Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le blog d'Ariane Beth - Page 218

  • Toc toc

    Je voudrais que le lecteur, la lectrice, saluassent ici ma déontologie d'auteur, qui n'a d'égale que mon absence de flemme.

    Pour le T de cet abécédaire d'onomatopées, j'aurais pu choisir tchou-tchou, en écrivant juste « voir ronron », et hop le tour était joué. Ou, autre facilité à peine moins indécente, passer de tchou-tchou à tut-tut.

    Mais non, je suis pas comme ça. J'ai beau produire une série récréative, je m'en voudrais de ne pas sérier sérieusement. M'autoriser l'a-peu-près sous prétexte que c'est rien que des onomatopées ?

    Autrement dit les traiter en citoyennes de seconde zone dans l'espace sémantique ? J'aurais honte de me rendre coupable d'une telle injustice, fût-elle linguistique.

     

    Toc-toc donc. Frapper à la porte est très différent d'appuyer sur la sonnette.

    Sonner est se signaler à la porte de manière neutre, voire administrative. Mais frapper complexifie le message.

    Un toc-toc léger annoncera un plus ou moins familier : le voisin, le frère ou si ce n'est le frère la sœur, la chérie (qui a encore oublié sa clé, cette étourdie).

    « Toc-toc.

    Qui frappe ?

    C'est moi Mère-Grand, votre Petit Chaperon rouge.

    Entre donc, mon enfant ... »

     

    Le toc-toc appuyé, et réitéré dans la foulée, est un truc de contournement de la sonnette. Tapi derrière la porte, quelqu'un qui pour s'immiscer dans votre intérieur feint d'être un familier.

    Avec de probables intentions commerciales, démarcheuses, quêtrices, enquêtrices, que la brutalité impatiente de son toc-toc trahissent.

     

    Il fut un temps où l'on grattait à la porte au lieu de frapper. Je préfère qu'il n'en soit plus ainsi : j'aurais toujours peur que derrière ma porte guette un rat, un loup-garou, une sorcière aux ongles crochus, un virus tout hérissé …

    Quoi phobique ?

     

  • Swift

    « Swift ? Swift ? Mais c'est pas une onomatopée, ça ! » ouis-je d'ici s'insurger le lecteur, s'indigner la lectrice.

     

    Certes il s'agit je sais bien comme toi, lecteur-trice, d'un immense écrivain (non je ne dis pas que tu es un immense écrivain – quoique. Je n'en exclus pas la possibilité).

     

    Mais juste je trouve que quand même son nom : Swift, Jonathan Swift, sonne a little bit onomatopic, ne sonne-t-il pas ?

     

    Sans compter les indices de sa connivence innée avec l'onomatopée dans ses Voyages de Gulliver.

    Brobdingnag Glubbdubdrib Luggnagg Houynhhnms ... 

    Indiscutablement onomatopéïen, et même onomatopéïen option borborygmique, non ?

     

    Mais y réfléchissant je m'avise que Swift n'est pas le seul à porter un nom-onomatopée.

    Exemple (je dis les premiers qui me viennent) Björn Borg, Björk, Kierkegaard, Klaus Kinski, Kokochka : voilà qui flirte avec l'onomatopée, je trouve.

     

    Tiens, m'avisant plus avant, que constaté-je à l'instant ? Ce sont toutes là personnes de grand talent, voire des génies dans leur domaine.

    Y a-t-il un lien, où est la poule où est l'oeuf ?

    Qui sait si un nom-onomatopée ne vous confère pas de facto le talent qui va avec ?

     

    (J'aurais dû y penser pour mon pseudo).

     

  • Ronron

    Le dormeur comme le chat font plutôt Rrr rrr à mon sens. Ou à la rigueur Rrrheuhh rrheuhh.

     

    Néanmoins ronron est une réussite de la littérature onomatopéïenne. Ronron ajoute au ronflement une notion de rondeur, notion rassurante s'il en est.

    Il amène l'évocation subliminale du bébé repu contre le sein de sa nourrice Fais dodo Colas mon p'tit frère fais dodo t'auras du lolo.

    Il évoque aussi le chat couché dans son panier, patte en rond petit patapon.

     

    Il nous transporte même dans un tableau flamand. La jeune fille assoupie de Vermeer par exemple.

    La scène a tant d'évidence que l'on a l'impression de sentir l'odeur d'encaustique des meubles, d'entendre un tic-tac de pendule. On pourrait, si l'on avançait la main, toucher le damassé de la nappe à demi repliée sur la table. (Après le repas, la jeune fille s'est laissée aller à la somnolence : « la nappe peut bien attendre un peu »).

    Magnifique célébration de l'humble beauté de la banalité, de la paix infuse dans le quotidien.

     

    À propos de quotidien, ronron est parfois synonyme de traintrain. C'est vrai qu'on pourrait y voir une certaine logique. Le ronfleur émet bel et bien un son assez proche du tchou-tchou d'une locomotive bourrée de charbon.

    Genre Gabin dans la Bête humaine.

    Quoique. Avec le TGV tintin pour le tchoutchou.

     

    Non allez ne pas perdre une occasion de s'instruire. Que dit du traintrain l'ami Robert ?

    « Traintrain : fin 18°. altération de trantran 'son du cor' (1561 onomatopée) sous l'influence de train (allure).

    Marche régulière sans imprévu ».

     

    Le rapport entre son du cor et marche régulière ? La chasse, la campagne militaire ? Voilà c'est tout Robert ça.

    On croit y trouver une réponse, et paf, une avalanche de questions vous tombe dessus.

    Sans crier gare.