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Le blog d'Ariane Beth - Page 410

  • Poétique et toc

    Résolution n°3 : Parler en vers.

     

    Je saluerai le jour en ouvrant ma fenêtre,

    Goûterai le soleil comme on goûte du miel,

    La nuit ? Y échapper et ne pas m'y soumettre,

    Et dans les jours de pluie deviner l'arc-en-ciel.

     

    Je vivrai cette année comme on fait un poème,

    Cherchant le mot précis : c'est le seul émouvant.

    Bon je n'écrirai pas si beau que Ma Bohème,

    Mais ce sera bien déjà d'aller de l'avant.

     

    Quand on se sent sonné le dire en un sonnet,

    Tousser une ballade si l'on est malade,

    Les soucis les chagrins on en fera des stances.

     

    Et quand avec l'aurore une joie sera née,

    La fêter gentiment d'une petite aubade.

    À existence on cherche une rime ... Évidence ?

     

     

    Et si jamais tout ça vous paraît trop classique.

    On peut opter pour du carrément plus basique :

     

    Bonjour mon Chouchou as-tu bien dormi ?

    Mais oui mon Doudou fais-moi un mimi.

    Cette nuit j'ai fait un bien joli rêve …

    Ah bon ton Surmoi est enfin en grève ?

     

    Y a plus de PQ mets-le sur la liste,

    Et faudra passer chez le garagiste :

    Y a toujours un bruit dans c' foutu moteur ...

    Il déconne encor tu crois l'injecteur ?

     

    Je me disais pour l'anniv' à Toto

    Ça serait bien que je fasse un gâteau.

    Au chocolat c'est le mieux kes t'en penses ?

     

    Oh là là déjà que j'ai des kilos

    En trop ! T'as qu'à te remettre au vélo,

    Ou carrément balancer la balance.

     

     

     

     

  • "A la réflexion"

     

    Résolution n°2 : Ne lire que de bons livres.

    « Il n'est pas bon d'avoir plusieurs maîtres ; n'en ayons qu'un seul ; qu'un seul soit le maître, qu'un seul soit le roi.»

    Voilà ce que déclara Ulysse en public selon Homère. (…) Il faut peut être excuser Ulysse d'avoir tenu ce langage, qui lui servait alors pour apaiser la révolte de l'armée : je crois qu'il adaptait plutôt son discours aux circonstances qu'à la vérité.

    Mais à la réflexion, c'est un malheur extrême que d'être assujetti à un maître dont on ne peut jamais être assuré de la bonté, et qui a toujours le pouvoir d'être méchant quand il le voudra. Quant à obéir à plusieurs maîtres, c'est être autant de fois extrêmement malheureux. »

    Ainsi commence le Discours de la servitude volontaire (1576). Étienne de la Boétie, le fameux « lui » de parce que c'était lui parce que c'était moi, crée avec ce livre, qui comporte pourtant nettement moins de pages que les Essais, une œuvre tout aussi majeure.

    (Naître entre Sarlat et Bergerac vers 1530 c'était apparemment the place to be pour devenir un génie. De bonnes ondes dans l'air ?)

    Ces premières phrases posent d'emblée la radicalité du propos. Ce n'est pas tel ou tel mode de pouvoir qui est contesté, mais le fait-même du pouvoir.

    Il explique juste après qu'il ne va pas faire du Montesquieu avant la lettre, ni « débattre ici la question tant de fois agitée à savoir si d'autres sortes de républiques sont meilleures que la monarchie ». République étant à comprendre au sens large comme mode de gestion de la chose commune.

    Il ne pose pas la question mais ne se gêne pas pour signaler comme entre parenthèses qu'il ne voit pas ce qu'il peut y avoir de public dans la monarchie « ce gouvernement où tout est à un seul. » Un rebelle décidément, ce Labo.

    Ce début signale aussi qu'il en connaît un bout sur la realpolitik, adapter plutôt son discours aux circonstances qu'à la vérité. Mais il ne compte pas refaire avec son livre l'analyse fort bien produite un demi-siècle auparavant par Machiavel avec son Prince.

