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Blog - Page 393

  • Xénophobie

     

    La xénophobie n'est pas ce qu'on croit. Pas la peur haineuse de l'étranger qu'énonce au premier abord son étymologie.

    Peur haineuse, certainement, mais de l'étranger il faut y regarder de plus près.

    - Ach Ich conseille d'y regarder mit mein Konzept von « Unheimlich ».

    - Mais votre Konzept, Sigmund, il prend les choses dans l'autre sens, non ? Le familier qui se fait étrange ...

    - Ja ja, aber du coup forcément ça marche dans les deux sens, es gibt eine Reversibilität, vous le sehen bien quand même ?

    - Ce qui peut inquiéter dans l'étranger ne serait pas qu'il soit radicalement autre, mais qu'au contraire il soit assez proche du heimlich, du familier, pour s'y insérer, mais avec une sorte de fêlure, de dissonance ?

    - Richtig ! Et c'est ce qui amène le Mekanismus du narcissisme des petites différences.

    - OK mais sans vous vexer pour l'instant je vais regarder le mécanisme tel que Spinoza le présente dans la partie 3 de l'Éthique.

    Ja ja es ist pas du tout kontradiktoire.

     

    Le premier rouage de la mécanique xénophobique se met en place avec une sorte de tic, de réflexe : l'imitation des affects.

    « De ce que nous imaginons une chose semblable à nous, et que nous n'avons poursuivie d'aucun affect, affectée d'un certain affect, nous sommes par là même affectés d'un affect semblable.» (Éthique prop 27 Partie 3)

    Beaucoup d'affect, hein ? C'est que Spinoza n'a pas peur des répétitions (logique quand on cherche juste le mot juste).

    1) « Nous imaginons » = nous avons l'image, s'imposant à la conscience.

    2) « que nous n'avons poursuivie d'aucun affect » = a priori indifférente.

    L'image se présente donc sans motivation mais avec évidence : un flash d'affect, « rien d'autre que le Désir d'une certaine chose qu'engendre en nous le fait que nous imaginons que d'autres, semblables à nous, ont le même désir. » (scolie prop 27)

     

    Deuxième rouage de la mécanique

    « chacun aspire par nature à ce que les autres vivent selon son propre tempérament, et tous y aspirant de pair, ils se font obstacle de pair, et tous voulant être loués c'est à dire aimés de tous, ils se haïssent les uns les autres. » (scolie prop 31)

    Le mot clé dans cette remarquable formulation de la rivalité mimétique est « pair ».

    (Par en latin = égal, semblable)

     

    Ce qui rend chacun passible de xénophobie n'est pas l'altérité de l'autre. Ce qui gêne dans l'étranger c'est bien au contraire qu'il joue dans la même catégorie.

    Et si l'on cherche à le disqualifier, à l'exclure de la partie, ce sera dans l'exacte mesure et dans les domaines précis où l'on doute de soi-même.

     

     

  • Week-end à La Haye

     

    Spinoza était avant tout un bosseur. Ainsi que nous le rapporte Colerus (cf Araignée) il passait le plus clair de son temps enfermé dans sa chambre pour réfléchir, correspondre avec quelques penseurs de sa connaissance, écrire ses livres et polir ses lentilles.

    Mais de temps en temps il savait prendre du bon temps, sacrifier à la détente et profiter de ses RTT (Ras l' bol Toutes c'Théories). Colerus, encore lui, nous le montre ainsi, le soir au coin du feu, fumant sa pipe et devisant avec ses logeurs. Mais il n'en dit pas plus.

    Si bien que pour préciser cette essentielle question des loisirs spinozistes, je me suis plongée une fois encore dans la documentation compilée par Colera (cf Questionnaire d'embauche).

    Elle apporte des informations déterminantes. Ainsi, dans les soirées au coin du feu, non content de fumer sa pipe, Spinoza sirotait un bon whisky envoyé de Londres par son ami Henry Oldenburg (cf sa correspondance avec lui).

    Lequel en outre l'avait initié au whist. Et à son tour il s'employa à transmettre à ses logeurs bataves toutes les finesses de ce jeu anglo saxon. C'est ainsi qu'à l'époque des Lumières le savoir circulait, les différentes cultures se fécondaient mutuellement.

    Côté écrans, il préférait celui de son ordinateur à celui de la télé ou du cinéma.

    « L'humilité du Sage le conduit à éviter de faire son Ciné. De même il sait déceler l'attrape-conatus dans la Télé-Réalité, laquelle est à la Réalité ce qu'est le Sondage à la Vérité. » (L'autre vie de Spinoza par Colera, inédit).

