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Le blog d'Ariane Beth - Page 415

  • "Mais cela nous l'avons réfuté"

     

    « Le vulgaire, par puissance de Dieu, entend la libre volonté de Dieu et son droit sur tout ce qui est, qui par là se trouve communément considéré comme contingent. Car Dieu a le pouvoir de tout détruire, dit-on, et de tout renvoyer au néant.

    En outre, on compare très souvent la puissance de Dieu à la puissance des Rois, mais cela nous l'avons réfuté (…) nous avons montré que la puissance de Dieu n'est rien d'autre que l'essence agissante de Dieu.

    Cette puissance dont le vulgaire affuble Dieu, non seulement est humaine (ce qui montre que le vulgaire conçoit Dieu comme un homme, ou à l'instar d'un homme), mais aussi enveloppe impuissance. » (Éthique II scolie prop 3).

    Les scolies sont souvent les passages les plus clairs et nets de l'Éthique, les plus drôles aussi. Là où Spinoza ne nous l'envoie pas dire, sur un petit ton ironique et agacé. Vous devez comprendre, c'est évident vous avez suivi le raisonnement non ? Mais bon au cas où, je vais quand même mettre les points sur les i. Et s'il se retient d'ajouter bande de nazes, c'est qu'il est assez honnête pour s'appliquer à lui-même son conseil de fuir les affects négatifs.

    Spontanément donc le sens commun (ainsi faut-il en fait entendre le vulgaire) ne sait concevoir la puissance que comme prise de pouvoir, en particulier de l'homme sur l'homme (qui par là se trouve considéré comme contingent), comme aliénation et exploitation, jusqu'à la destruction éventuellement.

    Eh bien dit Spinoza, cela signe l'incapacité de faire corps avec la véritable puissance, la seule qui vaille, qu'il nomme l'essence agissante de Dieu. La puissance-même dit-il, pour dire il n'en est pas d'autre. Disons l'énergie potentielle et actuelle de la vie, toute-la-vie-rien-que-la-vie. (Spinoza s'inscrit radicalement en faux contre l'illusion d'une transcendance).

    Les autres choses dites puissances sont contrefaçons, fantasmes, fétiches. On aura beau les affubler de tous les déguisements, on aura beau faire en leur nom quantité de victimes, on ne pourra empêcher qu'elles « enveloppent impuissance. »

    « Dieu a le pouvoir de tout détruire, dit-on » : génie spinoziste de la lucidité. Dévoilement comme en passant du point nodal de l'aveuglement humain : la projection de notre pulsion de mort dans le concept de divin.

    La violence, qui est summum de l'impuissance humaine, car elle est défaite de la vie, se trouve, par une scandaleuse absurdité, sacralisée, absolutisée.

    Et alors, à partir d'elle et de « Lui », toute méchanceté devient autorisée et même prescriptible, sous le prétexte mensonger de la supprimer (que le mensonge soit conscient ou pas, quels que soient ses alibis politico-mafieux).

    Car le mot fameux de Voltaire « Tu nous as faits à ton image mais nous te l'avons bien rendu », déjà décapant de lucidité, doit encore se compléter d'une formulation symétrique qui révèle la partie complémentaire de la vérité, sa face cachée :

    « Nous t'avons fait à l'image de l'inhumain en nous, pour nous justifier de l'incapacité à nous faire humains ».

     

  • Cercle vicieux

    Synthèse : Et si les cons étaient cons parce qu'ils sont méchants (en se payant le luxe de l'ignorer puisqu'ils sont cons) ? Et si les méchants étaient méchants parce qu'ils sont cons (mais eux ils sont assez méchants pour le savoir et forcément ça leur met les boules et ils ont envie de se venger de leur connerie sur les autres) ?

    Je trouve que ça tient la route. C'est peut être un peu long et alambiqué, mais c'est ça les synthèses demandez à François H. Je dis cela en toute amitié, franchement François je l'aime bien, il n'est pas con et méchant le minimum, ce qui est rarissime dans sa partie où ça grouille de cumulards. Certes il pourrait mieux faire, mais au moins il essaie de faire, ce qui est rarissime dans sa partie où ça grouille de passifs agressifs. Bref. Je préfère briser là ce discours (faudrait pouvoir faire de même avec tous ceux qu'on va se taper pour les régionales).

    Mais je vois pas pourquoi je m'énerve toute seule. C'est pas comme ça que je ferai avancer le schmilblic. (Oui je sais cette expression est de celle qui peuvent donner l'âge d'un locuteur aussi sûrement que le carbone 14 celle d'un vieux bout d'os. Je vous parle d'un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître.)

