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  • L'art d'être zéro

    Théorème :

     

    La nullité est un art où l'on atteint d'emblée le sommet.

     

    Démonstration en deux points 

     

    Premier point : la nullité est accessible au tout-venant.

    En effet qui dit nul dit zéro. Or dans toute somme on peut inclure zéro sans la modifier. Ainsi quelle que soit votre situation, de la nullité peut s'y inclure immédiatement sans que vous ayez rien de spécial à faire. Et même rien à faire du tout, en fait.

    Deuxième point : la nullité est directement accessible en son sommet.

    En effet zéro beaucoup, zéro peu, zéro rien sont strictement équivalents. Zéro c'est zéro un point c'est tout. Ainsi dès l'instant que vous vous situez à zéro, que ce soit zéro d'en bas ou zéro d'en haut c'est kif kif croyez-moi.

    Par conséquent vous pouvez tout autant considérer que vous êtes au pied qu'au sommet de zéro.

    Conclusion : Alors un peu d'ambition que diable, prétendez au sommet de l'art de la nullité.

     

    Exercice d'application

     

    Soit un écrivain qui envisage de rédiger Les Mémoires d'un raté. A partir de combien de pages blanches pourra-t-il considérer que son livre est réussi ?

     

    N.B.1 On peut faire le même exercice en remplaçant pages blanches par ratures.

    N.B.2 Je sais pas ce qui est mieux, dans rature y a rater, c'est peut être plus adapté. D'un autre côté blanc fait clairement penser à zéro. Enfin je trouve.

    N.B.3 Bon c'est pas grave faites comme vous voulez, de toutes façons vous devinez la note que vous obtiendrez ?

     

    Ah et puis y a encore ça à rajouter au théorème :

     

    Scolie 1

    Quand on relit, après plusieurs mois ou plusieurs années, un écrit dont on n’était pas très content en le terminant, on se dit : ah mais, ce truc n’est pas si mal finalement ! Comme si le temps avait gommé les imperfections.

     

    Scolie 2

    Mais ce que le temps use, je crois bien, ce ne sont pas nos imperfections, ce sont nos exigences.

     

  • Le complexe du cancre

    Ce complexe se manifeste en particulier par le fantasme dit « de l'école qui brûle ». A la veille d'une interro, ou simplement pour éviter la lassitude des cours qui l'ennuient, et l'angoisse de ceux dans lesquels il se sent largué, mesurant la distance (croit-il) entre son manque d'intelligence et les capacités de ses camarades, le cancre se dit : si seulement l'école brûlait ! Rares cependant sont ceux qui vont jusqu'au passage à l'acte. Acte et cancre sont plutôt contradictoires : spinozistement parlant le cancre est avant tout passif.

    Raison pour laquelle on le dit paresseux, sauf que la paresse n'existe pas, en tous cas pas de façon primaire. Elle est un affect secondaire, une réaction, une réponse. La solution que le cancre trouve pour éviter l'échec qu'il appréhende. Voici l'occasion de remarquer au passage que c'est à tort que la paresse est comptée au nombre des péchés capitaux : ce n'est pas un forfait, mais une déclaration de forfait. Nuance. Ledit « paresseux » ne fait que renoncer à une compétition pour laquelle il ne se sent pas à la hauteur.

     

    Cet évitement se retrouve dans toutes les formes du complexe, qui est loin de concerner le seul contexte scolaire ou son prolongement professionnel. Ainsi le complexe du cancre fera désirer l'orage propre à dispenser du pique-nique inconfortable ou de la randonnée crevante en compagnie d'amis du cancre et/ou de la nature. Et ceci dans l'espoir d'éviter l'effort physique de se remuer un peu (le cancre est animal immobile), assorti de l'effort psychique de sortir de sa coquille (qu'il a en commun avec l'escargot, ce qui est logique car dans cancre il y a à la fois nacre et écran).

    Autre exemple espérer qu'un AVC ou un infarctus viendront opportunément toucher votre oncle Victor ou votre tante Adèle, non par antipathie ou méchanceté, mais juste pour éviter au moins aujourd'hui la somnolente partie de Scrabble qu'en plus vous perdez toujours en cancre que vous êtes.

