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Le blog d'Ariane Beth - Page 414

  • Pas pire

     

    Dilemme n° 4 : To be or not to be ?

    Je n'oserais m'aventurer à pronostiquer combien d'entre vous, lecteurs, ont lu les sonnets de Shakespeare. Dans ma vie il m'est arrivé nombre de choses improbables et j'en ai fait nombre d'insensées. À ces nombres-là ensemble je compte ma lecture des sonnets de Shakespeare.

    Rassurez-vous 1) ce ne fut pas un choix personnel, ils étaient au programme d'un concours et 2) lire est un bien grand mot pour le survol assorti de fiches que j'en entrepris alors, espérant qu'il suffirait à m'éviter le crash éliminatoire.

    Vous savez j'imagine que les concours sont de deux types : les confituriers et les autres. Celui dont il s'agit était de la deuxième catégorie, je vous laisse penser quelle en fut l'issue pour moi. Je n'en ai gardé aucune rancune envers le grand Will, car il y fut pour beaucoup moins que l'insuffisance de travail.

    En revanche le boulot faisait pas peur à Shakespeare parce que ses sonnets ils sont quand même 154, ce qui représente donc 154 x 14 = 2156 vers, et 21560 syllabes vu que ce sont des décasyllabes (ce n'est pas parce que nous avons fini notre série sur les chiffres qu'il faut perdre la main en calcul).

    Les métaphores baroques et alambiquées qui y pullulent, on aime ou on n'aime pas, mais comment résister à de purs joyaux comme Let me confess that we two must be twain/Although our individed loves are one. « Nos amours sont en indivision mais toi et moi ça fera toujours deux kes tu veux que je te dise » (traduction perso).

    Ou encore Sweets with sweets war not, joy delights in joy. (OK faut être sujet de sa Gracieuse Majesté pour prononcer une phrase pareille sans se faire des nœuds à la langue). « De douceur à douceur c'est pas un rapport de forces, mais commune jouissance de joie » (id). On dirait du Spinoza. En moins simple.

    Mais bref voilà, malgré tout le génie de milliers de vers, c'est avec la plus modeste, pour ne pas dire la plus plate de ses phrases que Will s'est assuré l'immortalité. Faut dire que son statut inégalé dans la culture mondiale n'est que justice. En effet il n'y en a pas d'autre, de question. C'est « la » question, qui remplace avantageusement tous les ergotages philosophiques.

    Quoique. Ergotage philosophique non, mais c'est quand même ce qu'il faut bien appeler une question rhétorique, en clair une question que la réponse elle est dedans comme le noyau dans la cerise et la cerise sur le gâteau. To be or not to be, that is the question. Hamlet to be il a jamais vraiment su, et not to be clair que si c'était son choix il a pas manqué d'occasions.

    Mais justement Hamlet c'est le mec que choisir il peut pas, et il le sait. Alors ce qu'il en dit, c'est juste pour gagner du temps. Bref son truc c'est jamais que du théâtre, un dilemme soit, mais en trompe l'oeil. Une impasse soit, mais il a vu la porte dérobée.

    Gagner du temps avec les mots (la seule chose qu'on y gagne, à vrai dire). Dire to be ou not to be, peu importe, en réalité ça veut dire jusqu'ici tout va bien, je suis encore vivant.

     

  • Déconfitures

     

    Dilemme n°3 : Confiture ou iceberg ?

    1) Soit la phrase bien connue du sens commun, et qui fait partie intégrante du bagage culturel de base. « La culture c'est comme la confiture, moins on en a plus on l'étale. »

    Malgré son évidence quasi socratique cette sentence n'est-elle pas à côté de la plaque ? Devant un bol à l'heure du petit déjeuner, la vraie question n'est-elle pas plutôt de savoir a) si la confiture est bonne et b) si on en a envie (de préférence au beurre ou au miel). Démonstration.

    Supposons que la personne qui propose sa confiture n'en ait pas quantité de pots dans son garde-manger (un doute me vient : qui dit encore ça, un garde-manger ?) Pourquoi supposer que l'étalage qu'elle en fait sur la tartine soit nécessairement destiné à impressionner le destinataire de ladite tartine et à lui bourrer le mou sur le remplissage du garde-manger  ?

    Et quand bien même, cela n'empêche pas de supposer que cette confiture précisément puisse être inconnue dudit destinataire (quel que soit le nombre de pots de confiture dont il dispose dans son propre garde-manger). Il découvrira alors quelque chose en la goûtant. Exemple (entre autres) une tartine de confiture de mécanique auto ou de physique quantique (même en couche mince) me serait une nourriture fort opportune. Voire délectable, à condition qu'elle soit de bonne qualité bien sûr.

    Concluons donc cette première partie par la proposition suivante :

    La quantité de confiture est question négligeable au regard de sa qualité et de la faim de son consommateur.

