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  • Il resterait à

    Il resterait à

     

    Dans le très bref chapitre de conclusion (IV,9) on retrouve le ton empreint d'insatisfaction du propos liminaire (cf ce petit traité note du 6 décembre dernier).

    Rousseau y déplorait l'incomplétude à ses yeux de son travail, le fait de ne pas avoir pu mener à bien le grand ouvrage politique qu'il avait envisagé, entrepris autrefois sans avoir consulté (ses) forces.

     

    Ici, arrivé à la fin du livre, on le voit de nouveau se résigner à le laisser tel qu'il est, en partie inachevé.

    Après avoir posé les vrais principes du droit politique (sur ce point au moins, la théorie du politique, il ne doute pas de lui) et tâché de fonder l'État sur sa base, il resterait à l'appuyer par ses relations externes ; ce qui comprendrait le droit des gens (les relations internationales), le commerce, le droit de la guerre et les conquêtes (c'est carrément dommage qu'il n'ait pas avancé sur ce point, ça aurait qui sait évité des boulettes, boulets surtout, napoléoniens par exemple pour s'en tenir à la proximité historique), le droit public, les ligues les négociations les traités etc. (oui décidément dommage) (ça n'aurait pas été du luxe pour les prochaines européennes par exemple).

    Mais tout cela forme un nouvel objet trop vaste pour ma courte vue ; j'aurais dû la fixer toujours plus près de moi.

     

    Fixer sa vue près de soi, pour ma part j'y entends quelque chose comme 

    « Voilà, je me suis décarcassé à faire ce que je sais faire, c'est à dire penser et écrire, pour servir le bien commun. J'espère qu'on s'en saisira. Et sinon tant pis je vais pas être plus royaliste que le roi (en l'occurrence plus démocrate que le peuple). Après tout chacun sa merde. »

    Et c'est donc logiquement à peu près à ce moment-là qu'il se met au projet des Confessions, objet pour le coup on ne peut plus près de lui.

     

    Le Contrat social, comme Émile publié la même année (quel bosseur ce JJ), a reçu on le sait un accueil très contrasté. Encensé par certains, honni par d'autres. Une remarque que l'on peut faire sur à peu près toutes les œuvres de Rousseau.

    Autre remarque, toutes continuent à être lues assidûment. Même La Nouvelle Héloïse, si gentiment ringue, offre à la psychanalyse le triangle oedipien Julie Wolmar Saint-Preux.

    Bref JJ n'a pas travaillé en vain.

     

    Et pour conclure le petit parcours de ce petit traité si grand livre, la citoyenne Ariane dira simplement au petit Suisse si grand homme : Salut et fraternité, citoyen Jean-Jacques.

  • Purement civile

    L'idée chrétienne d'un royaume Spirituel séparant le système théologique du système politique (…) causa les divisions intestines qui n'ont jamais cessé d'agiter les peuples chrétiens. (IV,8 De la Religion Civile)

    Pour les païens au début du christianisme, le coup du royaume de l'autre monde est une hypocrisie. Les Chrétiens ne cherchaient que le moment de se rendre indépendants et maîtres.

    Et J.J. de poursuivre ce que les païens avaient craint est arrivé (…) et bientôt on a vu ce prétendu royaume de l'autre monde devenir sous un chef visible le plus violent despotisme dans celui-ci.

    Pourris de papistes ...

    Suite de l'histoire un chapelet de conflits entre nations avec leurs lois civiles, et despotisme papiste prétendant imposer les siennes. Négligeant avec pragmatisme le point de vue religieux (qui ne lui importe pas) mais aussi moral, Rousseau y déplore surtout le facteur d'instabilité politique.

    Tout ce qui rompt l'unité sociale ne vaut rien : toutes les institutions qui mettent l'homme en contradiction avec lui-même ne valent rien.

    La question est donc de concilier la Religion de l'homme et celle du Citoyen.

    Le droit que le pacte social donne au Souverain ne passe point, comme je l'ai dit, les bornes de l'utilité publique. Les sujets ne doivent donc compte au Souverain de leurs opinions qu'autant que ces opinions importent à la communauté. On doit tolérer toutes (les religions) qui tolèrent les autres, autant que leurs dogmes n'ont rien de contraire aux devoirs du Citoyen.

    Le petit Suisse serait-il le promoteur de la laïcité à la française ?

