« L'esprit de parti doit être de toutes les passions celle qui s'oppose le plus au développement de la pensée, puisque, comme nous l'avons déjà dit, ce fanatisme ne laisse pas même le choix des moyens pour assurer sa victoire, et que son propre intérêt ne l'éclaire point, quand il est entièrement de bonne foi. »
Germaine de Staël (De l'esprit de parti)
Comme tout état d'aliénation, l'esprit de parti va à l'encontre de l'intérêt de qui y est asservi.
« On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, et c'est alors seulement qu'il paraît vouloir ce qui est mal »
dit Rousseau (Du Contrat social II,3 Si la volonté générale peut errer)
Cet errement/erreur/errance de la volonté générale, qui débouche sur un marché de dupes, a un nom : le populisme. On reste encore stupéfait de ses récents aperçus.
Que le millionnaire Trump ait trouvé beaucoup d'électeurs dans les milieux d'affaires n'est pas pour étonner. Ni que ses connivences avec l'extrême-droite religieuse et raciste lui en aient fourni un autre bon contingent.
Mais qu'une grande part de l'Amérique des malmenés du système lui ait voué un culte : voilà qui est incompréhensible pour un esprit rationnel.
Précisément sans doute parce qu'il s'est présenté comme anti-système. La magie du mot producteur de fantasmes (cf 7/13) a prévalu sur la réalité observable.
De même qui avait réellement à gagner au brexit ? Réponse : certains politiques d'un cynisme à toute épreuve, pour prendre le pouvoir face à ceux de l'autre parti.
Un pouvoir dont ils se sont trouvés plutôt encombrés quand il a fallu gérer les conséquences dans la vraie vie du fantasme populiste.
On pourrait multiplier hélas les exemples, du Brésil à la Turquie, en passant par la Russie bien sûr. Le plus clair c'est que chacun de ces épisodes a été, est encore, porteur de graves dégâts pour les pays et leurs habitants.
Dévoiement des procédures démocratiques, inégalités creusées, polarités envenimées, tout cela provoquant durcissement des rapports sociaux, extension de la violence. Sans oublier le chaos géopolitique.
« Dans l'esprit de parti, l'on aime mieux tomber en entraînant ses ennemis que triompher avec quelqu'un d'entre eux. »
Fascinés par leurs doubles, le nez sur le miroir, les partifiés deviennent incapables de la lucidité qui les éclairerait sur leur propre intérêt.
Bref c'est clair que « L'esprit de parti doit être de toutes les passions celle qui s'oppose le plus au développement de la pensée ».
Pour le dire plus élégamment : l'esprit de parti rend con. Ce qui explique pourquoi il est si difficile d'en sortir.