     

    L'évitement est une solution certes, mais solution névrotique. Une solution de compromis (dixit Freud) conduisant à perdre sur les deux tableaux.

    1 Marasme de la passivité renonciatrice, dépit de ne pas assumer l'effort dont vous voudriez être capable pour, précisément, vous remuer et sortir de votre coquille, vous défaire de la prégnance de la cancritude.

    2 Honte de votre lâcheté : pourquoi ne savez-vous pas tout simplement dire non à ce qui ne vous attire pas, ne vous convient pas ?

     

    Signalons pour finir un exemple de plus de conséquence que la vexation de Tante Adèle (regrettable au demeurant je n'en disconviens pas). Confronté à un échec social, affectif, existentiel, le cancre passe parfois à l'acte en substituant à l'incendie de l'école un attentat ou un meurtre en bonne et due forme. Prouvant par là, une fois de plus, que la vie est plus difficile à affronter que la mort. Surtout celle des autres.

     

  • Summertime

    Sans me vanter et Dieu me prête vie (sans intérêt SVP merci) j'aimerais mourir en été. Attention ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : je n'aimerais pas mourir, tout court, mais mourir-en-été. Sous-entendu à la grande rigueur ne pas mourir du tout (oui c'est pas de moi et alors du moment que c'est génial) (non je n'ai pas dit génial « aussi », car sans me vanter je suis presque aussi humble que Proust). Mourir en été donc, exclusivement pour le cas où je ne puisse faire autrement que mourir, naturellement. Et il semble que je ne pourrai pas, naturellement. Dont acte, mais tant que j'ai mon mot à dire j'énonce ma préférence pour l'été. Voilà.

     

    L'été on ne s'en lasse pas, faites un sondage. Quelque saison que les gens disent préférer, ils finiront toujours par admettre que a) l'hiver si vivifiant, la magie de la neige, les soirées autour d'un bon feu de bois euh au bout d'un moment on attend vraiment que le printemps arrive b) le printemps les arbres en fleurs, le renouveau de la nature, la poussée de la sève et pas que dans les arbres on dit OK maintenant passons à autre chose c) l'automne on aime bien, mais à condition que ça ressemble encore un peu à l'été. Et tous concluront l'été oui en fait c'est toujours bien, on pourrait y rester.

    Bref en opinion favorable chaque saison récolte un pourcentage honorable, mais s'il s'agissait de voter, l'été serait élu, et au premier tour encore.

     

    Interrogez vos fibres : l'été est saison de dilatation, d'épanouissement, saison d'adhésion totale et profonde à ce qui est là. Y compris à soi-même. Oserais-je dire saison spinoziste (bien que ça soit pas facile à prononcer) ? Allez oui j'ose car Dieu me conatise si c'est pas dans mon blog que je dis ce que je veux comme je veux, à ma manière, où alors, hein ?

     

    Même la canicule ne peut refroidir ma passion pour l'été. Au contraire elle est pour moi je crois bien sa configuration normale, ce qui fait que l'été honore parfaitement sa nature estivale. Dans mon pays méridional, sentir par grosse chaleur la terre se sublimer en exhalant des vapeurs de graminées, de thym et autres herbes aromatiques desséchées, eh bien c'est sublime voilà un point c'est tout. Et l'odeur des immortelles, quintessence mystique de paille et de lumière ... Là je vous entends penser « Serait-ce, Dieu nous lacanise, à cause d'un mot, immortelle, qu'elle parle de mourir l'été ? » Allez savoir ...

     

    Certitude en tous cas : l'été est saison sans défaut. J'entends qu'il ne peut vous faire défaut, vous manquer. On peut s'y abandonner, s'y laisser aller sans réticence. Il est enveloppant, protecteur. En fait le mot le plus exact est « utérin ». Et c'est pourquoi sans doute on peut, en été, et en été seulement, envisager la mort sans (trop) d'angoisse. Comme si, dans le giron d'été et l'imbibition de sa chaleur amniotique, il devenait possible de consentir joyeusement à l'inscription dans le cycle de la vie et de la mort.