne nuit pas. Je maintiens.

    Bon, je peux aller jusqu'à : « Un peu de biens c'est déjà pas mal ».

    Mais je vous le ferai pas à moins : j'ai mes frais figurez-vous.