    - Ach vous remarquez que je ne dis rien et reste dans un silence plein de neutralité bienveillante.

    - Oui oui restez-y pour le moment si j'ai besoin de vous je suis assez grande pour vous sonner …

    - Ach assez grande ça vous fait penser à

    - Sigmund, si vous m'énervez trop je peux vous balancer une citation d'Onfray vous savez.

    - Wer ? …

     

    En fait si, je sais pourquoi je m'énerve sur les élections, les cons politiques médiatiques etc. « Il est impossible de traiter de bonne foi avec un sot. Mon jugement ne se corrompt pas seulement à la main d'un maître si impétueux, mais aussi ma conscience. » (Essais III,8 De l'art de conférer)

    (Ah Montaigne, s'il n'existait pas faudrait vraiment l'inventer, hein ?)

    Le vrai problème avec les vrais cons c'est qu'ils ont vite fait de vous rendre méchants, de vous corrompre la conscience. Car la connerie, précisons avec Montaigne, n'est pas l'ignorance ou l'erreur, mais les fautes morales qu'elles deviennent si on refuse le débat et le questionnement. Seul perseverare est diabolicum c'est connu. Et les vrais cons sont les cons persistants.

    Quant au vrai problème avec les méchants, c'est qu'en vous sidérant de terreur, ils vous inhibent vite fait votre aptitude à la rationalité et à la pensée, bref ils vous rendent cons. Con méchant con, un cercle vicieux bien pervers.

     

  • Cernés

    Antithèse : les cons sont plus dangereux que les méchants.

    Pourquoi ? D'abord ils sont plus nombreux.

    Bon, d'accord j'ai pas fait le calcul et j'en suis pas sûre sûre à fifty fifty. À vrai dire je n'ai aucune statistique fiable (ni pas fiable d'ailleurs) à produire à l'appui de cette affirmation. Il s'agit du simple ressenti personnel résultant de mon expérience vécue. Les hasards de ma vie m'ont plus souvent mise en présence de cons patents que de méchants affirmés. Puis-je pour autant me considérer comme chanceuse. Oui et non.

    Les méchants vraiment méchants ça peut vous taper, vous humilier, vous tuer qui sait ou plus si affinités. Là je parle des vrais méchants, mais tant qu'on y est, autant viser le cœur de cible, aller droit au but. Et puis vaste est la question de savoir si la méchancerie est affaire de quantité ou de qualité. Un petit méchant n'est peut être qui sait que quelqu'un qui n'a eu que de petites occasions de méchanter.

    Bref ce genre de méchants j'en ai pas connu. Ils ne sont pas venus à moi, ou alors je les ai pas vus. La meilleure façon de les avoir vaincus.

    Mais en revanche sans me vanter il ne se passe pas un jour sans que je n'aie à me dire : mais Dieu me décervelle comment fait ce con (ou conne hélas, tous les cons usagés les vieux cons, les cons naissants les cons débutants) pour être aussi con ? Avec autant de persévérance, d'application, autant de bouchitude et un si parfait bourrinisme ?

    Heureusement ils ne se trouvent pas tous ou pas tout le temps dans ma proximité immédiate. Je dispose d'un périmètre de sécurité constitué de gens fréquentables. Mais souvent ils sont pas loin. Au bout du fil du téléphone (qui n'en a plus depuis longtemps de fil, parce que sinon on n'est pas près d'en voir le bout, du téléphone), de l'autre côté de l'écran (d'ordi ou de télé). Pas besoin d'être paranoïaque pour se sentir cerné.

    Il y a plus grave. Le méchant parmi les nombreuses choses qu'il sait (cf note précédente) sait en premier lieu qu'il est méchant, la méchanceté impliquant globalement la préméditation. Mais la grande caractéristique du con est hélas l'ignorance de sa connerie. Je sais une chose que je ne sais rien dit Socrate. (Que l'on peut en première approximation toutes choses égales par ailleurs considérer comme un non-con, et même un vraiment-pas-con).

    Mais un con, lui, se dit s'il y a une chose dont je suis sûr c'est de pas être con. Et s'autorise aussi sec à vous asséner ses conneries. Et n'espérez pas, quand ça tombe sur un domaine que vous connaissez un peu, le convaincre de sa stupidité, lui mettre le nez dans ses erreurs ou au moins le faire douter.

    L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise. Est-il rien certain, résolu, dédaigneux, contemplatif, grave, sérieux, comme l'âne ? (Essais III, 8 De l'art de conférer)

    Voilà, un con c'est exactement ça : quelqu'un qui ne doute jamais.