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Le blog d'Ariane Beth - Page 221

  • Hihan

    Autant que je me souvienne, le premier livre que j'ai lu toute seule en entier fut Les Malheurs de Sophie. Un grand livre cartonné, avec sur la couverture des couleurs vives, du doré, une Sophie échevelée et débraillée.

    J'avais marché à fond, détesté la méchante Fichini, et presque autant M. de Réan le père de Sophie, apparemment enclin à regarder ailleurs.

     

    Lorsque j'ai lu, guère après, Mémoires d'un âne, mon appréciation a été plus mitigée. Même à mon âge encore tendre, je voyais qu'il y avait trop de gnangnan dans les hihans (ou hi-han les deux pluriels sont possibles dit Robert) (ne pas perdre une occasion de s'instruire, disait Mme de Fleurville à ses petites filles modèles).

     

    Pourtant, je trouvais étonnant, vraiment inventif (je n'avais pas ce mot-là bien sûr, mais je le ressentais) de raconter l'histoire du point de vue de l'animal. Moi qui passais des heures dans le jardin de mes grands parents à observer les fourmis, je n'avais pas eu l'idée de les faire parler, de voir le monde à leur façon.

    Du coup après j'ai essayé, ce qui m'a amenée à la conviction que ma place de petite fille, malgré quelques légers inconvénients (du genre finir sa viande ou être obligée de faire la sieste), n'était pas si mauvaise.

     

    Plus tard, sortant de l'enfance, j'ai constaté qu'ils ne sont pas rares, les ânes qui racontent des histoires pour faire voir le monde à leur façon.

    Des ânes nettement moins sympathiques que Cadichon.

     

    (Cadichon franchement Sophie Rostopchine ! Cette rime avec cornichon …)

     

  • Glouglou

    « 1 Bruit que fait un liquide qui coule dans un conduit, hors d'un récipient, etc. »

     

    Le bruit d'un liquide qui coule, quoi. Ça suffisait comme définition, Robert. Là tu as mis le doigt dans un engrenage.

    Parce que si tu dis hors d'un récipient, faut dire aussi quand on le verse dans le récipient. Si tu dis dans un conduit faut dire aussi dans une canalisation, hors d'un robinet, dans une gouttière et hors d'une gouttière.

    Sans omettre le glouglou dans la gorge de qui boit à la régalade.

    Bref du coup forcément tu t'es senti obligé de couper court avec « etc. »

     

    L'ennui c'est que « etc. », tu le sais comme moi, Robert, ça jette toujours un doute : ne serait-ce pas, comme dirait Spinoza*, l'asile de l'ignorance ?

    « Alors voyons, faudrait deux trois autres exemples de glouglous ... euh je sèche ... allez zou je vais dire etc. et basta. »

     

    « 2 Cri du dindon, de la dinde. »

     

    D'accord je ne suis pas ornithologue, mais tout laisse à penser que les deux ont le même cri.

    Est-ce un souci de parité qui pousse Robert à donner cette précision inutile ?

    Ou, plus perfidement, l'envie d'adjoindre au péjoratif dindon la non moins péjorative dinde ? Genre « y a pas de raisons que les meufs s'en tirent mieux que nous, hein ? »

     

    Quoique. Le même cri, pas si sûr. Si, comme on l'a vu (cf ding dong), une sonnette sonne différemment en mode mâle et en mode femelle, pourquoi pas un dindon ?

     

     

     

    *« et c'est ainsi, de proche en proche, qu'ils ne cesseront de demander les causes des causes, jusqu'à ce que tu te réfugies dans la volonté de Dieu, c'est à dire l'asile de l'ignorance.»

    (Éthique Appendice de la partie 1)

     

     

  • Flonflon

    « v.1660. Vx. Refrain. Mod. Au plur. Accords bruyants de certains morceaux de musique populaire. Les flonflons du bal. »

     

    Côté précision Robert nous a habitués à mieux, non ?

    1) Le concept de bruyant déjà. En rigueur de termes, toute musique n'est-elle pas du bruit ? (en sa partie son naturellement) (je n'ignore pas que, comme dit Mozart, la musique s'écrit sur du silence, et que par conséquent toute musique est dialogue du silence et du son).

    En fait quand on dit bruyant on veut dire « là on est déjà dans du gros bruit ». Sauf que le bruit (c'est à dire le son) ça se mesure. À partir de combien de décibels Robert juge-t-il les accords objectivement bruyants ?

    Il ne saurait le dire évidemment, et espère faire diversion en nous balançant un chiffre. En l'occurrence 1660 (date d'entrée du mot dans la langue).

     

    2) Certains morceaux. Certain est un mot double face.

    Une culpabilité certaine = on a les preuves, c'est le Père Lustucru qui est coupable du meurtre du chat de la Mère Michel.

    Une certaine culpabilité = le Père Lustucru est pas net. J'ai l'intime conviction qu'il est impliqué, mais dans quelle mesure ...

    L'emploi de certain avant le nom indique que justement on n'est pas certain de grand chose. Et donc ici y a du flou dans le flonflon. Robert ne sait pas lui-même à quels morceaux il fait allusion.

     

    3) Musique populaire. On est dans le préjugé de classe ou je m'y connais pas. Flonflon évoque à Robert le bal popu, le bouiboui qui sent la frite, la sueur et le mauvais parfum.

    Genre accordéon rance et marins qui dansent en se frottant la panse sur la panse des femmes.

    On peut lui opposer des contre-exemples. Les flonflons (accords bruyants donc) abondent dans les grandes œuvres musicales. Ça flonflonne un max dans les symphonies de Beethoven, dans toute la musique russe, la musique américaine du début du XX°s ...

    Et surtout dans Wagner, qui se la pète bien pourtant genre je fais une musique qu'on écoutera encore dans mille ans. Ah oui tiens, du coup Wagner amène à réfléchir sur la différence entre populaire et nationaliste.

    Mais bon je vais pas entamer un tel débat dans une série sur les onomatopées dont l'ambition est la légèreté.

     

    Alors en guise de point d'orgue léger :

    « Je préfère la musique de Wagner à celle de quiconque. Elle fait tant de bruit qu'on peut parler d'un bout à l'autre du morceau sans que les gens entendent ce qu'on est en train de dire. »

    Oscar Wilde (Le portrait de Dorian Gray)