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Le blog d'Ariane Beth - Page 417

  • Une preuve flagrante

    « J'écris à un ami que j'ai terminé la correction des épreuves de mon livre Die Traumdeutung et que je suis décidé à ne plus rien changer à cet ouvrage 'dût-il contenir 2467 fautes'. Je cherche aussitôt à éclaircir la provenance de ce chiffre et ajoute mon analyse à la lettre destinée à mon ami. Je la cite telle que je l'ai notée alors, sous le coup du flagrant délit. »

    S. Freud Psychopathologie de la vie quotidienne

     1) « Sous le coup du flagrant délit. » Joli, non ? C'est que sur la question de la culpabilité obsessionnelle, Freud en connaît un rayon. Tout ce qu'on pourrait lui dire il se le sert lui-même avec assez de verve. Quel est l'objet du flagrant délit ici ? Des pensées présumées inconscientes pas très flatteuses pour l'ego. Mais qui globalement se ramènent à une évidence très consciente pour Freud : la publication de son livre sur le rêve est un immense enjeu, le plus grand enjeu professionnel de sa vie. Il n'avait pas besoin de 2467 quoi que ce soit pour le savoir. Et il le sait. Et il sait qu'il le sait.

    2) Du coup à mon avis le flagrant délit en question porte plutôt sur la vergogne de s'adonner à l'enfantillage de jouer avec les chiffres. Si vous allez jeter un coup d'oeil dans ce chapitre du livre (chap 12 intitulé Déterminisme, croyance au hasard et superstition. Points de vue) vous ne serez pas déçus du voyage. Le "flagrant délit" a plus souvent qu'à son tour des allures de discret délire. Freud fait parler les chiffres en des calculs sophistiqués pour lesquels s'impose surtout la question : combien de temps a-t-il mis à les trouver ?

     

     « Je veux insister sur les analyses de 'cas de nombres' car je ne connais pas d'autres observations qui fassent apparaître avec autant d'évidence l'existence de processus intellectuels très compliqués, complètement extérieurs à la conscience ; et, d'autre part, ces cas fournissent les meilleurs exemples d'analyses dans lesquelles la collaboration si souvent incriminée du médecin (suggestion) peut être exclue avec une certitude à peu près absolue. »

    Voilà le fin mot de cette histoire de nombres : Freud veut en produire une preuve, non par 9 mais par 2467. Et même une double preuve.

    1) Preuve de l'intérêt de sa théorie : l'inconscient tel qu'il l'entend n'est pas une sous-conscience, mais au contraire capable de processus intellectuels très compliqués.

    2) Preuve de son honnêteté qui le disculpe de l'accusation de suggestionner ses patients (dans le but de faire cadrer l'observation avec la théorie). Une accusation qui n'a pas attendu Le livre noir de la psychanalyse ni à sa suite Michel Onfray.

    Preuve convaincante ? En tout cas lecture divertissante et jeu partagé. Ce qui me fait vous préférer, Sigmund, à pas mal de ces gens-là, dont le rapport au jeu (ou au partage) n'est pas … comment dire …

    - Pas flagrant ?

  • Trois et moi

    « Qu'est-ce qu'y a 3 ? Troyes en Champagne,

    Deux testaments, l'ancien et le nouveau oh oh oh oh,

    Y a qu'un ch'veu sur la tête à Matthieu. »

    Impossible de me rappeler quand et où j'ai entendu pour la première fois cette chanson stupide dans mon enfance, ni jusqu'à combien elle comptait (qu'est-ce qu'y a un, qu'est-ce qu'y a deux etc.). Jusqu'à dix je suppose. N'empêche qu'elle ne me revient que maintenant à propos du 3. (Et que personne ne s'avise de dire « Ach ach »).

     

    Des choses qui sont trois il y en a beaucoup. Troie en Asie Mineure, qui nous amène logiquement à la guerre éponyme. Au concours de beauté des trois déesses et aux conséquences désastreuses du choix du jury, en l'occurrence ce godelureau de Pâris. Mais il est trop tard pour se lamenter over spread milk comme on dit en grec moderne. Vaudrait mieux s'occuper de toutes ces casseroles qui bouillent à gros bouillon (pas loin de l'ex-Troie entre autres) avant que ça déborde si possible.

    Qu'est-ce qu'il y a trois ? Les trois Grâces, et en miroir pour ainsi dire, les trois Parques. La règle de trois en math. La règle des trois unités du théâtre français avec ses trois étoiles incontestées Molière, Racine, Corneille.

