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Le blog d'Ariane Beth - Page 396

  • Temps

     

    « Elle est retrouvée !

    Quoi ?

    L'éternité ! C'est la mer allée avec le soleil »

    Là où Spinoza géométrise, Rimbaud fulgure (à chacun son conatus), mais leurs propos clairement se rejoignent.

    Bon OK c'est sur les hauts sommets de la génialitude visionnaire que se fait la jonction, et les rampants que nous sommes se trouvent obligés à un certain effort pour les y suivre.

    Mais c'est comme pour une randonnée en montagne, l'ivresse de découvrir une vue sublime compense courbatures & essouflatures.

    Sans compter l'air si pur qu'on a l'impression de le boire comme une eau, à la régalade, en laissant le vent baigner nos têtes nues (quoique pleines de considérations philosophiques ou autres).

    Euh bon à propos d'ivresse je devrais arrêter Rimbaud : Dieu me poétise me voici à deux doigts de sombrer dans un lyrisme échevelé.

    Bref Arthur le voyant retrouve ici Spinoza le lunetier sur deux points :

    1) pas de solution de continuité entre temporel et spatial. Ni d'ailleurs entre les différentes modalités de la matière. Mutuelle imprégnation, réversibilité entre l'eau et la lumière.

    2) l'éternité se re-trouve. C'est donc qu'elle est là, invisible peut être, mais à portée de main dans le temps vécu.

     

    Pour le dire un peu plus géométriquement & prosaïquement (Éthique Partie 1 déf 8) :

    «Par éternité j'entends l'existence même en tant qu'on la conçoit suivre nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle »

    Plus clair, non ? Non ? Bon OK alors l'explication qui suit :

    « Elle ne peut s'expliquer par la durée et le temps, quand même on concevrait la durée sans commencement ni fin. »

    L'éternité n'est pas un temps sans bornes, elle est le caractère non-bornable du temps. Disons barbarement la non-bornabilité du temps en elle-même.

    Elle est infuse en chaque instant du temps. Elle n'est pas la transcendance du temps. Pour la bonne raison que la transcendance ça n'existe pas (cf par ex Nature).

    En réalité, il n'y a que l'immanence, et l'éternité est l'existence-même (ipsa) : oui, tout simplement.

    Car l'existence elle aussi peut être considérée dans son caractère non-bornable, in-déterminé « en tant que suivant nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle. »

    C'est pourquoi l'éternité, tissée dans le temps, « allée avec » la trame du temps linéaire, celui qui passe, au fil duquel on naît, on vit, on meurt, il n'est pas réservé à Rimbaud ou Spinoza de la rencontrer, de la re-trouver.

    Il suffit (mais il faut) un peu d'attention à ce qui est. Bon d'accord on n'aura pas pour la dire leurs mots de pur génie. Qu'importe, pour faire corps avec l'existence-même, il y a toujours, pour tout un chacun, le mot « présent ».

    Le perdons pas, celui-là, c'est le mot de passe.

     

     

  • Système

     

    Proposition 1

    Spinoza avec l'Éthique construit ce qu'il est convenu d'appeler un système.

    Corollaire

    C'est pourquoi on dit en général, et de façon quasi systématique en cours de philo, que Spinoza est un philosophe à système.

    Explication

    Ici le lecteur, précis par système et pointilleux par fantaisie, ne manquera pas de demander : c'est quoi un système ? À cela je répondrai que par système il s'agit d'entendre un truc où on trouve tout.

    Scolie 1

    Comme à la Samaritaine.

    Scolie 2

    Attention je dis la Samaritaine, pas la Foirfouille.

    Dans le système S on trouve tout, mais pas en vrac. Au contraire tout est rangé, tout s'intègre et s'ajuste dans la chaîne d'une nécessité sans faille.

     

    Proposition 2

    Dans le système S de Spinoza, tout se tient, si bien qu'il n'y a pas d'ailleurs ni d'au-delà.

    Scolie

    Ni d'en deçà ça va sans dire mais on sait jamais.

    Corollaire

    Dans le système S il n'y a pas de transcendance, d'alibi transcendant à la vie la vraie. Et donc pas plus de suprêmitude et ce qui s'ensuit de supérieurs et supériorités en tous genres.

