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  • Si c'était une couleur ?

    Sans l'ombre d'une hésitation, je dis rose.

    Ah oui mais. Vu les connotations possibles de cette couleur, je m'avise que vous risquez de partir sur de fausses pistes. Ce rose peut prêter à confusion. D'ailleurs ne dit-on pas « rose de confusion » ? A moins que ce ne soit « rouge de confusion » ? Et zut je ne sais plus et pourtant je ne suis pas daltonienne. La plupart des daltoniens sont des hommes c'est bien connu. Non je n'essaie pas de vous dire que mon personnage est (ou était) daltonien, et donc implicitement que c'est un homme. Mais naturellement je ne dis pas le contraire non plus. En fait ça dépend de la carnation de départ. La nuance exacte de couleur provoquée par la confusion. Faut suivre. C'est un jeu qui demande de grandes qualités de concentration et de mémoire, vacances ou pas. C'est comme ça.

     

    Cela dit, pour vous éviter le faux départ, il est plus prudent de préciser que mon personnage n'est ni Barbie ni l'un des Trois Petits Cochons, ni une quelconque princesse ou fée. Quoique. Je dis « quoique » pour la fée.

    Et comme décidément jouer me met de belle et bienveillante humeur, voici que je vais faire à présent pleuvoir sur vous une pluie d'indices.

     

    1° Rose = blanc + rouge. Après, bien sûr, la tonalité du rose obtenu dépendra de la proportion de ces couleurs dans le mélange réalisé sur la palette. (J'espère que vous disposez toujours de la palette dont vous usiez du temps de votre scolarité à l'école maternelle Saint Robert ?)

     

    2° Mon personnage joue avec un même bonheur de toutes les tonalités possibles.

     

    3° Rose n'est pas synonyme de mièvrerie, de fadeur, ou de gnagnanerie. C'est juste la couleur la plus suave, celle par exemple des pétales soyeux de la fleur qui porte ce nom. Une suavité qui peut être intense et charnelle, puisqu'elle est imprégnée de rouge, couleur vitale du sang. Et qui peut être tout autant naïve, enfantine. Oui, il y a incontestablement de l'enfance dans le rose, voire de la bébéitude.

     

    4° Voilà c'est ça : rose est le sourire aux anges qu'on voit fleurir sur les lèvres d'un bébé.

     

    5° Retenez bien tous ces indices, ça m'évitera des répétitions lors de la phase récapitulative à la fin du jeu, où je m'emploierai à vous convaincre du bien-fondé de mes choix. Car je dis n'importe quoi, certes, mais non sans savoir pourquoi je le dis.

     

     

  • Portrait chinois

    Sans me vanter c'est l'été. Or qui dit été dit vacances. Et qui dit vacances dit jeux. Voilà qui tombe bien, car si en temps normal je saisis toute occasion de jouer, alors en temps d'été, pensez donc. D'autant plus si c'est un été pourri où il s'agit de compenser autant que faire se peut les déplaisirs de la météo. Et Dieu m'illumine il semble bien que nous soyons dans ce cas de figure.

     

    Jouons donc. Mais à quoi ? Pour le bridge il faut être quatre, et vous êtes tout de même un peu plus nombreux, lecteurs. Pour les échecs j'en suis tellement spécialiste que, Dieu me raboudine, je tuerais le suspense d'emblée. Quant à tous ces jeux fort en vogue où on tue un peu plus que le suspense, style roulette russe ou autre variation du jeu de pan t'es mort c'est moi le plus fort, faut être nationaliste et/ou religieux fondamentaliste et/ou avide de pouvoir pour le pouvoir et/ou d'argent pour l'argent. Bref compenser son impuissance à être humain en étant bête et méchant. Pour nous, Dieu nous spinozise, essayons d'échapper à ces tristes abjections, et jouons pour de bon.

     

    Jouons à une variante du classique jeu du portrait, que je connais pour ma part sous le nom de « portrait chinois ». Ce qu'il peut avoir de chinois est pour moi de l'hébreu je le confesse, mais il est vrai que je ne suis pas spécialiste de langues orientales. Il serait plus exact de l'appeler portrait métaphorique et je pourrais vous faire un topo sur la métaphore, figure de style s'il en est, mais on a dit que c'étaient les vacances. Bref portrait chinois veut dire qu'il se dessine à partir de différents « si c'était ... ».