     

    À propos vous connaissez je suppose Sur une racine, une corneille boit l'eau de la fontaine Molière. Aussi nul que le cheveu de la tête à Matthieu, mais Dieu m'infantilise ça m'enchantait tout autant. Question : pourquoi ils ont rien trouvé pour Molière ? D'une certaine façon JB pouvait pas rêver plus bel hommage. Mais quand même on peut tenter je sais pas moi Le mol lierre s'enroule sur la racine où une corneille boit l'eau de la fontaine. Ou bien s'enroule sur la corneille la racine du mol lierre qui boit l'eau de la fontaine (un peu plus surréaliste je vous l'accorde, et puis on voudrait pas être à la place de la corneille).

    Ou encore le mol lierre de la racine boit l'eau de la fontaine et la corneille elle s'envole en cinq secs elle a pas que ça à faire figurez-vous faut trouver à becqueter car la bise est venue l'air de rien pendant que la cigale chantait, et que la fourmi faisait des 8.

     

    A propos 3 + 3 = aussi bien 8 que 6. Suffit de les mettre en miroir comme les Grâces et les Parques. Vous me direz à ce compte 9 et 6 aussi, en les empilant on fait 8. C'est ma foi vrai. Et puis maintenant que vous le dites en superposant deux 2 mis en miroir, hein ? Décidément plein de ressources ce petit huit.

    Bref nous conclurons qu'une chose est sûre le must des trios reste les trois mousquetaires. Déjà ils sont quatre ce qui leur donne un avantage certain sur n'importe quel autre trio. Et puis Tous pour un un pour tous : sport-co, non ? Y a pas photo côté convivialité avec œil pour œil dent pour dent, par exemple.

    (Tiens donc, y avait aussi dans la chanson simplette « Y a qu'une dent dans la mâchoire à Jean »).

  • Il était une fois

    Dans ce parcours, qui n'ira pas au-delà de la première dizaine, matrice de l'ensemble, reste à régler leur compte au 3 et au 1, auxquels je n'ai fait jusqu'à présent qu'une brève allusion. Régler leur compte, un peu violent non ? C'est vrai. Autant j'aime ma petite fourmi de 8, autant ces deux-là ne m'inspirent guère. Et même, en ce qui concerne le 1, il m'inspire une aversion certaine, à deux doigts de la phobie.

     

    M'énerve, cette grande gigue de 1, ce frimeur qui se la joue ouineur, le genre à se planter sur le devant de la scène pour focaliser la lumière des projos. Trucmuche fait la une des media, l'équipe occupe la première place du championnat. Il profite en outre du prestige du chapitre I d'un roman, avec ses premiers mots inoubliables. Sans compter il était une fois la formule magique de tout conte qui se respecte. En chiffres romains certes le un fait simple, juste droit comme un i. Un i qu'il est en fait.

     

    Tiens, entre nous, il faut avouer que s'il y a une voyelle niaise c'est bien le i, non ? Risible comme Monsieur Jourdain lorsqu'il s'applique à la prononcer. D'ailleurs à ce propos : rire en oh oh ça fait bon vivant, en ah ah ça fait bon enfant, mais en ih ih ça fait niais j'y peux rien. En uh uh ça fait carrément pas vrai ou hyper snob genre le rire de la Castafiore. Sauf quand elle chante l'air des bijoux naturellement où elle est bien obligée de faire Ah vu que c'est écrit comme ça.

    - Ach sehr bizarres associations, Madame votre Mutter chantait dans sa baignoire ?

    - Décidément vous vous reposez jamais, vous. C'est agaçant cette façon que vous avez de toujours regarder par-dessus mon épaule quand j'écris. Elle vous l'a jamais dit Madame votre Mutter à vous, que c'était pas poli ?

    - Ach Agressivät. Negativ transfert, gut gut …

     

    En fait voilà oui de l'agressivität : je trouve que l'humanité a un sacré compte à régler avec le chiffre un, because cette histoire de monothéisme. Le monothéisme est par essence soumis à la tentation du totalitarisme qu'est-ce que vous voulez que je vous dise. Ou plutôt c'est l'inverse, pour avoir l'idée d'un monothéisme, fallait avoir le goût du pouvoir totalitaire au départ. Tiens ça me fait penser à une phrase de Spinoza, je vous en parlerai peut être un de ces jours.

     

    Mais payons-nous toujours une petite tranche de rire. Curieusement les monothéismes ils sont pas un, mais trois. Étonnant non ? Trois religions qui disent y a qu'un Dieu mais c'est quand même chacun le sien. Comment voulez-vous qu'il s'y reconnaisse là-dedans, ce pauvre homme ? Bref. Mieux vaut en rire ih ih. Mieux vaudrait pouvoir en rire.