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Blog - Page 398

  • Obligés

     

    Ethique 

    Partie 4 : De la servitude humaine, autrement dit de la force des affects, Appendice (chap 10 à 13)

     

    « En tant que l'Envie ou un affect de Haine les porte les uns contre les autres, les hommes sont en cela contraires les uns aux autres, et par conséquent sont d'autant plus à redouter que leur puissance l'emporte sur celle des autres individus = composantes ) de la nature.

     

    Les esprits cependant ne se vainquent pas par les armes, mais par l'Amour et la Générosité. (cf Générosité bien ordonnée)

     

    Il est avant tout utile aux hommes de se joindre par des comportements communs, et de s'enchaîner mutuellement de liens par lesquels ils fassent d'eux tous un seul plus apte, et de se mettre, absolument, au service du renforcement des amitiés.

     

    Mais il y faut de l'art et de la vigilance. Les hommes sont divers (car rares sont ceux qui vivent selon ce que la raison prescrit) et de fait la plupart sont envieux, et plus enclins à la vengeance qu'à la Miséricorde. Et donc avec chacun d'eux être soi-même et se retenir d'imiter leurs affects demande une singulière puissance de l'esprit.

    Et ceux qui, au contraire s'entendent à déchirer les hommes, à réprouver les vices plutôt qu'à enseigner les vertus, et à briser les esprits des hommes au lieu de les affermir, ceux-là se pénalisent eux-mêmes et pénalisent les autres ;

    et c'est ainsi que beaucoup, l'esprit débordé et dans un faux zèle de religion, préfèrent vivre parmi des brutes plutôt que parmi les hommes ;

    on dirait des enfants ou des adolescents qui n'ayant pas le bon sens de supporter les réprimandes de leurs parents, voient un refuge dans une obéissance militaire, préfèrent les inconvénients de la guerre et la domination d'un tyran au confort d'un chez-soi et à l'éducation d'un père, et supportent qu'on leur impose n'importe quel fardeau, pourvu qu'ils se vengent de leurs parents. »

    Baruch Spinoza

     

     

     

     

     

     

  • Ni ni

     

    « Cet Étant éternel et infini que nous appelons Dieu, autrement dit la Nature »

    (Préface Partie 4 de l'Éthique)

     

    Le rapprochement Dieu/Nature a parfois suscité le réflexe lexico-pavlovien de coller l'étiquette « panthéisme » sur la pensée de Spinoza. Simpliste, non ?

    Absurde, surtout. Spinoza était un type conséquent dans sa lucidité : il ne se serait pas escrimé à dissoudre l'image monothéiste pour diffracter ensuite le divin dans un kaléidoscope.

     

    D'accord le panthéisme a ses atouts. C'est mimi et poétique, a priori plus inoffensif que le monothéisme (qui induit logiquement une pensée totalisante et exclusive).

    Mais cela n'empêche qu'il participe du même tropisme de transcendance. Le panthéisme est transcendance camouflée, comme infusée à l'intérieur du réel.

     

    Pour Spinoza c'est kif kif, auquel répond son ni ni. Ni Dieu-Maître, ni non plus « nixe nicette aux cheveux verts et naine ». (C'est d'Apollinaire : joli, non ?)

    Sa nature à lui, estampillée DSN, est pure et simple, par-faite dit-il. Porteuse par elle-même et elle seule de la potentialité de se réaliser.

    L'occasion de vous seriner une fois de plus ma citation-fétiche « Par réalité et perfection j'entends la même chose ». (P2 définition 6, reprise dans l'appendice P4).

    DSN est donc sans « arrière-monde », comme dirait Nietzsche, qu'on situe ledit arrière-monde au-delà ou en dedans. Mais précisons encore.

     

    La nature estampillée DSN n'est pas à identifier aux choses de la nature, fleurs, petits oiseaux, gros poissons, araignées, mammifères humains ou pas, graminées, volcans, fleuves. Ni même étoiles, trous noirs, cellules, atomes, quarks, voire boson de Higgs.

    Elle inclut tout cela, incluant tout le réel réalisé. Mais le terme désigne aussi bien les lois physiques de la matière, du mouvement, de l'énergie.

    C'est une « fonction nature-espace-temps », en permanente potentialité de réaliser du réel.

     

    En conclusion je dirai que Spinoza ne voit pas d'incompatibilité entre les points de vue d'Albert Einstein et de Nicolas Hulot. (Ici pas de ni ni)

     

    Remarquons cependant qu'il voit plutôt les choses à la façon d'Einstein.

    Nobody's perfect.

     

     

     

     

     

  • Nature

     

    « Nous avons montré, dans l'Appendice de la Première Partie, que la Nature n'agit pas en vue d'une fin ; car cet Étant éternel et infini que nous appelons Dieu, autrement dit la Nature, agit avec la même nécessité par laquelle il existe. »

    La préface de la partie 4 de l'Éthique est un grand moment du livre (tout comme l'Appendice P1 mentionné). Un grand moment de la philosophie, et un grand moment tout court.

    On y est emporté par un raisonnement rapide et puissant comme le cours d'un grand fleuve. Un raisonnement tout simplement beau, de cette beauté fortement architecturée et subtilement ouvragée à la fois qui est celle de l'ouverture d'un opéra de Mozart. (Pour prendre un exemple raccord côté génie).

     

    « Dieu autrement dit la Nature » Deus sive Natura : trois mots qui ont fait couler pas mal d'encre et de salive.

    Déjà séparément chacun des deux poids-lourds, Dieu et Nature, a pu en compter des océans à son actif, dans plein de livres philosophiques ou pas. Dans plein de lieux, communs ou pas.

    Des mots qui ont fait couler aussi d'autres liquides disons moins anodins, sueur, sang.

    Mais dans l'Éthique c'est la collision des deux qui a suscité commentaires & interprétations. Le petit mot-cheville « sive » (= ou bien, autrement dit) y joue la vedette.

    Rôle rare pour un mot de sa catégorie : conjonctions, prépositions et autres outils qu'on emploie sans y prêter grande attention. Et qui pourtant portent parfois, comme ici, l'essentiel du propos.

    « Autrement dit » marque l'identité des deux notions, puisqu'elles peuvent être nommées par l'un ou l'autre mot indifféremment. Quoique.

    Plutôt qu'identité qui considère un rapport entre essences, il s'agit d'identification. Car si DSN (deussivenatura) « agit par la même nécessité par laquelle il existe », cela signifie

    1) DSN n'a d'existence que dans un processus, une dynamique. « L'existence de Dieu et son essence sont une seule même chose. » (Partie 1 prop 20)

    2) Il s'agit d'un déploiement sans fin, aux deux sens. Comme Bayard est sans peur et sans reproche, DSN est sans terme et sans plan/projet préexistant.

    3) Il n'y a donc personne aux commandes, un créateur, un démiurge ou quoi que ce soit, qui serait occupé à tout superviser ou providentialiser depuis un PC extérieur au réel. Rien d'autre n'est que ce qui est en réalisation dans le processus d'existence.

     

    C'est ainsi que Spinoza dissout la distinction immanence/transcendance.

    En d'autres termes, « Dieu » est soluble dans l'existant « Nature ». Ce qui est tout simplement l'expérience pratique.

    Si on boit un café sucré, on ne boit pas sucre d'un côté et café de l'autre. Cela dit y a ceux qui sucrent et ceux qui sucrent pas.

    Y en a aussi qui édulcorent à l'aspartame, ce qui complique la question je vous l'accorde. (Pour moi ni sucre ni sucrette mais du lait SVP).