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Le blog d'Ariane Beth - Page 449

  • Trois charades ...

    Pour fêter le début d'année, j'ai décidé, chers lecteurs, de nous offrir une petite pause dans la lecture au long cours de Zarathoustra. Je pense que ce ne sera pas du luxe pour vous non plus ? Parce que bon Nietzsche c'est un peu comme le foie gras accompagné de Sauternes, c'est difficile de trouver mieux côté plaisir subtil, mais faut pas en abuser sous peine de difficultés digestives.

     

    Je m'en vais donc en guise de récré soumettre à vos esprits aussi vifs que sagaces trois charades à deviner. Chacune d'elle vous proposera une résolution pour aborder dans la sérénité et le dynamisme l'année à venir. Prêts pour la charade n°1 ?

     

    Mon 1er est l'activité que nous pratiquons en ce moment-même.

    Mon 2° s'entend dans les verts pâturages …

    tandis que s'y fabrique mon 3°.

    Mon 4° est parfois petit, mais toujours costaud.

    Mon 5° est une apocope bien trop envahissante dans nos sociétés.

    (Récré d'accord mais on reste dans un blog option intello, c'est comme ça)

    Mon 6° nous y sommes toujours depuis mon 1er.

    Mon 7° fait écho à mon 2°.

    Il vaut mieux faire mon 8° qu'y tomber.

    Je vous présente mes meilleurs .

     

    Et mon tout est une bien belle phrase de notre ami Monsieur des Essais, que je mets en exergue de cette année, histoire de nous exhorter à la vivre dans la coolitude, autant que faire se peut et « toutes choses égales par ailleurs ».

     

    La solution sera dans la prochaine note. Creusez-vous la cervelle d'ici là.

    Mais pour finir, comme je suis très très gentille, en cadeau voici une anagramme pour saluer notre auteur chéri :

     

    Les Essais de Montaigne : sagesse mondiale, tiens !

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • A distance respectueuse

    « Depuis qu'il y a des hommes, l'homme a trop peu été dans la joie : voilà, frères, notre seul péché originel. Et mieux nous apprenons la joie, d'autant mieux nous désapprenons à faire du mal aux autres, et à concevoir le mal. » (Ainsi parlait Zarathoustra. Des compatissants)

     

    Voilà qui évoque irrésistiblement Spinoza et son Ethique. La joie puissance, la joie source d'agir positif. Et réciproquement la joie signalant qu'on peut inscrire le signe plus sur une motion psychique. Aucun hasard : Nietzsche ne se cache pas d'avoir été impressionné par la lecture de Spinoza.

    Le discours Des compatissants contient des notions-clés de la pensée nietzschéenne. Ce qui ne gâte rien, elles sont exprimées dans une clarté fort agréable, pour ne pas dire reposante. La lampe est juste réglée comme il faut pour qu'on y voie bien clair sans se sentir agressé par une pléthore de photons. Pas l'éblouissement et l'éclair dont il est si coutumier, tel le midi d'été « flambant » du discours De la canaille (on en parlera bientôt). On est toujours dans l'option lucidité maximale, mais pour une fois Zarathoustra la module en une lumière douce.

     

    En fait, lecteur, me voici saisie par la tentation de te dire : va lire ce discours de bout en bout, il se passe de commentaires. Pour ma part il me touche surtout parce qu'on y perçoit une présence tendre et délicate, infiniment respectueuse de l'autre. Mitleidigen : c'est à dire compatissants, oui, mais sans nuance de condescendance.L'idée de « prendre part » à l'autre, mais sans intrusion, en lui laissant son autonomie, son périmètre personnel.

    « Si ton ami est malade sois un lieu d'accueil pour sa souffrance, mais sois un lit dur, un lit de camp : c'est ainsi que tu lui seras le plus utile. »

    La compassion oui, l'infériorisation non. Aider l'autre à (re)trouver sa force, plutôt qu'à s'abandonner. Bref donner vraiment, sans taxer au passage un petit bénéfice secondaire sous forme d'emprise affective, de gain d'image.

