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  • Second souffle

     

    « Il n'y a que le premier pas qui coûte. »

     

    Peut être, mais on hésite souvent à le faire.

    Dans nombre de cas l'on doute.

    Une hésitation raisonnable ?

     

    D'un côté d'accord : faut pas avoir beaucoup roulé sa bosse pour le savoir, y a pas qu'au premier pas qu'on casque.

    La preuve les bébés, regardez-les hésiter, j'y vais j'y vais pas ? Ils anticipent les genoux écorchés et autres patates.

     

    La vie, c'est un peu comme l'autoroute.

    Vous en connaissez une, vous, où seul le premier kilomètre soit payant ? Sur l'A75, il n'y a qu'un péage, au viaduc de Millau, me direz-vous. Mais on sera d'accord : là ils se remboursent quand même pas trop mal, les actionnaires.

    Il est vrai que comme il s'agit d'une entreprise philanthrope et citoyenne, on paye de bon cœur. On a l'impression de faire quelque chose pour la collectivité, genre donner son sang, participer au téléthon …

     

    La vie c'est comme l'autoroute, quand on croit que ça roule c'est qu'on se fait rouler.

    Non seulement le premier pas, mais le reste de la course est loin d'être gratuit. Beaucoup de pas sont cher payés, et en plus, on n'est pas sûr que le dernier nous rembourse.

    Quoi qu'en disent certains trépasser ne mène nulle part.

    Et ainsi ce proverbe pose, pour inciter à se lancer dans l'entreprise, une affirmation gratuite qui n'engage que lui, dont la fausseté est vite vérifiée.

     

    Oui mais d'un autre côté : a-t-on le choix ?

    À l'arrivée on finit par savoir que vivre, c'est accepter de perdre, qu'il n'y a souvent rien à gagner.

    La vie c'est juste marche ou crève.

    De toutes façons si on reste en stand by on va pas loin. Alors bon. Maintenant qu'on y est.

    Marche ou crève, et comme de toutes façons tu crèveras, autant marcher de bon cœur et de bon pied.

    Un voyage de mille lieues a commencé par un pas, dit pour sa part Lao Tseu de façon moins marchande. Comme quoi on calomnie beaucoup les Chinois sur ce point.

     

    Et pour couper court à toute circonlocution inutile, cantonnons-nous à l'essentiel : que ça coûte ou que ça rapporte, marcher c'est mettre un pas devant l'autre.

    Et recommencer.

     

  • Résidentiel

     

    « L'enfer est pavé de bonnes intentions. »

     

    Insuffisant le descriptif. Le pavement, soit. Mais quid des boiseries, de la plomberie ? Du chauffage ? Accès à un jardin d'agrément ?

    Comment se fait la collecte des ordures ?

    Avant de m'installer pour l'éternité, je veux savoir où je mets les pieds. J'irai pas jusqu'à dire que cette annonce sent le soufre, mais ça pue un peu l'arnaque. Et le contrat je sais pas s'il est trop dans les clous.

    Exemple là en tout petit le futur résident signera de son sang et paiera du prix de son âme.

    Étrange, non ?

    Comme justement je l'ai encore, mon âme, j'ai fait part de ses états à Lucie Fair, la stagiaire de l'agence Immonde Immo. Mignonne, sourire commercial. Pourtant je sais pas dire y a un truc chez elle qui me glace. Son regard peut être.

    Bref elle m'a sorti un argument massue.

    « Réfléchissez : ce serait une plus-value d'en ... enfin énorme ! Elle vous a coûté quoi votre âme au départ ? On vous l'a filée gratis pro … euh

    - Oui mais de là à m'en défaire en échange du bien que vous me vantez, c'est un sacré pari. Je peux en avoir encore l'usage.

    - Bof y en a plein qui s'en passent et s'en portent pas plus mal, vous savez. Entre nous l'âme c'est quoi, du vent, du vague, de l'impondérable. Tandis qu'un appartement au domaine d'Enfer, à part le pavement de l'entrée, c'est béton brut surarmé partout. Du solide. Alors vous connaissez le proverbe il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre ... »

     

    OK c'est vrai j'ai eu l'âme gratis dans le pack, avec la peau et les os, muscles, viscères, neurones, globules, le toutim. Mais faut voir que depuis j'ai fait quelques investissements.

    Pour le corps encore c'est pas du lourd : j'aime les nourritures terrestres simples, les omelettes par exemple (non baveuses).

    Mais pour l'esprit-psyché, l'âme comme dit Lucie Fair, côté aménagements j'y suis allée ! À mort.

    Faut voir que tout ça est assez brut au départ, style tabula rasa plutôt qu'art nouveau. Alors faut en bouffer du l'art, en absorber de la culture.

    Et là je parle pas des replays d'Arte. Non je veux dire gros bouquins écrits petit. Qui en plus prétendent que science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Du coup que faire ?

    On se penche sur la question de la conscience et de là fatalement, on tombe dans l'inconscient. C'est dire la prise de tête.

     

    Tout ceci pour dire leur truc d'Immonde immo c'est tentant si on veut, mais perso je suis pas sûre de m'y retrouver. Je vais attendre une meilleure opportunité.

    Y a mon copain Jean-Paul il me conseille plutôt de chercher du côté d'une coloc. Mais j'hésite, la coloc ça devient vite invivable. Bon, moi je suis prête à des concessions, et illimitées encore.

    Mais ça dépend aussi des autres.

     

     

  • Ma chandelle est morte

     

    « Le jeu ne vaut pas la chandelle. »

     

    Tiens oui au fait parlons-en. Voilà une phrase qui prouve une fois de plus que les concepteurs de proverbes sont rares à être aussi résolument positifs que Schopenhauer. (cf ce blog 3 février)

    Portons ici un diagnostic sans appel : nous avons affaire à un aquaboniste immobiliste passif agressif.

    En effet quel est le ressort dramatique qui caractérise ce type de personnage ?

    Une avarice psychique précautionneuse, soupçonneuse.

    Il s'économise, ne comptant que sur lui-même.

    Aimer ? Oui mais. À condition de tomber sur l'oiseau rare.

    Agir ? Oui mais. À condition qu'il n'y ait pas trop de risques, un minimum à investir pour un maximum à gagner.

    La vérité c'est qu'il se raconte des histoires : l'investissement il ne le fera jamais. Le risque il le laisse aux autres.

    En savourant par avance le spectacle de leur échec. Car il ne voit pas comment ils réussiraient là où il est sûr d'échouer.

    Derrière ce masque de défiance, la peur. L'aquaboniste marche (ou plutôt ne marche pas) à la peur.

    Peur que son désir ne l'emmène trop loin. Vers des rebondissements inattendus. À la rencontre de personnages étranges ou étrangers.

    Il s'emploie à se défendre de tout frisson d'émerveillement devant l'apparition d'un deus ex machina. Il ne risque pas de se laisser aller de bon cœur à rire. Ni à pleurer.

    Il a surtout peur d'être pris en flagrant délit de naïveté. D'enfantine aptitude à la joie et à l'espoir.

     

    Bref qui trouve que le jeu ne vaut pas la chandelle prouve qu'il est mauvais joueur au jeu de la vie.

    Et par corollaire mauvais public.

    Il n'a plus comme choix que de se reconvertir dans la critique :

     

    « La pièce de M. Molière, outrancier fatras d'inepties, en outre mal interprétée par de mauvais acteurs, est assurément de celles dont on peut dire : le jeu ne vaut pas la chandelle. »

    Signé Harpagon-Tartufe