    2) L'iceberg dans l'histoire ? Aucun rapport avec un ours blanc tombé dans un trou d'ozone en pêchant sur la banquise. Ni avec Leonardo di Caprio malheureusement.

    Le complexe de l'iceberg (que je formule ici en première mondiale) est une pathologie fort handicapante qui consiste dans l'incapacité, assortie de vergogne, à faire montre de l'ensemble de ses connaissances ou aptitudes, dont on ne décèle en conséquence qu'un très faible pourcentage. L'iceberg-complexé est ainsi l'antithèse de l'étaleur de confiture (entendu au sens commun).

    Nous n'entrerons pas dans l'analyse psychologique d'un tel comportement, pas plus que nous ne sommes entrés dans l'analyse du précédent. (De toute façon Herr Doktor F. est aux abonnés absents depuis un moment vous avez remarqué. D'un côté ça repose, mais il me manque un peu j'avoue.)

    Il est par ailleurs d'un abord moins chaleureux, deuxième raison qui nuit à sa popularité sur les réseaux sociaux. (Pas S. F. Quoique. Mais je parlais bien de l'iceberg-complexé).

    Concluons donc : le fameux iceberg qui provoqua la déconfiture du Titanic sur la banquise en revanche abonda quelque peu le compte en banque de Leo. Depuis, s'il manque de confiture il peut mettre du caviar sur la tartine. Cela dit faut aimer, moi perso le matin à part le café au lait ...

     

  • De bon foie

     

    Dilemme n°2 : Fromage ou dessert ?

    Que vient faire cette question bête quand tant de graves et d'essentielles nous assaillent en ce moment ? Ah lecteur, si je pouvais apporter des réponses ! Mais voilà. Alors je continue, contre le poison du sentiment d'impuissance, contre la laideur de la méchanceté, contre la pesanteur de la connerie, à user de mon antidote personnel, la légèreté. Tel est mon conatus (dirait Spinoza), ma façon de tenir bon dans l'appétit de vivre. Fromage ou dessert, donc.

    D'accord je ne suis pas allée le chercher trop loin celui-là, dans le genre valeur sûre au pays de la gastronomie. Mais fût-ce pour proposer un sujet de dilemme, pourquoi se casser la tête ?

    Oui mais légèreté ? Ni fromage ni dessert ne sont légers de fait. S'ils le sont, c'est qu'ils sont allégés. Exemple le fromage allégé, plâtreux et sans subtilité. En effet le gras me suis-je laissé dire permet aux saveurs de s'exprimer. Un peu comme les harmoniques donnent au son sa profondeur. Me suis-je laissé dire dis-je : j'avoue peu pratiquer le gras pour ma part. Faiblesse de foie sans doute, en tout cas il figure en place honorable dans la liste de mes phobies.

    Mais je ne pratique pas davantage l'allégé. Contestable sur d'autres plans que celui du goût, vous le savez en consommateurs avertis que vous êtes. Exemple j'ai toujours trouvé aux yaourts 0% un goût et une consistance déplaisants. Or mes papilles n'erraient pas trop sur ce coup-là car les laitages à 0% sont rendus (prétendument) moelleux par adjonction de gélatine de porc. Beurk beurk.

    L'édulcorant n'est pas un must gastronomique non plus. Goût exagéré, indécent, exhibé, non exactement de sucre, mais de sucré. Re beurk beurk. Voilà qui révèle un certain mépris pour les gens qui aiment le sucre.

    Un peu comme si à ceux qui goûtent la littérature romantique & sentimentale on déconseillait par exemple La Nouvelle Héloïse en proposant à la place ces machins saturés de mièvreries qui encombrent les librairies.

    Le sucre m'écoeure autant que le gras, et je trouve La Nouvelle Héloïse indigeste (lisons plutôt les Confessions sans modération, voire Du Contrat social si on est porté sur les régimes). Mais je m'en abstiens, c'est tout. Car n'allez pas croire que je sois payée par le lobby du sucre pour taper sur les édulcorants. Si vous craignez (à juste titre) les dégâts du sucre sur votre ligne et/ou votre santé, le plus simple est encore de ne pas ou peu sucrer, non ?

    Dieu me déguste ce blog mène à tout. J'ai l'impression d'avoir écrit une plaquette de prévention de l'obésité pour le Ministère de la Santé. Au service duquel (et contre les multinationales de l'agroalimentaire par la même occasion) je signale à qui de droit que je ne rechignerais pas à mettre ma plume. Marisol si tu me lis.

    Une plume que, si on me le demandait gentiment, j'offrirais également aux ministères de l'Educnat et de la Culture, dans le cadre d'un Plan de Prévention des Risques Majeurs de Connerie & Méchanceté Induite.

    Pour ma part je me sais atteignable aussi par le virus, mais je me soigne.