    Il circulait sur la grande toile du web avec un appétit d'araignée. Il appréciait de pouvoir y échanger avec ses amis de la République des Idées, leur communiquer si aisément ses découvertes et raisonnements en pièces jointes.

    Et cela quasiment en même temps qu'il les pensait, c'est à dire peu ou prou à la vitesse de la lumière.

    Colera a ainsi archivé une série de fichiers, parmi lesquels un des plus intéressants est le premier jet de l'Éthique sous forme de quelque deux-cents tweets.

    Il explique apprécier cette forme pour sa concision, et y voir une « quintessence du mode géométrique » (cf Colera op. cit.). On voit que le projet final doit beaucoup à cette première intuition.

    Mais ce qu'il préférait encore faire, c'était flâner en toute AISI dans le port d'Amsterdam avec à son bras Melle Vanden Ende, Frida. C'était le petit nom de la donzelle nous apprend Colera, qui ajoute qu'elle était belle comme un soleil et qu'elle l'aimait pareil que lui aimait Frida.

    En réalité pas tout à fait pareil comme on sait (cf Bible). Cette douce joie ne lui fut donc donnée qu'un temps très bref. Cependant, à La Haye où il passa le reste de sa vie, elle ne cessa jamais d'illuminer son cœur et ses week-ends.

    Car ces brefs instants d'amour s'étaient inscrits en lui sous un certain aspect d'éternité.

    Du moins c'est ce que prétend Colera. Vous savez comment sont les femmes, à tout voir par le prisme du sentimentalisme.

     

     

  • Vertueux (cercle)

     

    « Par vertu et puissance, j'entends la même chose, c'est à dire la vertu est l'essence même ou nature de l'homme en tant qu'il a le pouvoir de produire certains effets qui peuvent se comprendre par les seules lois de sa nature.»

    (Ethique définition 8 Partie 4)

     

    « Se rapprocher du modèle de la nature humaine que nous nous proposons » OK mais comment nous faire avec certitude une honnête proposition, disions-nous la dernière fois.

    La réponse est ici :

    1) un modèle de la nature humaine ne peut se concevoir hors des lois de cette nature, c'est à dire hors des lois de la nature en général.

    2) les effets produits par ces lois sont les critères dont on dispose pour la modélisation recherchée.

    Autrement dit Spinoza entend le mot vertu d'abord au sens propre, celui qui fera dire par exemple : le tilleul a des vertus apaisantes.

     

    L'éthique fonctionne par la vertu en ce sens et en ce seul sens, pour la bonne raison que l'éthique est un agir et rien d'autre. L'éthique est une question de puissance effective.

    C'est pourquoi la certitude sur laquelle nous nous interrogions n'est pas seulement un savoir, ni même exactement un discernement, mais avant tout une résolution.

    « Le choix éthique n'est pas choisir entre vouloir le bien ou vouloir le mal, c'est de choisir le vouloir ». C'est ainsi que le dira à sa façon Kierkegaard.

    Et Nietzsche posera aussi comme chemin éthique la Wille zur Macht. Mettons qu'on en garde la traduction habituelle de « volonté de puissance », à condition de noter que le mot Macht vient du verbe machen = faire.

    Un vouloir qui ait des effets.

     

    "Par vertu et puissance j'entends la même chose", et c'est bien pourquoi :

    « Plus chacun s'efforce de rechercher son utile, c'est à dire de conserver son être, et le peut, plus il est doté de vertu ; et au contraire en tant que chacun néglige son utile, c'est à dire de conserver son être, en cela il est impuissant. » (prop 20 Partie 4)

    C'est donc sur un cercle vertueux qu'ouvre la "sauvegarde de son être", c'est à dire l'inscription de son caractère propre dans la seule logique de la vie.

    Cercle vertueux, mouvement de réversibilité continuelle entre AISI (adhésion à soi, contraire du faux self) et AID (amour "intellectuel" de "Dieu", force de liaison au mouvement de la vie).

    (cf pour AISI Humilité ambitieuse et pour AID Troisième type)

     

    Un cercle vertueux ainsi formulé dans la proposition finale du livre :

    « La béatitude n'est pas la récompense de la vertu mais la vertu même ; et ce n'est pas parce que nous réprimons les désirs in-sensés que nous jouissons d'elle, c'est au contraire parce que nous jouissons d'elle que nous réprimons les désirs in-sensés. »

    (Partie 5 proposition 42)