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  • La tête à Roro

    -Blanche, tu es là ?

    -Ben oui. Où tu veux que je sois ?

    -C'est que tu dis rien.

    -J'ai rien à dire, Ariane, c'est tout.

    -Ce serait pas ton angoisse qui te reprend ?

    -Mon angoisse ? Tu parles de laquelle ? Sans me vanter j'en ai à revendre.

    -Entre nous bon courage pour trouver des acheteurs. Mais bon je voulais dire tu sais l'angoisse dite de Blanche Page. C'est bien toi, c'est ton nom ?

    -Ah voilà ça va être encore de ma faute si t'es en panne d'inspiration. Mon angoisse, mon angoisse, notre angoisse je te ferai dire.

    -Si ça peut te faire plaisir …

    -C'est juste un fait, Ariane. On est dans le même bateau, si je rame c'est que tu rames

    -Et vice-versa, alors ?

    -Oui bien sûr. Bon alors on va pas y réveillonner, où veux-tu en venir ?

    -Ben comme d'hab je voudrais trouver un sujet sympa pour mes lecteurs.

    -Tes lecteurs, Ariane ?

    -Nos lecteurs si tu préfères …

    -Je préfère oui.

    -D'accord d'accord, Blanche. Mais bref t'aurais pas une idée, toi ?

    -Notre joker habituel. Avec ses pages noircies bien noircies. Et qui en plus sont beaucoup beaucoup.

    -Si je comprends tu suggères un nouveau petit abécédaire avec Robert ? Pourquoi pas ? Alors question suivante : comment on les choisit, les mots ?

    -Chacune dit un chiffre, on additionne, et on prend le mot correspondant dans chaque lettre.

    -Ouais genre Oulipo pour les nuls quoi ...

    -Parce que Mâdâme Âriâne à mieux à proposer ? Un truc plus intello, plus philosophico-machin ?

    -C'est bon, c'est bon : huit.

    -Zéro.

    -Ah voilà je l'attendais celle-là ! Tu sais quoi, si tu me trouves si nulle, eh bien t'as qu'à te débrouiller sans moi.

    -Mais qu'est-ce que tu nous embrouilles, Ariane ? C'est dur à comprendre que le chiffre préféré de ta copine Blanche Page soit zéro ? Ton esprit logique a pas percuté ? Zéro, le rien, le vide, le blanc ...

    -...

    -Non allez boude pas. Huit plus zéro égale huit (tu vois du coup bingo c'est ton chiffre à toi qui est sorti). La prochaine fois on ouvre Robert au A, on s'arrête au huitième mot, et on se lance.

     

  • Au gré du vent (16/16) Un bien en soi

    « Quant à moi, par réalité et par perfection j'entends la même chose. »

    (Spinoza Éthique Préface partie 4)

     

    Juste un petit moment encore avec Spinoza, si tu permets, lecteur-trice. Sans se prendre la tête promis (la prise de tête c'est pas le genre des RA, tu l'as compris n'est-ce pas).

    Dire la perfection c'est la réalité, s'entend (il me semble) comme l'incitation à se tenir devant tout ce qui est là, la simple réalité objective, quotidienne.

    Hors cinéma imaginaire, hors préoccupation narcissique, se contenter d'embrasser le réel*. Oui mais comment ?

    Eh bien, explique Spinoza, il faut l'outil d'idées adéquates. Celles qui visent à se faire de la réalité une idée juste, à en prendre l'exacte mesure.

    Il y a un bonus : l'adéquation est source de joie, assure-t-il. Comprendre, rien ne fait davantage de bien, car c'est un bien en soi, conclut-il.

     

    La faute peut être à ma fréquentation soutenue de tas de  RA et autres tas de RI, mais je trouve que c'est drôlement vrai. Comprendre est un bien en soi.

    Car cette joie de comprendre n'est pas nécessairement dépendante du contenu, de la chose que l'on comprend. C'est comme quand on va voir un film au sujet dur, tragique, et qu'on sort pourtant de la salle dans une sorte d'euphorie. Pourquoi donc ? C'est qu'on ressent la joie, le dynamisme d'une création réussie.

    Le fait de réfléchir, de chercher à comprendre est de la même façon un acte créateur. Et pareillement euphorisant.

    Par exemple comprendre les mécanismes de ses erreurs, de ses fausses routes. Cette compréhension ne change rien à ce qui a été, ne répare pas les dégâts, ne rebâtit pas à neuf, mais elle ouvre l'asile de l'adéquation.

    Se prendre comme on est, exactement, se comprendre comme on ferait d'un autre. Et alors, par-delà (ou à travers) les éventuelles amertumes, les regrets les repentirs, éprouver la joie de l'adéquation, joie paradoxale, toute d'austère douceur.

     

    *En fait cela rejoint à mon sens le concept d'objectité chez Schopenhauer, qui permet, dit-il, de se situer dans l'oeil unique du monde. 

     

  • Au gré du vent (15) La faute à Spinoza

    En fait je ne sais pas si j'ai raison de fréquenter les RA (cf 10). Ça a tendance à me déprimer. Pourquoi ? Ça m'ouvre les yeux sur trop de choses.

    Exemple au hasard : l'épidémie de covid a révélé une pathologie bien plus invalidante, la myopie éthique.

    Elle provoque l'incapacité à voir plus loin que le bout de son nez. Les malades affectés du syndrome ME ne peuvent vivre leur rapport au virus que dans un esprit de privatisation forcenée. C'est mon virus, j'en fais ce que je veux, je suis libre. Na.

    Le syndrome associe donc à la personnalité* un réflexe pavlovien d'opposition à tout et n'importe quoi. Régression à l'âge enfantin du non, l'âge adolescent du no future.

    Sauf que l'âge du non est transitoire, c'est une étape d'élaboration, une façon de construire son individualité, dans la confrontation aux limites posées par les parents et éducateurs (quand ils les posent).

    La phase nihiliste des ados, elle, est une façon (brutale mais pas si bête) de chercher les moyens de faire mieux que la génération précédente.

    Une étape de tabula rasa qui permet de dégager la perspective, de se donner l'espace de son aménagement personnel.

    L'antitoutisme égocentré ne vise pas de construction, il est au contraire un principe d'inactivation.

    Pourtant pas besoin d'être Nietzsche pour voir que ce que je détruis du corps social me rend plus faible. Vu que j'en fais partie, du corps social.

     

    Quand on déprime chez les RA on se raccroche à un mantra de Spinoza (qui lui est membre non des RA mais des RI**) : ni rire ni pleurer ni haïr mais comprendre (Traité politique).

    Rire il veut dire railler persifler ricaner, il ne s'agit pas d'un rire libérateur qu'ailleurs il célèbre. Pleurer c'est déprimer se désoler se décourager. Haïr c'est rager, ne pas supporter. Au lieu de tout ça comprendre : observer, entendre, analyser, prendre en considération.

    Ni railler ni déprimer ni haïr mais comprendre. C'est sympa dit comme ça, mais pas facile à faire, hein ? Mais a-t-on le choix ?

     

     

    *Mot de G de Staël pour l'égocentrisme radical.

    **Rationnels Illustres