     

    1) Ceci est du vécu de toute évidence pour ce souvent souffrant que fut Nietzsche, et donc parfois « aidé ».

    2) Dommage qu'il n'ait pas eu d'enfants : quel père, quel éducateur il aurait été ! Quoique « Je me sacrifie à mon amour, et mon prochain comme moi-même, ainsi s'expriment tous ceux qui créent. Ils sont durs, les créateurs.» Et égoïstes forcément. Le tout est qu'ils soient des égoïstes heureux (mais c'est l'espèce la plus rare). Ainsi dans leur œuvre ils mettront un peu de joie, pour qu'elle y demeure. Et qu'on puisse aller l'y chercher.

     

     

     

     

     

     

     

  • Liberté chérie

    « Une vie libre reste encore ouverte aux grandes âmes. Vrai, quand on possède peu on est d'autant moins possédé : louée soit la petite pauvreté ! »

    (Ainsi parlait Zarathoustra. De la nouvelle idole)

     

    Louée soit la petite pauvreté : on dirait du François d'Assise. Inattendu ce moment de fraîcheur, de naïveté presque, dans une œuvre aussi rugueuse et violente, aussi killbillesque que Zarathoustra ... Une doublure de soie suave à l'intérieur de la cuirasse du guerrier.

    Je vous cite cette phrase parce qu'elle me plaît. Mais l'honnêteté m'oblige à signaler qu'elle n'est pas représentative du ton général du discours, qui ne brille pas par sa limpidité franciscaine. Ainsi il est un des (trop) nombreux passages de Zarathoustra susceptibles d'interprétations fort divergentes (d'où comment faut s'accrocher pour essayer de comprendre ! Mais bon je vais pas me plaindre personne m'oblige après tout). Interprétations dont certaines me gênent carrément. « Tu t'en fiches, dis ce que tu as à dire ! » OK j'y vais.

    La nouvelle idole en question, c'est ce qu'il appelle l'Etat, « le plus froid des monstres froids ». Mais que ne se réjouissent pas trop vite les libéraux voire libertariens pour qui l'Etat c'est caca (sauf quand il vient au secours des banques, aide les entreprises sans contrepartie et sans qu'elles daignent acquitter leurs impôts etc.) Car je crois que ce qui est désigné ainsi n'est pas une structure, mais une façon de faire-société où les gens renoncent à leur liberté, à leur capacité créative, en échange des supposés bienfaits de cette idole, un cheval de mort tout cliquetant des oripeaux d'honneurs divins. Honneurs qui se résument au duo interactif pouvoir-argent (le pouvoir par l'argent l'argent par le pouvoir) dont nous avons mille exemples quotidiens dans la ci-devant économie et la prétendue politique. « Ils veulent le pouvoir, et d'abord le levier du pouvoir, beaucoup d'argent – ces impuissants ! Voyez-les grimper ces singes agiles. Ils grimpent les uns sur les autres et ainsi s'entraînent dans la boue et l'abîme ».

    Mais ne pas regarder seulement loin, là-haut, eux. Car ces singes grimpants évoquent aussi les bassesses en série qui construisent la pyramide de la « servitude volontaire ». La Boétie explique que le ressort du soutien à la tyrannie est très simple : corruption à tous les étages. « Qui voudra en dévider le fil verra que (…) des millions tiennent au tyran par cette chaîne ininterrompue (...) On en arrive à ce point qu'ils se trouvent presque aussi nombreux, ceux auxquels la tyrannie profite, que ceux auxquels la liberté plairait ».

    Ce livre de 1576, écrit dans un contexte de pouvoir politique absolu, reste d'une brûlante actualité, d'une indépassable pertinence jusque dans nos démocraties. Étonnant, non ? Non : sous le règne du Tout-Marché mondialisé, plus que jamais la liberté n'est accessible qu'à condition de prendre acte du fait qu'elle est une des trois choses qui n'ont pas de prix.

    Les autres ? Eh bien : la vie, l'amour. What else ?