     

    Et maintenant lecteur « tu vas creuser » pour deviner qui se cache derrière les métaphores. L'ennui c'est que tu n'as jusqu'ici que rarement réagi dans ce blog, si bien que le jeu risque de ne guère avancer sous la forme interactive qui en est pourtant la caractéristique. Mais bon, si tu n'inter-réagis pas trop, je ferai avec (c'est à dire sans) : Dieu me soliloque, j'ai l'habitude.

    By the way : dois-je interpréter ton perdurant silence comme un désintérêt ? De mon persévérant verbiage se pourrait-il que, Dieu me karchérise, tu n'eusses rien cirer ? Ou s'agit-il de la neutralité bienveillante bien connue en terre freudienne. Mais laissons Freud pour l'heure puisque, Dieu me principedeplaisirise, on a dit que c'étaient les vacances.

     

    Lors donc portrait chinois : si c'était un animal, un végétal, une couleur, un paysage, un plat etc. Alors voilà, ça y est, j'ai choisi quelqu'un. A propos de qui je vais m'employer à dire absolument n'importe quoi. Donc pas Montaigne ni Spinoza, puisque pour eux c'est fait. Ni Freud on fait un break, puisqu'on a dit que c'étaient les vacances.

     

    Si c'était … ?

     

     

  • "Un court circuit"

    L'autre économie psychique réalisée grâce au Witz est une économie d'effort intellectuel. Et c'est essentiellement celle-ci que réalise le mot d'esprit « non tendancieux », c'est à dire qui ne satisfait ni hostilité ni obscénité. Il fait entendre intuitivement, par le moyen d'une simple allusion, une relation entre deux éléments, deux domaines, qu'il faudrait sans cela démontrer par un raisonnement parfois long et complexe. C'est comme un court-circuit, dit Freud.

    « Ce « court-circuit » est d'autant plus grand que les deux domaines de représentation mis en relation grâce au même mot sont étrangers l'un à l'autre, et que, donc, l'économie réalisée sur le cheminement de pensée grâce au moyen technique du mot d'esprit est importante. »

     

    Il donne en exemple le célèbre mot italien « traduttore-traditore » (traducteur-traître). Il explique que c'est vraiment un « bon » mot d'esprit. Certes il ne provoque pas le gros rire gras, comme le ferait une vacherie, une obscénité. Mais il apporte son comptant d'hilaritas grâce à un plaisir plus fondamental.

    « Nous remarquons chez l'enfant, qui, on le sait, est encore habitué à traiter les mots comme des choses, l'inclination à chercher derrière les sonorités de mots identiques ou similaires une signification identique, inclination qui est source de nombreuses erreurs dont rient les adultes. »

     

    Et Freud d'émettre l'hypothèse que les jeux de mots qui nous font le plus de bien sont ceux où le raisonnement de l'adulte (lié par l'obligation sociale de signification du langage), peut légitimer la croyance enfantine que les mots sont des choses et, comme les choses, « parlent d'eux-mêmes ». Autrement dit ceux qui nous permettent de jouer sur les deux tableaux, d'être à la fois adulte et enfant : court-circuit dans le temps. Mais surtout court-circuit dans le mode de pensée, lorsque la contrainte de rationalité et la liberté de créativité cessent de s'exclure. Là se produit un certain bonheur d'unification, d'attente comblée. Freud le nomme tout simplement « plaisir de reconnaître ». Et de nouveau replace le Witz dans un contexte esthétique plus global.

    « Que la rime, l'allitération, le refrain ainsi que d'autres formes littéraires de répétition de sonorités verbales similaires exploitent la même source de plaisir, à savoir le fait de retrouver du connu, voilà qui est universellement reconnu. »

     

     

    Traduttore-traditore remplit toutes ces conditions. C'est du jeu de lego ou de carambolage entre syllabes, ça rime : plaisir d'enfant. Mais « le traducteur n'est pas seulement un nom similaire à celui de traître, il est aussi une sorte de traître, c'est pour ainsi dire à juste titre qu'il porte son nom », se dit l'adulte qui a compris ce que parler veut dire : substituer au silence parfait du monde des mots toujours imparfaits, toujours insuffisants, toujours discutables. Des traîtres-mots.