    D'une certaine manière, sauf qu'il n'admet pas l'athéisme. Pas le spirituel bien sûr, mais le social. Il importe bien à l'État que chaque Citoyen ait une Religion qui (se rapporte) à la morale et aux devoirs que celui qui la professe est tenu de remplir envers autrui.

    Cette profession de foi purement civile crée et conforte les sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d'être bon Citoyen et sujet fidèle.

    Il la veut simple : divinité bienfaisante et pourvoyante, bonheur des justes, châtiment des méchants, sainteté du Contrat social et des Lois.

    Simple, voire enfantine ? Je le dis sans ironie. JJ fait jouer ici le ressort archaïque de la morale, le plus sûr sans doute : chercher l'amour de bons parents.

    Ce qui ne marche que si les parents sont effectivement suffisamment bons.

    Genre État providence (dont le délitement durcit les rapports sociaux, ce n'est plus à démontrer).

    Quant aux dogmes négatifs (ce qu'il faut refuser) je les borne à un seul : l'intolérance. Partout où l'intolérance théologique est admise, il est impossible qu'elle n'ait pas quelque effet civil. Il est impossible de vivre en paix avec des gens qu'on croit damnés. Il faut absolument qu'on les ramène ou qu'on les tourmente.

    Sans commentaires : inquisition hier, djihad aujourd'hui, éternelle intolérance.

  • Qui naturellement est la même

    Rousseau termine son livre en traitant de ce qu'il appelle la Religion Civile (IV,8). Il y voit une solution pour que son Contrat social ait des chances de se réaliser un jour quelque part qui sait. Solution de quel problème ?

    Rationnellement, logiquement, l'architecture de son édifice politique se tient. Mais revient toujours la question : comment gérer les embrouilles résultant des affects ? Question déjà rencontrée.

    Ainsi le Législateur ne pouvant employer ni la force ni le raisonnement, c'est une nécessité qu'il recoure à une autorité d'un autre ordre, qui puisse entraîner sans violence et persuader sans convaincre.

    (II,7 Du Législateur cf Une autorité d'un autre ordre)

     

    Comme plus haut pour l'organisation des assemblées du peuple (cf Une prévoyance très nécessaire), c'est à partir d'un panorama historique que Rousseau aborde le rapport entre religion et pouvoir politique.

    Dans les sociétés archaïques, les hommes n'eurent point d'abord d'autres Rois que les Dieux, ni d'autres Gouvernement que le Théocratique.

    Mais il faut bien voir que sa conception est radicalement non idéaliste. Dans son esprit c'est le politique détermine le religieux, et non l'inverse.

    Il place ainsi d'emblée la problématique politique/religion sur un axe horizontal, et non vertical.

    De cela seul qu'on mettait Dieu à la tête de chaque société politique, il s'ensuivit qu'il y eut autant de Dieux que de peuples (…)

    Ainsi des divisions nationales résulta le polythéisme et de là l'intolérance théologique et civile, qui naturellement est la même. (C'est moi qui souligne).

    Ainsi d'après lui, dans l'Antiquité polythéiste il n'y avait point de guerres de religion à proprement parler. C'est juste que la guerre politique était aussi Théologique, vu que les dieux d'un peuple n'étaient au fond qu'un élément de son identité, de sa situation. C'étaient des dieux locaux sans prétention plus large.

    Les départements des Dieux étaient, pour ainsi dire, fixés par les bornes des Nations. (On pourrait discuter du terme plutôt moderne de nation, s'agissant de regroupements tribaux, mais bon, ça ne change pas grand chose pour la suite de son raisonnement).

    Quant à l'émergence monothéiste lisible dans la Bible juive, elle fonctionnait en sens unique. Que les autres peuples aient d'autres dieux ne posait pas problème aux Juifs. En revanche soumis aux Rois de Babylone et dans la suite aux Rois de Syrie ils ne voulurent reconnaître aucun autre dieu que le leur, refus regardé comme une rébellion. 

    (Et le début d'une longue histoire de persécutions, aussi atroce qu'absurde, que l'on espère par moments finie, mais qui recommence toujours).

    Et puis les choses se compliquent avec l'apparition du christianisme au sein de la structure intégrée de l'empire romain. Une structure qui va servir de vecteur à sa prétention universaliste.