    Pas d'étage du dessus où le grand Boss est censé bosser (ou se la couler douce va savoir).

    Scolie 

    Mais tout ceci se trouve déjà démontré clairement dans les propositions précédentes plus haut dans ce blog. Ou plus bas en fait, puisque les notes d'un blog s'empilent les unes sur les autres comme les Stocks s'empilent dans la Réserve à la Samaritaine.

    Bref voir Conatus, Comprendre, Nature, Objet non identifié. Ou alors relisez tout, ce sera plus simple.

     

    Proposition 3

    Encore plus simple

    « Tout ce que peut percevoir l'intellect infini comme constituant une essence de substance, tout cela appartient à une seule et unique substance, et par conséquent,

    la substance pensante et la substance étendue sont une seule et même substance, que l'on embrasse tantôt sous l'un tantôt sous l'autre attribut. »

    (Éthique scolie prop 7 Partie 2)

    Scolie 1

    C'est pourquoi le système S est dit aussi U, c'est à dire unisubstantiel.

    Scolie 2

    Si par hasard vous compreniez vaguement un peu un brin de quelque chose sur tout ça avec Ariane, quelle consolante hilaritas (ou allégresse cf Rire) ce serait pour elle de n'avoir pas travaillé en vain.

     

     

  • Rose

    Spinoza apposait sur ses lettres, à côté de sa signature, un sceau, comme il était de coutume à son époque. Enfin de coutume pas pour les gens d'en bas bien sûr.

    Car qui dit sceau dit un certain standing.

    Le sceau pouvait afficher votre appartenance à une famille noble, à une confrérie. C'était une carte de visite qui faisait passer un double message.

    Message objectif : « qualité » de la personne, c'est à dire son métier ou sa situation sociale. Et puis message plus subliminal indiquant ce qu'on pourrait appeler le style personnel.

    Un peu comme dans le livre American psycho de Bret Easton Ellis. Vous savez l'histoire de ce mec apparemment dissocié qui poursuit en fait avec une grande cohérence deux modes différents de la même activité, étant trader le jour et serial killer la nuit.

    On le voit échanger avec ses congénères traders des cartes de visite renchérissant sur le luxe : qualité du papier, subtilité du filigrane, originalité du caractère. Entendons originalité des lettres, de la police choisie.

    Parce que sinon bien sûr chez ces gens-là c'est le règne absolu du conformisme dans la rivalité mimétique. Bref des gens distingués dirait Colerus.

    Mais quittons donc les sots moutons pour en revenir au sceau de Spinoza. En l'absence de noble ascendance ou d'appartenance prestigieuse à faire valoir, il se lit comme la seule expression de son style personnel.

     

    À l'intérieur d'un cercle le dessin d'une rose. Une tige portant des épines de taille respectable, deux feuilles, et la corolle épanouie, inclinée vers la droite. Un dessin stylisé, presque naïf.

    À gauche de la rose un B, en haut un D, à droite un S. C'est l'élément d'information objective, les initiales de Baruch De Spinoza.

    Pourquoi « de » ? À l'époque c'était courant, peut être un reste de l'ancien « fils de ». Pas vraiment de l'ordre de la particule nobiliaire. D'ailleurs il signe Despinoza en un mot.

    Et puis dans la partie inférieure du cercle, écrit en majuscules, sa devise : « Caute » (cf Fabricius).

    On la traduit en général par « Prudemment ». Elle dirait la nécessité de ne livrer sa pensée, de n'agir qu'avec toutes les précautions requises dans un contexte peu favorable à la liberté d'opinion.

    C'est une évidence. Il s'astreignit ainsi au travail de lever autant que possible les ambiguïtés de sa parole, de façon à éviter des interprétations malintentionnées.

    Mais il me semble que cette devise dépasse le cadre de l'auto-admonestation pour s'adresser aussi aux autres.

    L'adverbe caute est issu de la contraction de « cavete », impératif pluriel du verbe cavere qui signifie : prendre garde, et aussi prendre soin.

    Caute = « Faites attention »

    Je suis attentionné, tout disposé à prendre soin de vous, c'est mon côté rose. Et je vous incite à faire de même, avec moi, et entre vous.

    Mais faites gaffe : toute rose a ses épines.

    Je ne m'appelle pas Spinoza pour rien.