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Le blog d'Ariane Beth - Page 450

  • Be yourself

    « Tu te dis libre ? Je veux entendre ta pensée souveraine, et non être informé que tu as échappé à un joug. »

    (Ainsi parlait Z. De la voie du créateur)

     

    Si Nietzsche martèle quelque chose dans son oeuvre, c'est que la vie ne joue pas en défense.

    Il y a en particulier dans Zarathoustra la recherche d'une positivité absolue, d'une lumière qui saurait se définir sans aucune référence à l'ombre.

     

    Ici il n'est pas question de sous-estimer le travail de libération, la force et la persévérance qu'il faut mobiliser pour secouer le joug. Et d'abord pour sentir la douleur de la blessure qu'il provoque, de l'empêchement dont il est cause.

    Mais l'important est la suite. Laisser le joug sur le bord du chemin, et avancer sans se retourner. Morale de la positivité, de la création, de la liberté. Morale qui ouvre grand les portes :

    « Libre de quoi ? Peu importe à Zarathoustra. Mais que ton regard clairement m'annonce : libre pour quoi ? »

     

    Libre pour quoi ? Le regard s'élargit, cherche le lointain, le futur. Un regard mobile et curieux d'éclaireur. Un regard qui échappe à la fascination des batailles déjà livrées, que ce soit pour déplorer les défaites ou célébrer les victoires.

    Libre de quoi ? Question excuse pour en rester à une semi-liberté. Laisser plutôt les jougs pourrir au bord du chemin, laisser les morts enterrer leurs morts. Libre de quoi ? On est libre, et c'est ce qui compte. Ne pas être un ancien combattant de ses libérations, mais être libre, absolument. D'une liberté souveraine.

    Ces phrases suscitent un élan si communicatif qu'elles me rendent carrément lyrique ... Tant pis. En outre cela ne doit pas nous empêcher d'apporter un nécessaire bémol, en remarquant la dissonance dans « je veux entendre ta pensée souveraine ». C'est ce qu'on appelle une injonction paradoxale. Tout comme la publicité d'une marque bien connue vous enjoint : « Be yourself ». Il est évident que si je veux être myself pour de bon, je ne risque pas de me conformer à l'uniformité des articles de mode (à la mode du jour) que l'on espère me fourguer.

     

    Nous noterons cependant que l'avantage avec Zarathoustra c'est qu'il n'a rien à fourguer. Voilà qui donne à son discours une certaine crédibilité.

    Et donc prenons-le au mot pour le lire en toute liberté, et en dire tout ce qu'il nous plaira. Pour répondre à sa souveraineté pensante par la nôtre.

    Non sans ajouter, bien sûr : « toutes choses égales par ailleurs ». (J'adore cette expression où le souci scientifique flirte avec la poésie absurde).

     

     

     

     

  • Esprit de corps

    « J'ai mon mot à dire à ceux qui ne considèrent pas le corps (Leib). Ce qu'ils doivent, à mon avis, ce n'est pas changer leur leçon d'élèves ou d'enseignants, mais dire adieu une bonne fois à leur corps – ce qui les rendra muets. » (Ainsi parlait Zarathoustra. Des contempteurs du corps)

     

    1) Le scénario de Zarathoustra n'est pas sans rapport avec celui du Kill Bill de Tarentino. De discours en discours, une série de règlements de comptes. Le récurrent ainsi parlait Zarathoustra n'est-il pas l'équivalent d'un « ça, c'est fait », d'un nom rayé sur la liste à chaque étape ?

     

    2) Contempteurs, traduction vraiment littéraire. Mais que dire ? Négligents, dédaigneux ? Est désignée une conduite d'évitement du corps. Or qui dit évitement dit ? - Défense contre une obsession ? - Oui, bravo, vous pourrez revenir en 2° semaine de la Freud Academy. Nietzsche aussi d'ailleurs, qui précise verachten macht Achten, disons « le mépris fait l'emprise ». Ou plus loin « il y a de l'envie inconsciente dans le regard oblique de votre mépris ».

     

    3) Zarathoustra a les oreilles échauffées par tous les corbeaux dénonçant les torts du corps. Ah leur clouer le bec ...