    Parce que lui-même est un homme absolument libre, le propos de La Boétie sur la liberté ignore superbement la casuistique. Il vise la valeur de liberté en son essence. Et comme en véritable philosophe il est étranger à l'alibi du blabla abstrait, il affirme d'emblée que l'essence de la liberté est tout ce qu'il y a de concret.

    En rapport nécessaire (et si possible suffisant) à l'éthique et à la politique, c'est à dire à la complexité des relations dans la vraie vie. La question de la liberté commence, comme beaucoup de choses, au chiffre 2. On n'est pas libre tout seul. Tout seul on n'est que sans lien.

    Mais tout l'enjeu du Discours est de dissocier le lien et l'assujettissement, la construction d'une structure sociale et la soumission, bref de faire valoir la parfaite réciprocité logique entre liberté et égalité.

    C'était il y a 440 ans. Rajeunissant, non ?

     

  • Résolument

     

    Noël en décembre : bientôt le début d'année. C'est pas tout ça mais faudrait envisager nos bonnes résolutions.

    Résolution n°1 « Primum non nocere ».

    C'était dit-on la devise d'Hippocrate. Humour ? Excuse souriante à l'inévitable impuissance qui est parfois le lot de la médecine ? Certainement.

    Mais aussi rude sagesse. C'est loin d'être facile de ne pas nuire. Nombreuses sont les occasions de nuisances à notre portée, qu'elles soient volontaires ou involontaires. Alors se préoccuper d'abord, en premier lieu et avant tout, de ne pas nuire, c'est non seulement prendre les choses par le bon bout de la raison (dirait Rouletabille), donc la lucidité et le pragmatisme, mais aussi prendre par la même occasion son courage à deux mains.

    Bien faire, voire faire du bien : fréquent projet, en tous cas fréquemment annoncé. De bonne ou de mauvaise foi ? Question déterminante. Mais soit : pour la commodité du raisonnement, supposons (y compris en soi) un sincère désir de bien faire. Sa sincérité ne réduit cependant pas la difficulté de sa réalisation.

    Or pour résoudre une difficulté, le plus simple est de s'y prendre comme avec une équation, en écrivant des équivalences successives. On s'aperçoit alors que la phrase d'Hippocrate n'est pas une restriction, mais juste une reformulation. Bien faire = ne pas mal faire. (CQFD)

    Oui mais comment ?

    La formulation négative d'Hippocrate montre un chemin proche (toutes choses égales par ailleurs) du principe de lutte non violente que Gandhi a appelé la non coopération. Il s'agira de réduire à chaque occasion, dans toute la mesure possible (en occupant toute l'étendue du possible qui se présente), sa production de nocivité.

    Du coup, primum non nocere ne peut pas être interprété comme une pirouette ou un alibi. Au contraire c'est un programme qui demande résolution sans faille, constant courage.

    C'est une révolution à entreprendre, une résistance à tenir, contre la facilité de petits (ou gros) arrangements avec l'injustice (les nôtres et ceux d'autrui), contre le mensonge (fût-ce par omission), contre la politique de l'autruche.

    En outre primum non nocere vaccine contre le virus du « mieux » qui est on le sait l'ennemi du bien. Par exemple en suggérant de réduire ses exigences envers autrui. Déjà pas si mal lorsque des autres on reçoit de la non-nuisance. De cela on peut toujours leur savoir gré, sans attendre davantage.

    Le précepte est aussi à usage personnel : cesser de se mener la vie dure en exigeant trop de soi. Tu n'arrives pas à faire aussi bien que tu voudrais ? Fais déjà aussi moins-mal que tu peux.

    Ou pour le dire avec notre ami des Essais « En un temps où le méchamment faire est si commun, de ne faire qu'inutilement il est comme louable. » (Essais III, 8 De la vanité)

     

    Primum non nocere. D'abord passer par là pour arriver un jour qui sait à l'étape seconde, à un « secundum bene facere » ?