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  • Binômes

     

    Il est des proverbes qu'on peut faire aller par deux. Tellement on dirait qu'ils se donnent la réplique : 

     

    « Aux grands maux les grands remèdes. »

    « Mieux vaut prévenir que guérir. »

     

    - Alors, Docteur, comment ça va ?

    - Très bien merci.

    - Non, je voulais dire : comment ça va, moi ?

    - Eh bien Monsieur Machin puisque vous me posez la question : votre état s'est sérieusement dégradé, va falloir envisager un traitement sérieux itou. Comme on dit : aux grands maux les grands remèdes.

    - Mais, Docteur, je ne comprends pas ! La dernière fois vous m'avez dit vos examens sont parfaits, vous nous enterrerez tous allez ! Et là vous parlez de me fourguer un remède de cheval ?

    - C'est normal que vous regimbiez, mais j'y peux rien moi. Faut croire que votre état a opté pour la politique du pire.

    - Comme ça ? D'un coup ? Vous avez rien vu venir ? Et le principe de précaution alors ? Mieux vaut prévenir que guérir, vous savez ça ? Vous avez rien prévenu du tout.

    - Il n'est pas dit qu'on puisse vous guérir non plus. Mais rassurez-vous j'appliquerai au moins la devise d'Hippocrate : d'abord ne pas nuire.

     

    Et en rapprochant ces deux-là :

     

    « Qui vole un œuf vole un bœuf. »

    « Qui peut le plus peut le moins. »

     

    Ça a plus ou moins l'air de dire qu'il est plus difficile de voler un œuf qu'un bœuf. Et c'est pas faux. Ça dépend quel œuf et quel bœuf. Tout est là.

    Personnellement il me semble que je pourrais me débrouiller de voler un bœuf.

    Naturellement il faudrait que je prenne mon courage à deux mains parce que ça fait partie des animaux qui me font peur. Faudrait un bœuf pas trop gros, surtout les cornes.

    Cela dit un bœuf est moins menaçant qu'un taureau. Heureusement que le proverbe ne dit pas qui vole un pruneau vole un taureau, là on était mal.

    Faudrait encore sauter par dessus la barrière électrifiée qui délimite le pré. Bref c'est pas gagné. Mais ça reste jouable.

     

    Quant à voler un œuf ?

    Dans une crèmerie, sur un marché, je dis pas : yes I cane. Car en général j'inspire confiance aux commerçants (curieusement la réciproque n'est pas vraie).

    Mais je ne pense pas que voler un œuf de Fabergé soit dans mes compétences. 

    D'ailleurs je vois pas pourquoi je le ferais : je trouve ça très très moche.

    Et pour voler un oeuf de dinosaure, faudrait que j'aie vraiment très très faim.

     

     

  • "Là-bas les merveilleux nuages"

     

    « À quelque chose malheur est bon. »

     

    Les British disent avec infiniment plus de poésie « no cloud without a silver lining ».

    Soyons fair play et admettons-le : sur ce coup-là, leur langue de Shakespeare dame le pion haut la main à notre langue de Molière.

    En même temps, je veux pas en être une mauvaise, de langue, mais ils ont pas eu à chercher trop loin leur inspiration, hein, entre nous ?

    Côté nuages ils en connaissent un rayon.

    Et puis trouvaille, image poétique, je veux bien.

    Mais à partir du moment où on est capable de nommer un parapluie « ombrelle », ça veut surtout dire qu'on est dans la dissonance cognitive.

    Qu'on a perdu contact avec la réalité. Grave.

    Bon OK, j'admets que la stratégie du déni puisse leur être d'un grand secours pour rester flegmatiques dans le climat britannique. And, by the way, dans les affres brexitiques.

     

    Mais revenons à notre proverbe. À quelque chose malheur est bon … Et ? ...

    Vous pouvez préciser ? À quelque chose. À quoi en fait ?

    Et puis malheur ? C'est quand même un concept un peu large, une catégorie hyper ouverte. Entre le pas de chance que c'est la faute à personne ou le truc bien méchant qu'on vous cause en toute injustice, y a un abîme.

    Et bon ? Dans quel ordre de choses ? Matériel ? Éthique ? Et quel délai pour toucher la contrepartie ? Parce que c'est un peu l'idée quand même.

     

    On voit que ce proverbe est le genre d'allégation qui ne résiste pas à un interrogatoire serré.

    Pour ma part si je le mets en examen j'ai tendance à le soupçonner de chercher à servir d'alibi à l'injustice. D'avoir pour propos de fermer la bouche qui veut crier sa révolte, sa douleur.

    Vous voulez que je vous dise, c'est un proverbe opium du peuple.

    Même les Stoïciens ils avaient pas osé.

    Eux se contentaient de dire : Le malheur c'est du malheur, bon. (Sous entendu : OK on va pas en faire un fromage, mais y a pas non plus de quoi sauter au plafond).

     

    Bref nous conclurons à rien du tout malheur est bon.

    Mais ça n'empêche pas de contempler le nuage ourlé d'argent.

    À tant de choses beauté est bonne.

     

     

     

     

  • Cornélien

    « De deux maux il faut choisir le moindre. »

     

    Ah ah très drôle. C'est ce qui s'appelle avoir le mot pour rire.

    Parce que bon entre nous, lecteurs : on vous a déjà donné le choix une fois, à vous ?

     

    « Alors voilà : ici une maladie orpheline, là un bon diabète des familles. Choisis, fais-toi plaisir, c'est cadeau (du moins tant qu'à défaut de santé on a la sécu). »

    Ou bien : pour ta maison, tu préfères l'incendie ou l'inondation ?

    Ou encore : ton mec, t'aimes mieux qu'il parte avec ta meilleure amie ou avec son mari ? Ou les deux ?

    Charybde ou Scylla ? Peste ou choléra ?

     

    Inutile que je multiplie les exemples. Vous pourrez broder de votre côté ad libitum.

    Mais je ne veux pas être de mauvaise foi. Pour une fois.

    Il y a des cas, je vous le concède, où l'on a vraiment le choix. Des cas où l'on aura une véritable alternative : bouffer la patate ou bien en purée ou bien gratinée.

    Imaginons une élection présidentielle …

    Euh. Bref.

     

    De deux maux il faut choisir le moindre :

    « Un petit mal ?

    - Non merci j'ai déjà donné.

    - Mais si ! Regarde, là, le tout petit de rien du tout. Allez, pour finir la série noire ! »

     

    Car oui rappelons-le, souvent les maux arrivent groupés. Ils ont le sens du collectif.

    Eux.

    Du coup la seule chose restant à choisir ne sera guère que l'ordre dans lequel les prendre sur la gueule. Pour ce faire on tentera de les isoler, de façon à les liquider l'un après l'autre.

    Comme Horace avec les Curiaces si vous voyez.

    De deux maux il faut choisir le moins coriace.

     

    Et ensuite faut affronter, parce qu'on n'a pas le choix.

    Reste une seule liberté : choisir l'élégance de la légèreté. Euphémiser, litoter, ironiser : bref relativiser.

     

    De deux mots choisir le moindre, ça on peut toujours.