    On sait les cibles de Nietzsche à son époque : moralistes, philosophes et religieux, pétris de mauvaise foi, de ressentiment, de déni. Obsédés du sexe mais incapables d'amour, ne sachant jouir que de violence réelle ou symbolique. Comme on aimerait que tout cela soit dépassé, ces vieilleries névrotiques antéfreudiennes, et avec elles la kill-list d'un fils de pasteur rigoriste. Las ! Ils ne sont pas tous morts, les mépriseurs de corps, ni muets. Saccageurs de corps, tortionnaires, violeurs, qui envahissent d'images et de délires verbaux les écrans et les éventuels cerveaux auxquels ils sont reliés.

    Côté contemption plus soft avec ses dégâts moins graves mais quand même : résurgence de l'ascèse religieuse dans le régime punitif, le dressage « sportif » du corps (et son envers sinusoïdal de malbouffe ou d'abandon dépressif). Corps dopé pour tenir dans d'absurdes exigences narcissiques et le diktat productiviste capitaliste. Bref le corps est bien malmené, car il est en première ligne face à la réalité. Elle est plus forte que nous, nous voudrions être plus forts que lui.

     

    « Tu dis 'moi' et tu es fier de ce mot. Mais il y a quelque chose de plus grand, à quoi tu refuses de croire, c'est ton corps et sa grande raison ; la raison du corps ne dit pas moi mais le fait ».

     

    Nietzsche, le roi des aphorismes qui parlent mieux qu'un long discours.

     

     

     

     

  • ça va sans dire

    « Votre amour du prochain n'est que votre mauvais amour pour vous-mêmes (...) L'un va auprès de son prochain parce qu'il se cherche lui-même, un autre parce qu'il aimerait se perdre. »

    (Ainsi parlait Zarathoustra De l'amour du prochain)

     

    Après les difficultés du couple prochain et lointain, voici les embrouilles du couple prochain et moi. Après Marx (Karl autant que Groucho), voici venir Freud. Je crains qu'on ne se soit fait refiler une carte de membre du club des LAF (lucides à fond), vous savez celui qui a fusionné avec le club des PMPD (pessimistes mais pas désespérés). Une carte qui peut nous valoir un certain prestige dans quelques cercles restreints, tel le club des PI (penseurs invétérés).

    Mais surtout pas mal d'occasions de prise de tête. Vous savez ce que c'est : la carte est gratuite, on se méfie pas, résultat on paie 6 fois plus cher pour obtenir en prétendu cadeau un truc qu'on n'aurait pas eu l'idée d'acheter vu qu'on n'en a pas besoin et qu'en plus c'est pas beau. Euh là je me laisse entraîner par mon anticonsumérisme primaire, honte à moi. Ce qui ne m'a pas empêchée dans ma métaphore, remarquez, de mettre à votre disposition deux cartes en une : vous ne viendrez plus dans ce blog par hasard !

     

    Bref vous l'aurez compris aujourd'hui la prise de tête ne me dit rien (qui a dit c'est pas trop tôt ?) On va donc faire du vite fait bien fait. Oui l'idéal serait d'aimer le prochain sans attendre de retour narcissique sur investissement. Encore oui on est mal parti si on cherche à se fuir en passant par le prochain. Peu de chance qu'on se retrouve dans le haut de gamme du rayon éthique. Mais on s'en moque notre rayon c'est l'arc-en-ciel cf note du 19-11. (Facile je sais, mais trop tentant. Et puis j'ai des points à gagner sur ma carte du club des RAL - raisonneurs absolument loufoques).

    Bref la vraie question reste quand même de savoir ce que ça lui fait à lui, au prochain. J'aurais tendance à dire comme ça vite fait qu'un bon amour est celui qui fait du bien. Un peu ou beaucoup, le bien qu'il peut. Et seul lui, le prochain, peut dire ce que lui fait notre amour. Donc il n'y a qu'à lui laisser la parole, la liberté de dire ceci me fait du bien, ceci me fait du mal : voilà un bon début dans l'amour. En somme ne pas faire ainsi :

    « Vous convoquez un témoin quand vous voulez dire du bien de vous ; et quand vous l'avez induit à bien penser de vous, alors vous-mêmes pensez du bien de vous. »

    1) un bon moyen de ne pas convoquer l'autre en témoin : ne pas se poser en juge de soi (ni de lui a fortiori)

    2) penser de soi tout le bien qu'on (se) veut : oui, ça ne mange pas de pain

    3) quant à en dire du bien, laissons ce soin au prochain : rien ne lui fera plus plaisir ...